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Union européenne / Etats-Unis

Qui veut les détenus de Guantanamo?

par Piotr Moszynski

Article publié le 12/06/2009 Dernière mise à jour le 12/06/2009 à 21:15 TU

Les Etats-Unis ne s’engagent plus à accueillir les anciens prisonniers de Guantanamo sur leur sol. Confirmant leur talent diplomatique, ils sont parvenus à trouver un accord politique avec l’Union européenne sur le transfert des ex-détenus vers l’Europe.

240 prisonniers sont toujours détenus à Guantanamo.(Photo : AFP)

240 prisonniers sont toujours détenus à Guantanamo.
(Photo : AFP)

La fermeture de la prison de Guantanamo est de plus en plus proche. Le 22 janvier dernier, Barack Obama l’a souhaité « dans l’année ». Seulement, pour fermer le fameux camp, il faut savoir que faire de ceux qui y restent détenus. Ils sont 240, dont une cinquantaine d’immédiatement libérables. Or leur accueil sur le territoire américain se heurte à de très fortes résistances. En effet, des membres républicains du Congrès imaginent une possible apparition des « terroristes dans la rue » et s’y opposent de toute leur énergie. Leur crainte semble pourtant peu justifiée, les candidats à la libération étant déjà innocentés et lavés des soupçons d’appartenance à une organisation terroriste.

Côté démocrate, ceux qui se précipitent pour accueillir les ex-détenus de Guantanamo les bras ouverts ne sont pas beaucoup plus nombreux. Certains élus ont même ouvertement rejoint la contestation en refusant au gouvernement les 80 millions de dollars alloués à la fermeture de Guantanamo. Ils reprochent à l’administration l’absence d’un plan d’action dans le domaine. Comme l’a brièvement résumé un expert d’Amnesty International, Geneve Mantri, cité par l’AFP, le gouvernement Obama était soumis « à de multiples pressions contradictoires ».

Pressions

Des pressions, il y en a. Mais celles qui créent une « contradiction » avec l’attitude du Congrès viennent surtout de l’extérieur des Etats-Unis. Comme le rappelle Geneve Mantri, « plusieurs pays ont offert de donner refuge à des détenus libérés de Guantanamo, mais à la seule condition que les Etats-Unis aussi en accueillent certains ». Jusqu’à jeudi dernier, c’était la position que semblait adopter l’Union européenne. Toutefois, elle s’est montrée beaucoup plus souple au moment de l’approbation d’un accord politique final avec les Etats-Unis qui doit être adopté sans discussion par les ministres des Affaires étrangères lundi prochain.

Certes, le document stipule que « la responsabilité première pour la fermeture de Guantanamo et pour trouver un lieu de résidence pour les ex-détenus revient aux Etats-Unis ». Ce que l’on voit moins bien quand on lit le texte de l’accord, c’est qu’une phrase contenue dans le projet initial en a été supprimée : « Nous prenons note du fait que les Etats-Unis reconnaissent leur responsabilité à accepter certains ex-détenus désireux d’être admis aux Etats-Unis ». Autrement dit, les Américains ont réussi à convaincre leurs partenaires européens d’accueillir chez eux les anciens prisonniers de Guantanamo, tout en évitant tout engagement à en accueillir eux-mêmes, alors que ce sont eux qui ont créé le problème. Une vraie prouesse diplomatique.

Concessions

Cependant, Washington a fait quelques concessions, bien qu’en traînant les pieds. « Les Etats-Unis envisagent de contribuer aux coûts liés à l’accueil d’ex-détenus encourus par les Etats membres de l’UE ». Dans un premier réflexe, d’aucuns pourraient considérer que c’était la moindre de choses. Erreur ! La contribution en question ne se fera que « sur la base du cas par cas ». En revanche, « toutes » les informations ou renseignements disponibles, confidentiels ou pas, concernant chaque ancien détenu seront communiqués aux pays qui envisageraient de l’accueillir, et ce même avant leur décision définitive. Histoire de leur permettre de bien évaluer les risques encourus.

Concession qui peut ouvrir certaines portes. En effet, l’Allemagne a déjà refusé à deux reprises de répondre favorablement aux demandes de transfert. Dans les cas d’un groupe des Chinois de la minorité musulmane ouïghoure et des deux ex-détenus venant de Tunisie et de Syrie, Berlin a estimé que les informations fournies par les Américains n’étaient pas suffisantes pour déterminer si les intéressés présentaient un danger en cas d’accueil en Allemagne.

Un seul, pour l’instant

Pour le moment, un seul ancien prisonnier de Guantanamo a pu se rendre en Europe. Il s’agit de l’Algérien Lakhdar Boumediene. Il a été autorisé à s’établir en France avec sa famille. Une déclaration commune américano-européenne devrait suivre l’adoption de l’accord politique. Toutefois, la date de sa publication n’a pas encore été précisée et il n’est pas certain qu’elle suffise à rassurer les nombreux pays de l’UE qui hésitent à accepter les anciens de Guantanamo sur leurs territoires.