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16/09/2005
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Alcool : plaisir ou dépendance ?
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(MFI) La consommation des boissons alcoolisées est une source de plaisir au cours des repas, lorsqu’elle renforce les joies de la gastronomie. Mais, tempère le Dr Michel Craplet*, psychiatre et alcoologue, ce plaisir peut facilement se transformer en souffrance car au cœur de ces boissons se trouve la molécule d’éthanol. Cette molécule est en effet toxique pour de nombreux organes et agit sur le cerveau.
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Nous sommes inégaux face aux effets de l’alcool. Cela dépend du sexe - les femmes sont plus sensibles – et de l’âge – les jeunes sont plus vulnérables. « Quant aux catégories sociales, toutes sont concernées par les problèmes d’alcoolisme, constate le Dr Craplet, seul le regard de l’observateur change. Les personnes qui ont un problème avec l’alcool ne répondent pas forcément au cliché de la « personnalité » d’alcoolique qui voudrait qu’elles soient passives, qu’elles aient peur de la solitude ou de l’abandon »… Par contre, Michel Craplet a souvent rencontré chez ses malades « certains traits de caractère communs : une sensibilité d’écorché vif rendant nécessaire de se blinder, l’incapacité à faire face à ses propres émotions et un manque de confiance en soi. L’alcool exerçant un effet désinhibiteur sur les sujets timides, il est recherché chez ces personnes ». Grâce à l’alcool qui agit vite, les tensions sont soulagées en quelques minutes, la vie redevient simple et les conséquences lointaines sont oubliées. Alors, explique le Dr Craplet, « l’ivresse constitue une cuirasse, un bouclier contre les difficultés de la vie. Mais cette protection devient de plus en plus lourde à porter au fur et à mesure qu’apparaissent les complications de l’abus d’alcool. Elle devient aussi moins efficace et exige une consommation plus grande et plus fréquente ».
Beaucoup de consommateurs sont persuadés de n’être pas à risque de dépendance parce qu’ils «tiennent» bien l’alcool. C’est au contraire une situation à risque selon l’alcoologue, car chez ces personnes soit les fonctions motrices sont peu perturbées, soit elles ne s’en aperçoivent pas. Elles ne sont pas averties de leur degré d’intoxication ou, pire, elles ne savent pas en reconnaître les signes. Ce sont ces buveurs qui prennent ensuite le volant, sûrs de leurs capacités. Pourtant, sous l’effet de l’alcool leur vision est perturbée, même à moins d’1 g/l, et surtout leur temps de réaction est notablement allongé.
La dépendance s’installe insidieusement
Pour obtenir le même effet, les quantités doivent être augmentées. « Le corps s’est accoutumé et doit être en permanence imprégné à un certain taux d’alcoolémie. L’emploi du temps du buveur est alors bouleversé par des envies d’alcool brutales en même temps qu’il fait des efforts désespérés pour tenter d’en dissimuler les effets. Souvent les proches ne comprennent pas la nécessité de continuer à prendre un produit lorsqu’on connaît ses dangers et ils ne croient pas à la sincérité du buveur qui affirme son désir d’arrêter d’en consommer. En fait, l’entourage n’a aucune idée, affirme le Dr Craplet, des tentatives de résistance aux envies d’alcool, des pulsions, et de la lutte interne qui précèdent souvent chaque prise d’alcool. Cette lutte silencieuse n’apparaît pas alors que les troubles du comportement induits par l’alcool sont, eux, très visibles ».
Il est difficile pour le conjoint ou l’ami d’aborder le problème avec une personne dépendante, reconnaît Michel Craplet. Mais cela peut être déclencheur si on le fait sans porter de jugement et sans parler de ce que l’alcool fait à l’autre (« tu t’abîmes la santé »), mais de ce qu’il vous fait à vous. Ainsi, conseille l’alcoologue, mieux vaut dire « je souffre de cette situation », plutôt que l’accusateur « tu me fais souffrir »… On ne peut pas contraindre quelqu’un à se soigner, rappelle le Dr Craplet, mais on peut l’aider à prendre la décision de le faire.
Une fois la décision prise, l’alcoolodépendant devra se sevrer. Pour cela, une aide médicale est presque indispensable. Aujourd’hui, le médecin prescrit essentiellement des anxiolytiques ou tranquillisants, qui sont destinés à compenser l’arrêt de l’alcool au niveau du cerveau. On associe de la vitamine B1 afin de prévenir les complications nerveuses et une réhydratation (bouillon de légumes…) pour les apports en minéraux. Tous les médecins sont d’accord, la cure de sevrage n’est que le premier pas. Après, il faudra réapprendre à vivre sans avoir besoin de l’amortisseur dangereux qu’est l’alcool. Les consultations médicales, les groupes d’entraide et la psychothérapie permettront de poursuivre sur le chemin du rétablissement.
Claire Viognier
* A consommer avec modération. Dr Michel Craplet. Ed. Odile Jacob.
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