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Madagascar

La société civile veut reprendre la main

par Grégoire Pourtier

Article publié le 19/09/2009 Dernière mise à jour le 19/09/2009 à 14:22 TU

Il va falloir du doigté à la société civile : vendredi 18 septembre, elle a réussi à remettre autour de la table les quatre mouvances politiques, et d’un commun accord, a accepté de s’engager comme médiatrice de la crise malgache – ce qu’elle souhaitait depuis longtemps.

Les Malgaches descendent encore dans les rues pour réclamer plus de démocratie. Ici, une manifestation à Antananarivo le 11 septembre 2009.(Photo : Grégoire Pourtier/AFP)

Les Malgaches descendent encore dans les rues pour réclamer plus de démocratie. Ici, une manifestation à Antananarivo le 11 septembre 2009.
(Photo : Grégoire Pourtier/AFP)

Premier exercice diplomatique pour la société civile malagache : ne pas froisser la communauté internationale, qui chaperonnait jusqu’à présent les négociations. « C’est un avancement dans la recherche d’une solution, un pas en avant pour la mise en œuvre des accords de Maputo », assure Jean-Pierre Rakotofiringa, du Collectif des citoyens et des organisations citoyennes (CCOC). La charte de la Transition, signée le 9 août au Mozambique, reste en effet le cadre pour remettre le pays sur des rails constitutionnels.

Reste que, jusqu’à présent, le constat d’échec est patent : Rajoelina et les trois anciens présidents malgaches Ravalomanana, Zafy et Ratsiraka n’ont pas réussi à s’entendre sur la répartition des postes dans une Transition qui devait mener le pays à la quatrième  République et à des élections d’ici fin 2010. Le rôle des médiateurs internationaux, qui voudraient imposer leur schéma, a parfois été décrié. « A Madagascar, il y a toujours des réticences sur ce qu’on considère comme une ingérence étrangère », relève Noro Andriamamonjiarison, du CCOC.

Discussions suspendues

La société civile, avec le soutien de l’armée qui serait sollicitée pour encadrer les débats, peut-elle alors réussir à trouver un terrain d’entente ? Les discussions sont suspendues depuis le 28 août. Alors que les facteurs de blocage ne sont pas si nombreux, ils semblent rédhibitoires. Andry Rajoelina souhaite conserver son fauteuil de président de la Haute Autorité de Transition (HAT), ce que conteste le président évincé en mars, Marc Ravalomanana. On a cependant pu croire qu’un consensus serait trouvé si Rajoelina acceptait de partager la tête de l’exécutif en lâchant Monja Roindefo, son Premier ministre. Mais sous la pression du maelstrom de dinosaures politiques qui le soutient depuis le début de son mouvement populaire, et sous la menace d’une réaction de l’armée – qui se veut cependant neutre -, il n’a pas reculé.

Au contraire, Rajoelina a avancé un pion majeur : début septembre, il a créé un « gouvernement d’unité nationale », censément ouvert à toutes les mouvances, et même nommé un vice-président et un président du Congrès de la Transition. Bien que ces deux derniers postes aient été confiés à d’anciens pontes du régime Ravalomanana, cette mise en place unilatérale des institutions a été immédiatement rejetée par ses adversaires, précisant que ceux qui avaient rejoint le navire étaient de facto considérés comme des traîtres. Une alliance contre-nature entre les trois anciens présidents s’est ainsi imposée, alors qu’en d’autres temps (1991 et 2002), ils se sont livrés des guerres équivalentes à celle d’aujourd’hui – et que Zafy et Ratsiraka ont initialement soutenu Rajoelina dans son combat contre Ravalomanana.

Avec son initiative, Rajoelina a aussi perdu une partie de son crédit vis-à-vis de la communauté internationale, qui continue de militer pour une solution « inclusive et consensuelle ». La réaction de l’Assemblée générale des Nations unies est très attendue, alors qu’il doit s’exprimer à la tribune jeudi prochain.

« Il y a urgence »

Le pays, déjà suspendu de nombreuses organisations, s’expose à des sanctions toujours plus importantes. Son économie dépend en grande partie de l’aide des bailleurs de fonds (qui financent 70% du budget de l’Etat et la majorité des projets de développement), et si le débat est ouvert sur l’opportunité de sortir de ce système, ce n’est pas en cette période de crise que Madagascar pourra réfléchir sereinement à un nouveau modèle.

Mais comme le reconnaît Jean-Pierre Rakotofiringa, « il y a urgence ». Le pays, déjà parmi les plus pauvre du monde, s’enfonce lentement dans un marasme économique total. Sa monnaie se dévalue de manière spectaculaire ces derniers jours, avec des effets directs sur le prix des produits de première nécessité importés. Les conséquences sociales sont chaque jour plus dramatiques, la violence et l’insécurité sont grandissantes dans la capitale et dans les provinces.

C’est ce qui inquiète : personne ne souhaite revivre les scènes de pillage de fin janvier quand, derrière la manipulation politique, s’était surtout exprimé la misère d’une population aux abois. Ces derniers jours, des affrontements urbains ont eu lieu à Antananarivo... « Nous luttons pour la démocratie », crient les petites grappes de manifestants vite dispersés. « Il ne faut pas créer de troubles », répondent les autorités. C’est dans ce climat incertain que la société civile va tenter de faire valoir le « fihavanana », cette culture de l’harmonie et du consensus, pour trouver une « solution malgacho-malgache ».