Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Thaïlande / Entretien

Takhsin Shinawatra accuse

Article publié le 16/04/2009 Dernière mise à jour le 16/04/2009 à 18:01 TU

L'ex-Premier ministre thaïlandais, Thaksin Shinawatra.(Photo : Wikipedia)

L'ex-Premier ministre thaïlandais, Thaksin Shinawatra.
(Photo : Wikipedia)

C’est en son nom que les « chemises rouges » ont manifesté pendant trois semaines à Bangkok. L’homme d'affaires thaïlandais, milliardaire, ancien Premier ministre de 2001 à septembre 2006, date à laquelle il a été renversé par un coup d'Etat militaire, fait l’objet d’un mandat d’arrêt dans son pays. Accusé de corruption et d'abus de pouvoir, Takhsin Shinawatra a été condamné à deux ans de prison. Il est en exil aujourd'hui, entre Londres et Dubaï, où Aurélien Colly a pu le rencontrer pour RFI.

RFI : Les manifestants, les « chemises rouges », descendus dans la rue depuis le 23 mars, faisant le siège de plusieurs institutions, affrontant la police et l’armée, sont vos partisans. Êtes-vous derrière les événements et les violences qui ont secoué Bangkok ces derniers jours ? Avez-vous orchestré ce mouvement de contestation ?

Takhsin Shinawatra : Les chemises rouges sont un mouvement pro-démocratique. Il se compose de deux parties. Une partie avec mes partisans. L'autre avec des gens qui veulent la démocratie, et qui, parfois, ne m'apprécient pas. Je ne suis pas l'organisateur de ce mouvement, je lui apporte un soutien moral.

RFI : Mais vous êtes en contact quotidien avec vos supporters. Dimanche dernier, vous avez appelé à la « révolution ». Vous avez fait plus qu'apporter un soutien moral.

Takhsin Shinawatra : J'ai toujours insisté dans mes discours sur la nécessité d'être pacifique. J'ai même cité à plusieurs reprises le Mahatma Gandhi ou Martin Luther King, pour leur dire que la violence menait à la violence et que les victoires obtenues dans la violence ne duraient pas.

RFI : Le calme est revenu ce mardi dans les rues de Bangkok, les autorités font un bilan : 2 morts et 113 blessés. Est ce que vous dressez le même bilan ?

Takhsin Shinawatra : Non, je crois que beaucoup plus de gens sont morts. On nous a rapporté que les militaires ont utilisé de vraies munitions et tiré horizontalement sur les gens, en tuant beaucoup. Des témoins nous ont dit que leurs corps avaient été emmenés.

RFI : Avez-vous des preuves de ce que vous avancez ?

Takhsin Shinawatra : Cela viendra. Il y a un proverbe thaïlandais qui dit « quand un éléphant meurt, on ne peut pas le cacher avec une feuille ». Ce sera révélé, on le prouvera. Ils sont venus avec des M16 et de vraies munitions et ont abattu les gens.

RFI : Ce mardi, les chemises rouges – vos partisans - ont finalement décidé de lever le siège du cabinet du Premier ministre. Est-ce que la décision est venue de vous ? Est-ce le résultat des pressions militaires ? Est ce que ce n’est qu’une étape avant le retour des chemises rouges dans les rues de Bangkok?

Takhsin Shinawatra : Quand j'ai appris que les militaires et les milices qu'ils soutiennent approchaient des manifestants, qu'ils étaient sur le point de les encercler, je leur ai dit qu'il y aurait des morts et des blessés. Mais ils prennent leurs propres décisions, moi je ne peux que leur faire part de mes craintes, leur apporter mon soutien et leur donner des idées. Après, ils prennent leur décision.

RFI : Vos partisans sont essentiellement des ruraux. Comme eux, vous avez demandé la démission du Premier ministre et l’organisation d’élections anticipées. Vous n’avez pas obtenu gain de cause, est-ce qu’il faut s’attendre à un retour de vos partisans dans les rues de Bangkok dans les prochaines semaines ?

Takhsin Shinawatra : Je ne sais pas. Ce que je peux vous dire c'est que ceux qui sont derrière ce mouvement pro-démocratique veulent la démocratie. Et la violence et l'oppression brutale n'y mettront pas fin. Nous devons faire de la Thaïlande une vraie démocratie, offrir la liberté, l'égalité et la justice pour tous, sinon la confrontation est inévitable.

RFI : Une cour thaïlandaise a émis un mandat d'arrêt contre vous et 12 de vos partisans. Vous êtes inculpé pour rassemblement illégal de plus de 10 personnes, menaces et actes de violence. Vous êtes aussi inculpé pour incitation à la désobéissance civile. Ce sont des charges qui peuvent vous conduire en prison. Qu'avez-vous à répondre à cela ?

Takhsin Shinawatra : C'est une décision politique. Cela veut dire que le gouvernement n'écoute pas le mouvement pro-démocratique. Ils cherchent à m'écarter, au détriment du pays, parce qu'ils ont peur de ma popularité. Ils veulent faire passer le pouvoir de leur côté. Les gens ont besoin de démocratie, qui ne viendra pas des militaires ou des élites politiques de Bangkok... la démocratie pour tous. Et c'est pour cette raison que de plus en plus de gens vont rejoindre ce mouvement. Plus vous réprimez et vous utilisez la force, plus la Thaïlande sera divisée.

RFI : Peut-être aviez-vous des objectifs personnels, peut-être pour pouvoir rentrer en Thaïlande, pour répondre aux accusations de corruption. Peut-être mener un mouvement avec vos chemises rouges pour reprendre le pouvoir de manière démocratique, mener des élections, les gagner éventuellement et retrouver la place qui était la vôtre auparavant. Aujourd’hui tout cela est compromis par le mandat d’arrêt lancé contre vous.

Takhsin Shinawatra : Il n'est pas question de moi. Il est question de vraie démocratie pour la Thaïlande, du peuple, de notre pays, pas de moi ! Je n'ai pas l'ambition personnelle de rentrer dans mon pays pour faire de la politique. Mais si les gens et le pays ont besoin de moi, je serai prêt à le faire, mais sinon, pour moi, ça suffit. S'il vous plait, faites savoir au monde que les violences qui se sont produites ont été manipulées. Si vous revenez au point de départ : Pattaya, là où devait se dérouler le sommet de l'ASEAN. Des milices, soutenues par le gouvernement et portant des chemises bleues, ont commencé à jeter des pierres sur les manifestants pro-démocratiques, leur on tiré dessus. C'est pour ça que les violences ont commencé.

RFI : Vous accusez le gouvernement d’avoir manipulé votre mouvement populaire ?

Takhsin Shinawatra : Oui je les accuse. Je les accuse d'avoir utilisé la force, d'avoir soutenu ces milices.

RFI : La monarchie en Thaïlande est l’un des trois piliers de la nation. On n’a pas beaucoup entendu le roi pendant ces jours de manifestations, de violences. Quelles sont vos relations avec lui ?

Takhsin Shinawatra : J'ai appelé Sa Majesté à intervenir en urgence. Il est temps pour lui d'intervenir. C'est la seule personne qui peut intervenir aujourd’hui. Sinon, la division va s'accentuer, la confrontation s'amplifier. La réconciliation est nécessaire et je voudrais encore en appeler en urgence au roi : il est temps qu'il prenne position et qu'il aide le pays à se réconcilier.