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Amérique latine

Le sucre : une nouvelle monnaie pour contrer le dollar

par Mounia Daoudi

Article publié le 17/04/2009 Dernière mise à jour le 17/04/2009 à 16:48 TU

A quelques heures de l'ouverture à Trinité-et-Tobago du sommet des Amériques, premier grand rendez-vous du président Barack Obama avec ses homologues du sud du continent, les dirigeants de gauche latino-américains ont cherché à faire pression sur les Etats-Unis. Ils ont, en effet, annoncé la création d'une monnaie commune, le sucre, dont l’objectif affiché est de se soustraire à l'hégémonie du billet vert.
Les présidents des pays membres de l'Alternative bolivarienne pour les Amériques (Alba), le 16 avril 2009.( Photo : Reuters )

Les présidents des pays membres de l'Alternative bolivarienne pour les Amériques (Alba), le 16 avril 2009.
( Photo : Reuters )

La décision a été entérinée jeudi à Cumana au Venezuela par les principaux dirigeants de l'ALBA, l'Alternative bolivarienne pour les Amériques. Ce bloc a été créé en 2004 par les deux plus fervents opposants au président Bush, le Vénézuélien Hugo Chavez et le Cubain Fidel Castro, pour contrecarrer un projet, aujourd'hui au point mort, la zone de libre-échange des Amériques, promue par les Etats-Unis. Cinq autres pays, la Bolivie, le Nicaragua, le Honduras, la Dominique, et très récemment Saint-Vincent, ont depuis rejoint ce bloc économique antilibéral, essentiellement financé par les recettes pétrolières du Venezuela.

Avec cette décision de créer une monnaie unique, un nouveau pas vient donc d’être franchi pour cette organisation qui regroupe des pays peu enclins au libéralisme et qui cherchent à s’affranchir du dollar. Acronyme pour Système Unifié de Compensation Régionale, le sucre –qui reprend également très symboliquement le nom d'un héros de l'indépendance de la Bolivie, le général vénézuélien Antonio José de Sucre– sera toutefois une monnaie virtuelle, électronique. Elle servira essentiellement à régler les échanges commerciaux entre les pays qui y auront souscrit.

Pour l’économiste Pierre Salama, spécialiste de l’Amérique latine, la création de cette nouvelle monnaie commune était devenue « une nécessité » pour ces pays, même si rien n’assure qu’ils y parviendront. Selon lui, en effet, en ces temps de crise, être dépendants du dollar comporte de nombreux inconvénients pour leurs économies.

Le dollar de plus en plus contesté

Ce n'est d’ailleurs pas la première fois que l'hégémonie du billet vert est remise en question par les pays du sud du continent. D’autres Etats, comme par exemple le Brésil, le Mexique ou l'Argentine, beaucoup moins radicaux vis-à-vis des Etats-Unis que ne sont les pays de l’ALBA, se sont eux aussi détachés du billet vert. Une décision qui s'est imposée d'elle-même en raison de l'affaiblissement de leurs devises par rapport au dollar. Cette dévaluation a en effet un impact direct sur leurs exportations.

Entre septembre et novembre 2008, le Brésil a ainsi dû débourser pas moins de 46 milliards de dollars pour soutenir le réal. Au Mexique c'est 100 millions de dollars qui sont, depuis septembre, quotidiennement injectés par la banque centrale pour freiner une dévaluation qui dépasse les 50%. L’Argentine, enfin, a dû intervenir agressivement pour soutenir son peso, qui a déjà perdu 5,9% depuis le début de l’année.

L’idée d’utiliser les monnaies locales dans les transactions régionales, notamment dans le commerce bilatéral qui représente 80% des échanges du sud du continent, est donc devenue plus que nécessaire. Certains pays ont d’ores et déjà pris les devants, à l’instar du Brésil et de l'Argentine dont les échanges ne se font plus en dollars mais en devises nationales depuis la fin de l'année dernière.