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Sénégal

Polémique autour d'une candidature virtuelle

Article publié le 17/09/2009 Dernière mise à jour le 17/09/2009 à 20:46 TU

Le président sénégalais Abdoulaye Wade. (Photo: AFP)

Le président sénégalais Abdoulaye Wade.
(Photo: AFP)

Plusieurs figures du régime sénégalais ont appelé ces derniers jours le président Abdoulaye Wade à porter les couleurs du camp libéral lors du scrutin présidentiel de 2012. Cela reviendrait pour lui à briguer un troisième mandat, alors qu’il sera âgé de plus de 86 ans. Les partisans du président sénégalais estiment qu’il est le seul à pouvoir rassembler son camp politique. L’opposition affirme de son côté qu’une nouvelle candidature ne serait ni opportune, ni légale.

De notre correspondant à Dakar, Laurent Correau

Le président sénégalais aura plus de 86 ans en 2012 quand aura lieu la prochaine élection présidentielle. Pourra-t-il, devra-t-il porter les couleurs du camp libéral lors de ce scrutin ? Le débat a été lancé ces derniers jours par plusieurs cadres du régime. Pour Babacar Gaye, le porte parole du PDS (Parti Démocratique sénégalais), le parti au pouvoir, « la seule alternative pour le Parti démocratique sénégalais et la majorité présidentielle en 2012, c’est de porter maître Abdoulaye Wade candidat à la présidentielle. D’abord la loi le lui permet, ensuite maître Abdoulaye Wade se porte très bien. »

Aliou Sow, le ministre en charge des Collectivités locales et de la Décentralisation explique être allé solliciter du chef de l’Etat qu’il se représente pour un troisième mandat en 2012 : « Nous avons demandé au président Abdoulaye Wade d’être prêt à répondre à l’appel du devoir comme il l’a toujours fait, c'est-à-dire accepter de se présenter en 2012 si Dieu nous prête santé et vie. » Les Sénégalais ont également pu lire dans les colonnes du quotidien L’Observateur l’appel de Pape Samba Mboup, le ministre, chef de cabinet du président : « La Constitution permet à Me Wade, s’il le désire, de briguer un nouveau mandat à la magistrature suprême. Le président est en bonne santé, il a la tête bien faite et bien pleine. Ensuite, il a entamé de grands travaux qui vont transformer le Sénégal sur tous les plans. Je ne vois donc pas pourquoi en si bon chemin, il quitterait le pouvoir. (…) Pour moi, il doit se représenter devant les Sénégalais. »

Enfin, le ministre de l’Education, Kalidou Diallo, s’est prononcé en faveur d’une candidature du chef de l’Etat à un troisième mandat sur les ondes de la radio Futurs Médias, lors de l’émission le Grand Jury : « si on voit la tradition politique au Sénégal, Blaise Diagne a fait vingt ans de pouvoir (1914-1934). Senghor a fait vingt ans (1960-1980). Abdou Diouf a fait vingt ans (1980-2000). Je ne vois pas pourquoi Abdoulaye Wade ne ferait pas dix-neuf ou ou vingt ans. D’abord quand je regarde l’envergure de l’homme, quand je regarde son bilan et quand je regarde bien sûr le rôle qu’il est en train de jouer aujourd’hui non seulement au plan national, mais au plan de la sous-région, au plan africain. Donc moi je considère qu’en 2012 la candidature de Wade est évidente. »

« Cicaw 2012 »

Les défenseurs d’une candidature d’Abdoulaye Wade en 2012 ne font pas que s’exprimer dans les médias, ils s’organisent. Aliou Sow affirme mettre en place un comité national de gestion de cette candidature. Pendant le mois d’août, un Comité d’initiative pour la candidature d’Abdoulaye Wade (CICAW 2012) a également vu le jour. Il est coordonné par Mouhamadou Moustapha Dieng, président du conseil d’administration de la RTS (Radio Télévision sénégalaise). Cet ancien du journal Sopi reçoit dans un bureau où trône le portrait du président sénégalais. Les membres du comité, dit-il, se sont penchés sur la liste des candidats potentiels au sein du PDS et en sont arrivés à la conclusion que le nom d’Abdoulaye Wade continuait à s’imposer. « C’est trop tôt pour d’autres candidatures, explique Mouhamadou Moustapha Dieng, je pense que le président se porte très bien, il a toute sa lucidité. Il peut solliciter un troisième mandat comme l’autorise la constitution. »

Certains de ces cadres politiques expliquent les raisons de leur choix. Le président sortant, disent-ils, est le seul à pouvoir rassembler le camp libéral pour cette échéance électorale. En creux, ils contestent la candidature d’Idrissa Seck qui a déjà manifesté ses ambitions présidentielles. Ils contestent de même celle de Karim Wade, le fils du chef de l’Etat, que beaucoup d’observateurs présentent comme un autre prétendant à la succession.

« une candidature inacceptable »

Abdoulaye Wade ne s’est pas encore prononcé publiquement sur ces appels. Pourtant, l’opposition s’attaque déjà à cette candidature virtuelle. « Ce sont des appels téléguidés par la présidence », estime ainsi Moustapha Niasse, le chef de l’AFP, l’Alliance des Forces de Progrès. Il s’interroge sur les raisons de ces sorties dans les médias : « Ca peut être un ballon de sonde qu’il lance comme ça, dit-il. Ca peut être également une volonté de noyer le poisson face à tous les problèmes que les Sénégalais connaissent actuellement. Et puis ça peut aussi mettre au second plan un certain type de débat sur la succession du président Wade. Vous savez bien ce qui s’est passé avec l’ANOCI et le livre de Latif Coulibaly... »

Pour Moustapha Niasse, une telle candidature demanderait de toute façon une réforme de la constitution : « il aura fait deux mandats et la constitution limite le nombre des mandats du chef de l’Etat à deux », explique-t-il. « Il y a déjà eu 13 modifications de la constitution du Sénégal depuis neuf ans, on voit ce qui se passe au Niger et qui est décrié par le monde entier… Est-ce que cette hérésie-là, Abdoulaye Wade va franchir maintenant le Rubicond pour la commettre ? »

Le maire d’opposition de Saint-Louis, Cheikh Bamba Dièye, s’interroge plutôt sur la pertinence d’une nouvelle candidature à 86 ans passés : « Le président de la République, maître Abdoulaye Wade, a déjà donné. Il a donné 26 ans de sa vie en tant qu’opposant. Depuis déjà 2 mandats il est au pouvoir. Qu’est-ce que les gens veulent ? Ce pays est un pays jeune. Il y a énormément de gens qui sont capables de tous les côtés du pays. »

Selon Cheikh Bamba Dièye, « Pour sa propre sécurité, pour sa santé et pour la santé et la sécurité de ce pays, [une telle candidature] est quelque chose d’inacceptable »