par Sylvain Biville
Article publié le 30/04/2009 Dernière mise à jour le 01/05/2009 à 16:48 TU
Un inspecteur du travail interroge un travailleur exploité dans l'Etat du Para en 2005.
(Photo : A. Corpet / RFI)
Le Brésil a été l’un des derniers pays au monde à abolir l’esclavage, en 1888. Plus d’un siècle plus tard, le travail forcé reste pourtant monnaie courante dans les grandes fermes commerciales du nord-est du pays. Le parcours de ces esclaves du 21e siècle est immuable. Il s’agit de travailleurs migrants bernés par les fausses promesses d’intermédiaires véreux, qui les emmènent bien souvent à des milliers de kilomètres de leurs familles, sur des fermes d’élevages ou des propriétés agricoles gagnées sur la forêt amazonienne. Sur place, ils travaillent dans des conditions déplorables, sans rémunération fixe. « L’isolement est tel que ces personnes sont dans l’impossibilité concrète de s’en aller », explique Xavier Plassat, frère dominicain français qui coordonne la campagne de la Commission pastorale de la terre, une ONG catholique brésilienne.
« Les conditions de travail qui lui sont offertes n'ont rien à voir avec la promesse initiale. »
En 1995, les autorités ont commencé à dépêcher l’inspection du travail dans les fermes suspectées d’avoir recours au travail d’esclave. Sous bonne escorte policière, les inspecteurs ont ainsi pu recueillir des milliers de témoignages. Grâce à eux, 33 000 personnes au total ont été remises en liberté ces quinze dernières années. Pour la seule année 2008, 5 266 travailleurs agricoles ont quitté leur situation de semi-captivité, selon le bilan annuel que vient de publier la Commission pastorale de la terre.
Un esclave moderne devant les fours à charbon dans lesquels il travaille sept jours sept, dans l'Etat du Para.
(Photo : A. Corpet / RFI)
« Je n'ai jamais eu de salaire, l'employeur garde mon argent pour rembourser mes dettes. »
En 2003, le président brésilien, Ignacio « Lula » da Silva a fait adopter une « politique nationale pour l’éradication du travail esclave », désormais considéré comme un crime, passible de 2 à 8 ans d’emprisonnement dans le code pénal brésilien. Le gouvernement publie également une liste noire des employeurs indélicats, une « liste de la honte » qui a un effet dissuasif. Ces initiatives sont saluées par le Bureau international du travail (BIT), basé à Genève, qui présente le Brésil comme un modèle à suivre. « Le Brésil a été le premier pays d’Amérique latine à prendre des mesures contre le travail d’esclave », se félicite Roger Plant, directeur du programme travail forcé au BIT. « Le pays a aujourd’hui 15 ans d’expérience dans ce domaine. Il reste encore beaucoup à faire, mais on doit reconnaître les efforts du Brésil ».
On est loin de l’éradication promise par Lula
Le mois dernier, 28 grands fermiers ont été condamnés à des peines de prison ferme dans l'Etat du Para. C'est une tendance nouvelle. Jusqu'à présent, ils avaient été peu inquiétés, en raison des appuis très forts dont ils continuent à bénéficier dans les cercles du pouvoir.
Les missions de l'inspection de travail se déroulent sous escorte policière, pour éviter les intimidations de la part des employeurs.
(Photo : A. Corpet / RFI)
« Libérer des esclaves n'élimine pas le travail esclave. »
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