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14/10/2005
Fausses maladies : la grande manipulation

(MFI) Ayant dépassé l’ère des grandes épidémies, les populations des pays riches se débattent entre « maladies créées par l’homme », selon l’expression du cancérologue Dominique Belpomme, et maladies « inventées » par les laboratoires pharmaceutiques pour s’assurer encore plus de profits… Un journaliste allemand, dans un livre bourré de faits et de chiffres, présente un lourd dossier à charge.

On connaissait quelques centaines de maladies après la Seconde Guerre mondiale. C’était déjà pas mal pour une seule humanité. Aujourd’hui, écrit Jörg Blech dans Les Inventeurs de maladies (ed. Actes Sud), « le nombre des maladies supposées s’élève à trente mille variantes, auxquelles s’ajoutent chaque jour de nouveaux maux ». Parmi cette inflation de syndromes et d’affections physiques et psychiques, on trouve jusqu’à la « boulimie du shopping » ! Tout commence souvent par l’observation d’un médecin à qui apparaît un phénomène notable chez l’un de ses patients. Phénomène bientôt confirmé par des confrères sollicités. Un article « scientifique » est publié, dans lequel on ne retient que les faits allant dans le même sens. Et cet article servira de caution à un laboratoire afin d’élaborer un nouveau produit. Dernier maillon de la chaîne : les journalistes, qui souvent « se contentent de reprendre les histoires qu’on leur sert et les diffusent sans faire preuve d’esprit critique. »
Un exemple parmi d’autres de maladie inventée, selon l’auteur : l’andropause, supposément causée par « un déficit de testostérone » et débouchant sur le miracle du Viagra – miracle pour le vendeur. La maladie a été « vendue en même temps que le produit. Les fabricants d’hormones ont lancé des instituts de sondage, des agences de publicité et de relations publiques, des professeurs de médecine et des journalistes dans cette entreprise : faire connaître l’andropause comme une maladie sérieuse et largement répandue. » Même tentative révélée par le British Medical Journal, mais avec moins de succès pour le moment, à propos d’une supposée « impuissance féminine ». Déjà, pourtant, la ménopause – qui n’est nullement une maladie – rapporte gros aux labos.
Autre façon de procéder : des laboratoires s’adressent directement au public via les médias. Wyeth, par exemple, a fait paraître dans le magazine people Bunte un « questionnaire du désir » visant à dépister des « déprimés qui s’ignorent ». Il est ensuite recommandé à ceux qui, d’après le test, souffrent d’un déficit de désir de « prendre conseil auprès d’un médecin ». Qui prescrira – beaucoup trop souvent – un antidépresseur. « Cette forme indirecte de publicité, écrit l’auteur, est de plus en plus prisée par le secteur pharmaceutique ».
Troisième stratégie : agir en coulisses auprès d’autorités nationales et/ou de l’OMS pour faire abaisser les normes selon lesquelles le taux d’une substance dans le sang sera dangereuse, et la diaboliser. A partir de quels chiffres l’hypertension, la glycémie, les triglycérides sont-ils dangereux ? Les scientifiques ne sont pas tous d’accord. Quid de l’ostéoporose ? Quand y a-t-il blues ou quand dépression ? Dans le cas du cholestérol, l’opération a permis d’enrichir les marchands de margarine et de garantir une rente à vie aux fabricants de statines et autres hypolipémiants. Un énorme pactole de milliards de dollars. « Un comité de la Société de cardiologie américaine exige même que le taux de cholestérol soit mesuré chez l’enfant dès l’âge de cinq ans ». Beau marché en perspective !


Des médicaments qui rendent malade

Résultat : une consommation effrénée de médicaments qui le plus souvent ne font que supprimer les symptômes, mais ne restaurent pas la santé, et qui, de surcroît, ont des effets dits secondaires engendrant de nouveaux troubles que l’on « soulagera » grâce à d’autres molécules chimiques… Exemples : des médicaments contre l’hypertension pourront provoquer des vertiges, que l’on « traitera » avec des antivertigineux ; des anti-inflammatoires nécessiteront la prescription de protecteurs de la muqueuse de l’estomac, qui vont à leur tour déséquilibrer les bactéries gastriques… Une chaîne sans fin. C’est ainsi que les Français de plus de 65 ans déclarent en moyenne plus de sept affections pour lesquelles ils peuvent avaler dix ou douze médicaments chaque jour ! Une chose est sûre : pour chaque déséquilibre, trouble ou maladie, réelle ou inventée, il y aura plusieurs « réponses » chimiques, un principal bénéficiaire, les labos, et un grand perdant : le patient dont l’organisme continue de se délabrer.
Le livre de Jörg Blech, biologiste et journaliste, est donc une charge très documentée et salutaire sur les manœuvres d’entreprises beaucoup trop puissantes et dont le seul but est le profit. Dommage, pourtant, qu’il ne fasse pas la distinction entre troubles de santé et maladies véritables, entre troubles fonctionnels et états lésionnels. Le colon irritable, les déprimes, l’hyperactivité chez de plus en plus d’enfants (aux Etats-Unis, 6 millions de mineurs sont « calmés » à coups de Ritaline), les syndromes pré-menstruel ou métabolique, la déminéralisation, la spasmophilie, le pré-diabète existent bel et bien. Ce ne sont pas des « maladies inventées ». Mais, pas plus que le cholestérol, elles ne sont passibles de molécules chimiques. Le problème est énorme, et mondial : de plus en plus de médicaments, en effet, sont utilisés comme des béquilles en cas de troubles de santé devenus forcément des maladies chroniques, faute de la réforme alimentaire et d’hygiène de vie qui aurait pu permettre de les éviter.

Henriette Sarraseca


Jörg Blech : Les Inventeurs de maladies (Ed. Actes Sud, 282 p., 20 €. Postface du Dr Martin Winckler)



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