par Franck WEIL-RABAUD
Article publié le 27/03/2009 Dernière mise à jour le 27/03/2009 à 16:31 TU
Trois mois après son entrée à la Maison Blanche, Barack Obama imprime sa marque sur la question des relations avec l’Iran. Il propose aux dirigeants de Téhéran d’ouvrir un dialogue fondé sur le respect mutuel. Il compte également sur l’Iran pour ramener la stabilité en Afghanistan où sont déployés des milliers de soldats américains. Et cette stratégie semble accueillie avec prudence mais favorablement à Téhéran.
« Les Etats-Unis veulent que la République islamique d'Iran prenne la place qui lui revient dans la communauté des nations. Vous avez ce droit, mais cette place ne peut être obtenue par la terreur et les armes, mais par des actions pacifiques qui démontrent la véritable grandeur du peuple et de la civilisation iranienne. A l’ occasion de votre Nouvel an, je veux que vous, le peuple et les dirigeants de l'Iran, vous compreniez le futur auquel nous aspirons. Il s'agit d'un avenir de nouveaux échanges entre nos deux peuples et de plus grandes opportunités de partenariat et de commerce. C'est un avenir dans lequel les vieilles divisions seront surmontées, où vous et tous vos voisins et le monde entier pourront jouir d'une plus grande sécurité et d'une paix plus grande ». Nous sommes le 20 mars 2009. Et le nouveau président américain Barack Obama vient de rompre avec la politique menée par son prédécesseur vis-à-vis de l’Iran. Il se plie certes, comme tous les occupants de la Maison Blanche avant lui, à la tradition des vœux adressés au peuple iranien à l’occasion de Noruz, la fête marquant la nouvelle année. Mais, et c’est historique, Barack Obama inclut dans son message les dirigeants de la République islamique. On est loin de la rhétorique de Georges Bush qui n’hésitait pas à inclure l’Iran dans son désormais célèbre « axe du mal ». Le nouveau président des Etats-Unis indique clairement sa volonté d’ouvrir une nouvelle ère dans les relations bilatérales avec l’Iran quasi inexistantes depuis la Révolution islamique de 1979.
L’Iran, acteur régional incontournable
En proposant cette reprise du dialogue, Barack Obama se montre avant tout pragmatique. Il connait l’influence qu’exerce l’Iran dans deux pays où sont actuellement engagées des troupes américaines, l’Irak et l’Afghanistan. En mai 2007, le gouvernement de George Bush avait déjà fait un premier geste limité mais historique. Pour la première, un officiel américain, en l’occurrence l’ambassadeur américain à Bagdad rencontrait son homologue iranien Hassan Kazemi. Cette rencontre s’était déroulée dans la résidence du Premier ministre irakien Nouri al- Maliki. Il s’agissait alors de la première rencontre officielle bilatérale depuis la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays en 1979. « Les Iraniens et nous-mêmes avons énoncé les principes qui guident nos politiques respectives en Irak », avait expliqué l'ambassadeur. « J'ai fait part aux Iraniens de notre scepticisme sur leur comportement en Irak, comme le soutien à des milices combattant les forces de sécurité américaines et irakiennes, le fait que les explosifs utilisés par ces groupes viennent d'Iran », avait ajouté l'ambassadeur américain regrettant que « les Iraniens n'ont pas répondu directement à cela ». Ce dialogue a minima a contribué en partie à une baisse relative de la violence en Irak. Situation qui a permis à Barack Obama de confirmer le retrait progressif de la majorité des troupes américaines dans les deux ans qui viennent. Les Etats-Unis ont pu constater à cette occasion que si l’Iran n’entend rien céder sur la question de son programme nucléaire, il est prêt à discuter sur des problèmes régionaux qui ont une influence directe sur sa situation intérieure. Et ce qui est vrai pour l’Irak, l’est encore plus pour l’Afghanistan.
L’instabilité en Afghanistan, un risque pour Téhéran
La violence persistante qui règne en Afghanistan depuis des décennies a des conséquences concrètes sur la situation intérieure en Iran. Le pays accueille en effet de nombreux réfugiés afghans. Près de 900 000 sont officiellement enregistrés auprès du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Ils bénéficient ainsi d’une autorisation pour travailler en Iran. Des centaines de milliers d’autres vivent en revanche illégalement et ces dernières années, les autorités de Téhéran ont multiplié les expulsions, estimant que depuis 2002, l’Afghanistan avait retrouvé une certaine stabilité en matière de sécurité.
Sur le plan politique, l’Iran et les Etats-Unis sont des adversaires résolus des talibans qui tentent de reconquérir le pouvoir perdu en Afghanistan en 2001. Les responsables iraniens avaient ainsi vivement dénoncé les persécutions dont était victime la minorité chiite en Afghanistan lorsque les fondamentalistes sunnites afghans étaient au pouvoir à Kaboul. En 1998, à la suite de la prise sanglante du consulat iranien de Mazar-e-Sharif, l’Iran avait même envisagé une intervention militaire contre le régime des talibans avant de renoncer. La République islamique, même si elle déplore officiellement la présence des troupes étrangères, et en particulier américaines, en Afghanistan, a tout intérêt à une coopération avec les Etats-Unis pour éviter une déstabilisation de son voisin même si les relations avec le gouvernement pro-occidental d’Hamid Karzaï restent difficiles. Certains responsables locaux afghans sont allés jusqu’à affirmer que le but de l’Iran est de peser sur l’identité nationale afghane pour la détruire à long terme.
Un premier pas vers un dialogue global ?
Pour l’heure, le régime de Téhéran semble jouer la carte de la stabilité chez son voisin. Au point d’envisager une coopération sur ce dossier avec les Etats-Unis et plus largement avec les pays fournissant des soldats à l’ISAF, la force internationale agissant sous mandat de l’ONU et sous commandement de l’OTAN. C’est dans ce contexte que pour la première fois depuis trente ans un diplomate iranien s’est rendu la semaine dernière au siège de l’Alliance atlantique et que la République islamique a confirmé, à l’invitation des Etats-Unis sa participation à la conférence internationale consacrée à l’Afghanistan qui se tiendra le 31 mars aux Pays-Bas. L’heure semble donc à une amorce de dialogue entre l’Iran et les Etats-Unis. Mais il est encore prématuré d’envisager une reprise totale des relations diplomatiques. Beaucoup dépendra de l’issue des élections présidentielles en Iran en juin prochain et surtout de la capacité de tous les acteurs impliqués dans le dossier du nucléaire iranien à trouver un compromis acceptable par toutes les parties.
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