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12/09/2003
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Accord de dernière minute sur les génériques
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(MFI) Jusqu’à présent, les pays du Sud n’avaient pas le droit d’importer des médicaments génériques. Un accord, négocié dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), vient de mettre fin à cette situation dictée par la crainte des pays du Nord que les pays en développement ne « piratent » leurs brevets.
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L’enjeu de cette négociation était de trouver le moyen de permettre aux pays en développement touchés, notamment, par de grandes épidémies de se procurer à bas prix des traitements, existants mais protégés dans bien des cas par des brevets détenus par les laboratoires. Il s’agissait donc de concilier les intérêts des firmes pharmaceutiques avec une urgence sanitaire et humanitaire, puisque sur le seul continent africain, on dénombre 30 millions de malades du sida.
Désormais, les pays du Sud qui n’ont pas la capacité de fabriquer eux-mêmes ces médicaments auront donc le droit de les importer. Malgré de nombreux divergences entre les membres de l’OMC, le conseil général de l’organisation a fini par ratifier, le 30 août, le texte proposé. En échange de cette exemption de paiement des droits sur les brevets, les pays en développement doivent faire une déclaration selon laquelle ils utilisent ce principe « de bonne foi » et seulement « pour répondre à des problèmes de santé graves », en clair d’urgence sanitaire. L’accord devrait prendre la forme d’un communiqué qui accompagnera un texte déjà approuvé par tous les Etats, à l’exception des Etats-Unis, et qui vise à permettre aux pays du Sud ne disposant pas d’industrie pharmaceutique d’importer des médicaments génériques pour soigner notamment leurs malades du sida, de la tuberculose ou du paludisme.
Un problème de santé grave
Les laboratoires, soutenus dans cette négociation par un allié de poids, en l’occurrence les Etats-Unis, défendaient le point de vue selon lequel une exemption sans condition de droits sur les brevets risquait d’avoir pour conséquence de permettre aux producteurs de génériques d’empiéter sur leurs marchés, au Nord notamment, et ainsi de les priver des ressources nécessaires pour financer la recherche/développement. Ils ont été rassurés par la « déclaration de confort » obtenue par les Etats-Unis, qui demande aux pays désireux d’importer des génériques de le « faire de bonne foi », c’est-à-dire en prouvant qu’ils n’ont pas la capacité de les fabriquer et en s’engageant à éviter leur réexportation illégale.
Si les tractations ont duré aussi longtemps c’est parce que les termes employés dans la déclaration laissait une part à l’interprétation. Et que du point de vue de certains pays les conditions de « bonne foi » et de « réponse à un problème de santé grave » ne devaient pas forcément signifier un engagement à ne poursuivre aucun objectif industriel ou commercial. Et c’est cette version suggérée par les Philippines qui semble avoir bloqué les négociations pendant plusieurs jours. Avant que, comme l’a indiqué Supachai Panitchpakdi, « la dernière pièce du puzzle » ne tombe « au bon endroit, permettant aux pays pauvres d’utiliser pleinement les souplesses de la réglementation de l’OMC en matière de propriété intellectuelle afin de traiter les maladies qui ravagent leurs populations ».
L’entente obtenue finalement sur la question des génériques a provoqué globalement des réactions de satisfaction. Pour Amina Mohamed, représentante du Kenya à l’OMC : « C’est une bonne nouvelle, surtout pour les peuples africains qui ont désespérément besoin d’un accès à des médicaments abordables ». Le représentant américain au Commerce Robert Zoellick a quant à lui parlé d’un « grand pas en avant qui ôte une barrière majeure au succès de la réunion ministérielle de Cancun et des négociations du cycle de Doha dans leur ensemble ».
Il semble que la proximité de la réunion de Cancun (du 10 au 14 septembre) a beaucoup joué pour convaincre les membres les plus sceptiques de la nécessité d’obtenir un compromis. Cela n’a pas empêché certaines voix, surtout dans les associations, de s’élever pour dénoncer les conditions dans lesquelles l’accord a été obtenu et affirmer que les contraintes mises en place risquent de le rendre très difficile à appliquer. Beryl Leache de la Coalition kenyane pour l’accès aux médicaments génériques, a estimé que le texte est « impossible à mettre en pratique », qu’il « ne permet pas de résoudre les problèmes posés » parce qu’il « va rendre à jamais difficile la promotion par les pays en développement de leur propre industrie pharmaceutique et la fabrication des médicaments génériques ».
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Valérie Gas
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