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28/10/2005
Produits chimiques : une humanité qui empoisonne ses enfants

(MFI) Analyses de sang, études, rapports, colloques de médecins se multiplient. Des dizaines de milliers de produits chimiques sont utilisés dans le monde, sans que leur absence de dangerosité ait été établie. Bien au contraire : l’extrême toxicité de certaines molécules est prouvée, tandis que beaucoup d’autres sont suspectées par des scientifiques d’être cancérigènes, neurotoxiques, perturbatrices du système hormonal, notamment reproducteur. Le 14 novembre à Strasbourg, le Parlement européen se réunit pour examiner le projet REACH devant réglementer ces produits. Un enjeu qui dépasse le Vieux Continent.

On les trouve dans des produits aussi courants que des tétines pour bébés, des déodorants ou les poêles anti-adhésives. Experts, industriels et écologistes s’affrontent sur l’ampleur des études requises et sur la nécessité ou non de remplacer les produits les plus dangereux pour la santé humaine. En attendant, les responsables politiques restent muets ou s’alignent sur les positions des fabricants qui brandissent « l’argument ultime » des pertes d’emplois. Les populations souffrent de plus en plus de « maladies liées à l’environnement ». Et certains médecins, dont des cancérologues, rejoignent les lanceurs d’alerte. « En trente ans, la recherche a beaucoup avancé, on ne peut pas faire comme si on ne savait rien », soulignait le Dr Claude Lesné, chercheur au CNRS, ancien responsable au ministère français de la Recherche et cancérologue, lors d’une conférence de presse du WWF (Fonds mondial pour la nature) le 6 octobre à Paris. « Combien faudra-t-il de catastrophes, comme celles du plomb et de l’amiante, pour qu’on prenne en compte sérieusement l’impact des produits sur la santé ? »

Les fœtus déjà contaminés

Plusieurs analyses ont déjà montré que nous avons tous des dizaines de produits chimiques présents, en permanence, dans notre sang. Ne pouvant s’en débarrasser, notre organisme les stocke tout au long de la vie. Le WWF a présenté ce jour-là les résultats de tests sanguins de treize familles européennes sur trois générations : grand-mères, mères et enfants. Illustration de ce que des scientifiques savaient déjà : beaucoup de produits chimiques sont persistants, c’est-à-dire qu’ils s’accumulent dans nos tissus – principalement nos graisses, donc nos glandes et notre système nerveux. Pire : les enfants sont contaminés en moyenne par un nombre plus élevé de produits chimiques (59) que leurs mères (49). C’est que celles-ci leur en transmettent déjà durant la grossesse (des analyses de cordon ombilical l’ont montré), puis par l’allaitement – dont on considère que le bénéfice global pour le bébé demeure malgré cela. Le sang des enfants contient des concentrations plus élevées de nouvelles substances comme les retardateurs de flamme bromés, par exemple, utilisés dans les ordinateurs, les télévisions, ou encore les meubles ou les moquettes. Alors que les grand-mères sont davantage contaminées par des produits anciens, dont l’usage est restreint ou interdit depuis des années dans les pays riches, comme les PCB, utilisés dans les équipements électriques, ou le DDT, un pesticide toujours utilisé dans le Tiers Monde.

Explosion des cancers

Le Dr Lesné a souligné l’augmentation des cas de cancers depuis le milieu du XXe siècle. Il a rappelé que l’ANRS (Agence nationale pour la recherche scientifique) a recensé 150 produits cancérigènes sur 400 examinés à ce jour. Mais qu’en est-il des 100 000 produits chimiques présents sur le marché européen – et mondial –, dont à peine 3 000 ont été étudiés ? Qu’en est-il de leur « seuil de toxicité » : on sait aujourd’hui que de simples traces peuvent être nocives. Qu’en est-il enfin des effets cumulés et croisés de ces molécules puisque chaque personne est en contact chaque jour avec plusieurs d’entre elles par l’air, l’eau, l’alimentation et d’innombrables objets environnants ?
Des réponses existent : on assiste par exemple, révèle le Dr Lesné, à une augmentation des cancers du sein chez les populations qui ont été exposées lors de la catastrophe chimique de Seveso en Italie. « Il peut donc y avoir des effets à des doses environnementales, celles auxquelles nous sommes tous exposés. »


Des scientifiques alertent

De fait, des chercheurs accumulent des preuves depuis des années. Une nouvelle étude, réalisée par l’université de Lowell aux Etats-Unis (pays où l’on vient de publier officiellement l’état d’imprégnation de la population à un certain nombre de substances), passe en revue les preuves scientifiques établissant les relations entre expositions environnementales et professionnelles et certains cancers. « De nombreux cancers sont causés ou co-promus par des expositions involontaires », conclut l’étude. Un rapport anglais de la Commission royale sur la pollution environnementale confirme les risques encourus par l’exposition des riverains aux pesticides déversés dans les champs. En France, une enquête à grande échelle va être menée par la Mutualité sociale agricole sur les liens entre pesticides et cancers. Toujours dans ce pays, des médecins viennent de tenir à Rouen un premier congrès national sur les pathologies environnementales. Le Dr Joël Spiroux, l’un des organisateurs, déclare : « Je suis confronté à une multiplication des pathologies allergiques, des bronchites chroniques, de l’asthme, à une hausse colossale des cancers, des cas d’hypofécondité, de stérilité… »
Que s’est-il passé depuis l’Appel de Paris, lancé en mai 2004 à l’Unesco par le Pr Dominique Belpomme ? Pas grand-chose, mais peut-être beaucoup : ainsi que le souligne l’un des dirigeants de WWF-France, « des scientifiques commencent à constituer un nouveau pouvoir pour alerter les populations ». Tandis que le projet REACH (pour, en anglais : Registration, Evaluation, and Autorisation of Chemicals) risque d’être vidé de sa substance sous l’influence des lobbies industriels : y aura-t-il une « dérogation » pour les molécules produites à moins de 10 tonnes par an – c’est-à-dire 25 000 à 30 000 ? Réponse entre le 14 novembre et fin 2005, lorsque interviendra le vote final du Parlement européen.

Henriette Sarraseca


Voir le site www.wwf.fr pour la liste des substances chimiques dangereuses couramment utilisées.



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