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19/08/2005
Choc des civilisations… et des cuisines

(MFI) L’histoire des rapports de force ou de séduction entre les modes alimentaires des envahisseurs et des peuples conquis est passionnante. Christian Boudan la retrace dans son livre Géopolitique du goût (Presses Universitaires de France), et montre comment la diversité culinaire est aujourd’hui menacée par l’alimentation industrielle. Avec des conséquences énormes pour la santé.

Les recettes culinaires se sont diffusées souvent par les guerres et les conquêtes. Mais aussi par le commerce ou l’essor de diverses conceptions médicales ou religieuses. La cuisine a utilisé très tôt les aromates (ail, oignon, thym, romarin, laurier, etc.) et les épices dans un but antibactérien, découvert empiriquement mais établi aujourd’hui par les travaux scientifiques.
Lorsque les califes de Bagdad en étaient à suivre, semble-t-il sans grande inventivité, la diététique grecque conservée par l’Iran ancien, l’Occident résistait à l’agriculture arabe. Ce n’est qu’au XVIe siècle que le sucre, le riz et les nouveaux légumes sont entrés peu à peu dans les cuisines de France et d’Europe du Nord. Un peu plus tard, la grande cuisine française prend son origine dans les tables aristocratiques de l’Ancien Régime, qui multiplient les préparations : quinze à vingt mets différents par repas, avec des roux et beaucoup de sauces. Les tours de taille s’arrondissent, la goutte et l’apoplexie sont la punition des gourmands !

Les conquérants imposent les fritures

Entre temps, dans le Nouveau Monde, les Espagnols avaient apporté leurs agriculteurs, leurs animaux, leurs plantes et leurs techniques de cuisson. Alors que les Amérindiens faisaient bouillir leurs aliments dans la terre cuite ou les grillaient à feu doux, les colons ont introduit le lard et les matières grasses, et le métal pour la friture. Aujourd’hui encore, même si 40 % des espèces végétales alimentaires utilisées dans le monde sont d’origine américaine, on ne mange pratiquement pas la cuisine des vaincus ! La cuisine africaine ne s’est pas beaucoup étendue non plus – et c’est bien dommage pour le tieboudiène, par exemple. Quant aux Maghrébins, ils ont donné le couscous au monde et importé le hamburger-soda du fast-food : du point de vue de la santé, ils ont beaucoup perdu au change. La Chine aussi est partagée entre sa diététique traditionnelle (très étudiée pour favoriser la santé) et l’invasion des snacks à l’américaine.
Même si on peut dater ses débuts de 1780 avec Lavoisier et Laplace, la nutrition scientifique prend peut-être son origine dans un certain rigorisme, manifeste en Angleterre et surtout aux Etats-Unis. Le scientisme tient à distance le plaisir et l’imagination, et l’idée se répand que c’est perdre son temps que de passer des heures à préparer un repas avalé en quinze minutes… En réduisant la cuisine à la consommation de nutriments, les Etats-Unis ont ouvert la voie à l’industrie, estime Christian Boudan. A mesure que le modèle traditionnel familial recule, l’Occident semble se désengager de plus en plus de la cuisine. Le gras-sucré fait florès. Les sodas et les colas ont été adoptés.
Partout où la solidité de la famille ainsi que les traditions domestiques et religieuses régressent, les savoir-faire diminuent, le prêt-à-manger s’installe, le rôle civilisateur et éducatif du repas est mis à mal. L’obésité et les maladies liées aux surcharges augmentent. En attendant l’issue incertaine des nouveaux rapports de force culinaires à travers la planète, il semble bien que la pratique d’une cuisine traditionnelle reste supérieure aux produits proposés par l’industrie et à tous les régimes du monde !

D’après Nutrinews/ Cerin

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