Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Liban

La tâche titanesque de Saad Hariri

Article publié le 27/06/2009 Dernière mise à jour le 27/06/2009 à 14:51 TU

Quatre ans et quatre mois après l’assassinat de Rafic Hariri, Saad Hariri succède à son père au poste de Premier ministre. Cet homme d’affaires, propulsé dans le monde de la politique un peu malgré lui, va tenter de former un gouvernement d’union. Il n’est pas sûr que ses quatre années d’apprentissage lui permettront de concilier les profondes contradictions internes et les intérêts régionaux divergents.

Saad Hariri, nouveau Premier ministre libanais lors d’une conférence au palais présidentiel de Baabda, à Beyrouth le 27 juin 2009.(Photo : Reuters)

Saad Hariri, nouveau Premier ministre libanais lors d’une conférence au palais présidentiel de Baabda, à Beyrouth le 27 juin 2009.
(Photo : Reuters)

Avec notre correspondant à Beyrouth, Paul Khalifeh

Premier ministre à 39 ans, Saad Hariri fait mieux que son illustre père Rafic Hariri, qui avait été nommé une première fois à ce poste en 1992, à l’âge de 48 ans. Mais les conditions dans lesquelles il accède au pouvoir sont de loin moins favorables que celles qui ont accompagné l’entrée de son père en politique.

Le jeune homme hérite d’un Liban profondément divisé, ployant sous une dette publique astronomique de 47 milliards de dollars (pour un PIB de 20 milliards), et d’un contexte régional des plus incertains. Rafic Hariri, lui, avait été nommé Premier ministre à la sortie de la guerre civile, avec de grands espoirs suscités par des perspectives de reconstruction et de paix israélo-arabe.

Saad Hariri, alors étudiant en gestion commerciale à l’université Georgetown, aux Etats-Unis, se destinait, tout naturellement, au monde des affaires. Quatre ans plus tard, en 1996, son père lui confie la direction de Saudi Oger, fleuron de l’empire familial. C’est à travers cette société de construction que Rafic Hariri avait fait fortune dans le royaume, dans les années 1970 du siècle dernier.

Au Liban, Saad Hariri est peu connu. Né à Riyad, marié à une saoudienne d’origine syrienne, Lara al-Azem, dont il a trois enfants, le jeune homme passe la majeure partie de son temps entre l’Arabie Saoudite et les grandes capitales de ce monde, où la famille possède des biens et des intérêts. A Beyrouth, on connaît plutôt le fils aîné de Rafic Hariri, Bahaeddine, chargé de la gestion du patrimoine libanais de la famille.

Un combat contre la Syrie

Après la mort du patriarche, tué dans un attentat à la camionnette piégée le 14 février 2005, la famille se réunit en conseil et confie à Saad la mission de poursuivre le projet politique du père. Cette décision est accueillie avec une certaine surprise vu que la tradition, au Liban et dans le monde arabe, veut que ce soit le fils aîné qui reprenne le flambeau. A l’époque, les informations et analyses de presse avaient mis en exergue le rôle de l’Arabie Saoudite dans le choix du successeur politique de Rafic Hariri.

Ayant vécu dix ans à Riyad, il était mieux connu des responsables saoudiens que ses trois autres frères. C’est donc à lui qu’incombe la lourde responsabilité de succéder à un père dont l’envergure régionale et internationale et les qualités de fin politicien étaient reconnues même par ses détracteurs.

Une tâche d’autant plus difficile que Rafic Hariri est mort dans un attentat spectaculaire, immédiatement imputé à la Syrie. Saad Hariri mènera d’ailleurs, ces quatre dernières années, un combat personnel contre le président syrien Bachar al-Assad et son régime. Il ne cessera de les accuser d’être responsables de la mort de son père et de tous les autres assassinats et attentats qui ont ensanglanté le Liban.

Au lendemain des élections législatives de 2005, remportées par la coalition du 14-Mars qu’il dirige, Saad Hariri avancera la candidature au poste de Premier ministre de l’un des proches lieutenants de son père, Fouad Siniora. Lui-même, continuera à sillonner le monde pour trouver appuis et soutiens à sa bataille contre le régime syrien, qui se terminera par l’instauration d’un Tribunal spécial pour le Liban (TSL) par le Conseil de sécurité des Nations unies, en juin 2007.

Cette période sera marquée par une tension croissante entre le 14-Mars et l’opposition appuyée par la Syrie et l’Iran et entre sunnites et chiites. Le point de rupture sera atteint le 7 mai 2008, lorsque des affrontements entre les partisans des deux bords feront des dizaines de morts et de blessés. Victorieuse sur le terrain, l’opposition imposera, lors des discussions de Doha (mai 2008) un gouvernement d’union nationale au sein duquel elle détient une minorité de blocage.

Discours d’ouverture

Fort de sa victoire aux élections du 7 juin, avec une majorité de 71 sièges contre 57 pour l’opposition, Saad Hariri opte pour un discours d’ouverture et de modération en direction de ses adversaires libanais et de la Syrie. Il tend la main au Hezbollah, à qui il promet de ne pas toucher à son arsenal. Il affirme être disposé à intégrer l’opposition au sein du prochain gouvernement mais refuse de lui accorder la fameuse minorité de blocage qui, selon lui, « paralyse l’Etat et les institutions ».

Si des deux côtés les déclarations positives se multiplient, les premiers tests de bonnes intentions ne sont pas très rassurants. Lors de l’élection du président de la Chambre, jeudi 25 juin, Saad Hariri n’a pas fait le plein de ses voix en faveur de Nabih Berri, réélu avec seulement 90 des 128 membres du Parlement. La riposte ne s’est pas faite attendre : lors des consultations parlementaires pour le choix du Premier ministre vendredi et samedi, Saad Hariri n’obtient que 86 voix. Un score suffisant pour lui confier la formation du prochain gouvernement, mais qui est loin de l’unanimité qu’il aurait souhaitée obtenir.

Pour diriger dans la sérénité et la stabilité, Saad Hariri doit former un gouvernement qui donne satisfaction à tous ses alliés (druzes et chrétiens) mais aussi à la coalition de l’opposition qui regroupe essentiellement les chiites du Hezbollah et du mouvement Amal de Nabih Berri (22 députés) et le chrétien Michel Aoun (27 députés). Sans oublier, bien entendu, la quote-part du président de la République.

Un travail d’orfèvre, diront les plus optimistes. Un casse-tête chinois, affirment les fatalistes.