par Béatrice Leveillé
Article publié le 12/08/2009 Dernière mise à jour le 13/08/2009 à 10:18 TU
Nouvelle attaque en Ingouchie, petite république du Caucase russe. Le ministre de la Construction vient d’être abattu dans son bureau par des hommes armés. Le 22 juin, le président ingouche avait lui même été grièvement blessé dans un attentat. L'Ingouchie, qui fait face à une rébellion islamiste, est devenue l'une des régions les plus dangereuses de la Fédération de Russie.
Des soldats des forces spéciales russes en patrouille après la tentative d’assassinat du chef de la région d’Ingouchie, Yanus-Bek Yevkurov, le 22 juin dernier.
(photo : AFP)
« Les dirigeants ingouches sont des cibles, non seulement parce qu'ils mettent en œuvre des politiques qui peuvent déplaire, ou parce qu'ils symbolisent la Russie ; mais il s'agit aussi d'un conflit local lié à la corruption et aux injustices », nous expliquait récemment Grigory Chvedov, directeur du Caucasianknot.info.
Le Président Iounous-Bek Evkourov, aujourd’hui hospitalisé à Moscou, a été mis en place par Moscou pour remplacer un ancien général du FSB, les services secrets russes, Mourat Ziazikov, qui avait abusé du pouvoir au point de se faire haïr de la population. Iounnous-Bek Evkourov s’est lancé dans une lutte sans merci contre la corruption qui aurait pu expliquer l’attentat contre lui, mais l'attaque a été revendiquée par un groupuscule islamiste lié à la guérilla qui sévit dans le Caucase russe.
Tortures et exécutions sommaires
Une rébellion qui veut instaurer un califat dans la région et multiplie les attaques depuis un an. Le ministre de l'Intérieur de la République caucasienne du Daguestan vient lui aussi d’être tué par les rebelles. Le conflit de basse intensité qui sévissait en Ingouchie s’est aggravé depuis un an. « Il y a désormais entre trois et quatre attaques par semaine » déplore Tanya Lokshina de Human Right Watch.
Les djihadistes ne seraient que quelques centaines mais ils n’auraient aucun mal à recruter dans les camps de réfugiés ou parmi les jeunes Ingouches ulcérés par la politique de répression mise en œuvre par Moscou. Kidnapping, torture, exécutions sommaires, il y aurait une véritable guerre entre les forces de l’ordre et la population.
Une république placée sous haute surveillance par Moscou
Le Kremlin a envoyé 2500 soldats supplémentaires en Ingouchie pour tenter de rétablir l’ordre, et les Russes ont décidé après l’attentat contre le président ingouche de placer l’Ingouchie sous un régime d’opération anti-terroriste. Régime qui vient à peine d’être levé en Tchétchénie.
Le président tchétchène, Ramzan Kadyrov, offre, de son coté, « toute l’assistance nécessaire au peuple ingouche dans la lutte contre le banditisme et le terrorisme ». Ses méthodes féroces satisfont le Kremlin parce qu’il fait régner un semblant d’ordre en Tchétchénie mais les multiples assassinats de défenseurs des droits de l’homme risquent de faire de toute cette région une zone de non-droit.
L’ONG Mémorial a suspendu ses activités après l’assassinat de sa militante Natalia Estemirova. Après l’assassinat de deux responsables d’une ONG tchéchène, cette semaine, c’est le journal d'opposition russe Novaïa Gazeta, où travaillait Anna Politkovskaïa, tuée en 2006, qui annonce qu’il n’enverra plus de journaliste en Tchétchénie.
Dans une récente déclaration, le président ingouche, qui se remet de ses blessures, promet « d'éliminer » les rebelles qui ne déposeront pas les armes. C’est la limite de la stratégie russe : une politique de répression qui génère à chaque fois de nouvelles violences.
Une république pauvre et corrompue |
Enclavée entre l’Ossétie du nord et la Tchétchénie, l’Ingouchie est peu peuplée : moins de 400 000 habitants, pour la plupart musulmans sunnites. L’histoire des Tchéchènes et des Ingouches, qui parlent une langue très proche, se ressemble tragiquement. Déportés massivement par Staline en Sibérie, ils ont perdu les deux tiers de leur population. Les survivants se sont réinstallés dans les années 50 après avoir été réhabilités par Khrouchtchev. Un conflit territorial a opposé les Ingouches aux Ossètes dans les années 90, et pendant les deux guerres en Tchétchénie, ils ont vu affluer près de 200 000 réfugiés tchéchènes. Riche en réserves de gaz et de pétrole, l’Ingouchie est encore pauvre et corrompue. |
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