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30/09/2005
Maladies chroniques : cinq acteurs pour une tragédie mondiale

(MFI) Aujourd’hui, elles tuent plus que les infections. 60 % des décès de la planète sont dus à des maladies non transmissibles : cardiopathies, accidents vasculaires cérébraux, diabète, cancers, affections respiratoires… Et, déjà, deux fois sur trois, elles tuent dans le Tiers Monde. L’OMS estime qu’au cours des dix prochaines années, les maladies cardiovasculaires toucheront surtout le Moyen-Orient et l’Afrique où le nombre des décès devrait augmenter de plus de 25 %. Le 26 octobre, l’organisation rend public un rapport sur la prévention de ces maladies évitables, construit autour de témoignages de malades.

Faut-il baisser les bras devant cette hécatombe ? Non. « Nous savons ce qu’il faut faire, déclare le Dr Lee Jong-wook, directeur général de l’OMS. Il y a des mesures de prévention et des interventions cliniques que nous devons mettre en œuvre partout dans le monde. » « Il est urgent de sensibiliser les personnes et les gouvernements du monde entier, plaide pour sa part le Dr Catherine Le Galès-Camus, directrice générale adjointe à l’OMS. Les maladies associées à l’obésité, à l’alimentation et au tabagisme sont devenues un enjeu mondial de taille, aux lourdes conséquences sociales et financières pour les pays de la planète. » Quand elles ne tuent pas, elles peuvent rendre invalides des chefs de famille dans des pays dépourvus de toute protection sociale.
Il faut aussi se défaire d’une idée reçue : ces maladies ne concernent pas que les personnes âgées, elles frappent des patients de plus en plus jeunes : la quarantaine, la trentaine. Et les facteurs de risque sont bien connus.
Comment se fait-il alors que la situation ne cesse de s’aggraver ? Pour tenter d’y voir plus clair, jetons un bref regard sur les principaux acteurs impliqués, de l’industrie agroalimentaire aux patients, en passant par les responsables de santé publique, les chercheurs et médecins, et les laboratoires pharmaceutiques.

1. Industrie agroalimentaire : grosses calories et gros sous

Faut-il l’accuser, réglementer ou tenter de susciter chez des chefs d’entreprise un début de prise de conscience ? Informer n’est pas accuser, et il est prouvé en ce début de XXIe siècle que la grande majorité des aliments préparés « n’ont pas été conçus pour être adaptés aux besoins de l’homme », selon la réponse fort diplomatique de Christian Rémésy, nutritionniste et expert en maladies métaboliques à l’Inra (Institut national français de la recherche agronomique), à un journaliste qui lui demandait : « L’industrie agro-alimentaire empoisonne-t-elle les consommateurs ? » Hamburgers, chips, pains blancs, petits gâteaux et autres viennoiseries contiennent trop de calories vides, de graisses saturées ou de sel (favorisant les maladies cardiovasculaires), de farines raffinées ou de sucre (favorisant le pré-diabète), et font partie d’un mode alimentaire récent et urbain beaucoup trop pauvre en micronutriments essentiels, protecteurs vis-à-vis de la plupart des maladies (vitamines, minéraux, oligoéléments, enzymes, graisses fluides…).
A propos des produits allégés, Béatrice de Reynal, docteur en nutrition, rappelle au journal Le Monde qu’« on fait croire n’importe quoi aux gens. » Les édulcorants chimiques utilisés à la place du sucre déclenchent, tout comme lui, une sécrétion d’insuline favorisant le stockage des aliments consommés au même moment (donc la prise de poids) ; hors repas, ils favorisent le dérèglement du pancréas ; et surtout, note le Dr Jacques Fricker, « ils perpétuent, voire accentuent l’attirance pour le sucré. » De plus, ils sont suspectés par des scientifiques d’être dangereux pour le système nerveux et les neurones.

2. Responsables de santé : on se réveille enfin ?

Dans plusieurs pays ont été lancées des campagnes informatives sur les dangers de divers excès alimentaires. Campagnes que les lobbys tentent de faire passer pour des déclarations de guerre. Ainsi, en France, où le ministère de la Santé incite à « manger moins souvent des produits gras et sucrés » – on ne peut être plus mesuré –, la Collective du sucre finance une énorme campagne pour mettre en avant cet aliment, nocif lorsqu’il est raffiné ou consommé souvent, sous prétexte de « participer au débat ». En Irlande, la fiscalité prévoit de pénaliser les producteurs d’aliments favorisant la prise de poids. Aux Etats-Unis, où le surpoids affecte deux tiers de la population, les sodas sont désormais interdits dans les écoles (tout comme en France). Et, première mondiale, les services de santé de New York appellent restaurants et magasins d’alimentation à bannir les « acides gras trans » (favorisant inflammations et cardiopathies) contenus dans les huiles courantes du commerce – suivant en cela une recommandation de l’OMS.
Ainsi, préoccupés par les énormes déficits des systèmes de remboursement des soins et médicaments, mieux au fait enfin, peut-être, de la masse de connaissances scientifiques acquises au cours des vingt dernières années en matière de nutrition, des responsables de santé publique commencent à « penser prévention » et à sensibiliser le public. La question, pourtant, est encore loin d’être envisagée dans sa globalité. L’agriculture productiviste est toujours encouragée, donc l’appauvrissement des terres (et par conséquent l’équilibre en nutriments des végétaux), ainsi que l’utilisation massive de pesticides. Des centaines d’additifs sont ensuite autorisés, dont certains à effet cancérigène. Et, lorsque l’Union européenne propose de contrôler les allégations de santé tendancieuses figurant sur de nombreux produits (« enrichi en vitamines », « diminue le cholestérol » etc.), les parlementaires, influencés par les lobbystes, vont dans le sens des fabricants qui peuvent toujours affirmer ce qu’ils veulent sur les emballages. Par ailleurs, une véritable éducation à la santé des populations nécessiterait bien plus que quelques campagnes télévisées en faveur des fruits et légumes : une éducation des enfants, adolescents et adultes exigerait d’importants efforts en termes de fonds publics, organisation et personnel qualifié.

3. Chercheurs et médecins : diversement formés, et divisés

On dispose de pléthore de données épidémiologiques sur les facteurs de risque des maladies évitables. Une des plus récentes, l’étude américaine NHANES, menée sur six ans, montre que les sujets atteints de syndrome métabolique (cholestérol, hypertension, pré-diabète) ont des apports en antioxydants insuffisants en raison d’une consommation faible en fruits et légumes. Des études en laboratoire montrent par ailleurs l’effet protecteur vis-à-vis du cancer (ou de l’Alzheimer) de principes actifs contenus dans le thé vert, les crucifères (choux, brocolis, radis, etc.), les oléagineux (noix, amandes…), les légumes secs, le curcuma, la tomate, le raisin… Mais si, par exemple, on ne peut plus nier l’action anti-inflammatoire (entre autres) des huiles contenant des oméga 3, sur lesquelles le chercheur français Michel de Lorgeril avait réalisé, il y a déjà un quart de siècle, un travail de pionnier, on trouve encore des médecins en exercice capables de déclarer : « Les oméga 3, c’est beaucoup de pub, non ? »… Il faut savoir que si tous les médecins ont un diplôme délivré par les universités, certains s’en contentent et pensent être correctement informés alors que leur principale source proviendra des labos pharmaceutiques ; tandis que d’autres font l’effort de continuer à se former, élargissent leurs horizons à d’autres thérapeutiques, s’intéressent à la nutrition et au terrain physiologique où germent en aval la plupart des maladies. Ainsi que l’écrit le Dr Yves Donadieu sur son excellent site (www.01sante.com) : « Par définition, la médecine répond à une double finalité : guérir les maladies mais aussi – et surtout – prévenir toute maladie chez les bien portants. Or, depuis près de 50 ans, notre système de santé occidental s’est centré presque exclusivement sur le volet curatif en abandonnant toute action sur le plan préventif, notamment pour tout ce qui est de l’alimentation et de l’hygiène de vie. » Or, on ne peut prévenir les troubles de santé avant qu’ils ne deviennent des maladies chroniques sans agir sur la nutrition et les modes de vie (addictions, stress, exercice physique…) L’OMS insiste sur cette évidence depuis 2002. Parmi les scientifiques, il y a parfois aussi un grand écart entre ce que l’on sait et ce que l’on dit : les langues parfois se délient à la retraite…

4. Laboratoires pharmaceutiques : pour quelques milliards de plus

Le volume d’affaires mondial de l’industrie du médicament est d’environ 400 milliards de dollars par an, dont 130 milliards environ pour les 9 plus grosses firmes. Pour la décennie 1991-2000, ces neuf compagnies ont versé 146 milliards de dollars à leurs actionnaires. Selon la revue américaine Fortune, le taux de rendement après impôts sur le capital investi pour l’industrie pharmaceutique brevetée, aura été en moyenne de 43 % pour les années 90, alors que ce taux est de l’ordre de 15 % dans 48 autres secteurs d’activité (dont la banque). Un médicament « star » rapporte au moins 1 milliard.
Dans ce secteur au poids financier énorme, la recherche est surtout orientée vers les maladies « de civilisation », les pathologies métaboliques ou neuropsychiques. Or, ces maladies dites chroniques, ou en voie de le devenir – souvent avec l’aide de médicaments indûment prescrits : cas, entre autres, du cholestérol – sont celles que l’OMS préconise d’aborder désormais par la prévention. « Les cancers dont la mortalité régresse sont essentiellement ceux qu’on prévient », affirme le Pr Dominique Belpomme.
Problème : comment orienter la recherche vers des médicaments soit indispensables, soit vraiment utiles, et aussi sans effets secondaires dangereux ?

5. Les patients : sous-éduqués, passifs, contradictoires

Depuis plusieurs années en Occident, le secteur des livres de santé est l’un des plus prospères. Les magazines foisonnent. Des émissions existent à la radio et la télé. Des quotidiens « couvrent » régulièrement le domaine. Cela reflète un intérêt croissant du public, une attente, mais pas forcément une meilleure connaissance, pour chacun, de ce qu’il doit faire pour préserver sa santé. Au total : une inflation d’informations morcelées, qui paraissent souvent contradictoires. Comment en effet s’y retrouver entre médecines « dures » et « douces » si l’on n’a pas un minimum de bases en biologie, physiologie, nutrition, facteurs favorisant la santé ou la maladie… Dans les familles, un savoir fondamental s’est perdu : savoir cuisiner et manger équilibré, et aussi soigner les bobos avec des plantes ou des moyens simples.
Quelques faits : les médicaments sont devenus des produits de consommation courante, qu’ils soient prescrits ou en automédication. On s’en sert pour supprimer des symptômes gênants (digestion, circulation, douleurs diverses, mauvais sommeil, etc.), à tort et à travers. Combien de fumeurs encore malgré les dangers connus du tabac, de mangeurs compulsifs ou anarchiques, d’hyperactifs qui persistent à épuiser leur organisme malgré ses signes de détresse ? Ici, on ne peut ignorer les déterminants psychologiques. Une étude américaine vient de montrer que seuls 3 % parmi les adultes informés suivent les recommandations de base : ne pas fumer, faire du sport, maintenir un poids raisonnable, manger assez de fruits et de légumes. Une autre que, parmi les survivants du cancer, 20 % continuent de fumer et pas plus de 42 % mangent des fruits et légumes.
Il ne suffit donc pas d’être informé. Même si l’éducation à la santé du public est devenue un besoin urgent, il faut aussi une prise de conscience : la santé se construit chaque jour par une bonne hygiène de vie. En la matière, il n’y a ni malédiction, ni miracle.

Henriette Sarraseca

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