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01/03/2001

Viande de brousse : des risques multiples

(MFI) La consommation de viande de brousse en Afrique présente-t-elle un danger ? Si la transmission à l’homme de virus détectés chez les singes n’a pas été prouvée, les chercheurs estiment que le risque existe.

Réunis récemment à Chicago (Etats-Unis), des virologues du monde entier ont rappelé que le risque de transmission de virus du singe à l’homme reste entièrement d’actualité en Afrique. Cela parce que plusieurs races de singes chassés ou élevés par les villageois sont porteuses du virus de l’immunodéficience simiens (VIS). Des chercheurs de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) y ont montré, pour la première fois, que des êtres humains sont ainsi constamment exposés à une diversité sans précédent de tels virus en consommant de la viande de brousse.
Les recherches menées par l’IRD au Cameroun n’ont toutefois jusqu’à présent fourni aucune preuve de transmission à l’homme. Mais historiquement, il est reconnu que les deux souches du virus du sida (virus de l’immunodéficience humaine, VIH-1 et VIH-2) ont pour origine des virus simiens transmis notamment par des chimpanzés. En Afrique, ont précisé les chercheurs, plus de vingt espèces de singes sont porteuses de virus de l’immunodéficience simiens (VIS). De quoi se montrer préoccupé devant la consommation en hausse de la viande de brousse issue du braconnage ou de l’élevage qui, la crise aidant, est devenue la seule viande accessible pour beaucoup.
Le travail réalisé par l’IRD a mis en lumière « à partir d’études dans les marchés auprès des particuliers, que ces animaux étaient infectés et présentaient un risque non négligeable pour les consommateurs. En effet, lorsqu’on prépare la viande de brousse, on peut se couper ou quand on a un animal domestique, on peut se faire mordre et il existe donc un risque par ce biais-là », a souligné Eric Delaporte, un des auteurs.

Attention à la contamination par la sang

« Le risque est maximum lors du dépeçage et du transport des animaux fraîchement tués car la possibilité de contact "sang à sang" est grande à cause de petites blessures aux mains du chasseur ou d’autres personnes manipulant la viande », confirme Caroline Tutin, spécialiste des singes, chercheuse au Centre international de recherche médicale de Franceville (CIRMF,Gabon). « Le risque de transmission des agents pathogènes (parasites, virus, bactéries) est le plus élevé chez les primates et surtout chez les grands singes comme le gorille, le chimpanzé et le bonobo. Cela à cause de leur proximité génétique avec l’homme et de leur similitude sur le plan physiologique ».
« Ce sont les femmes, ajoute la spécialiste, qui risquent le plus d’être contaminées (plus encore que les chasseurs) puisque ce sont elles qui découpent la viande pour préparer les repas. En fait, la consommation de cette viande comporte moins d’aléas pour la santé que sa préparation, à la condition toutefois qu’elle soit bien cuite et qu’elle ait été conservée au frais ». Il faut écarter toute viande qui a une odeur forte car elle est probablement contaminée par des bactéries et présente notamment un risque de salmonellose. « Certaines règles sont impératives comme de ne jamais toucher les animaux trouvés morts en forêt et encore moins les dépecer ou les manger car le risque que la maladie qui a causé la mort de l’animal soit transmissible à l’homme est réel », avertit la primatologue.
Les spécialistes de l’IRD se sont dits, quant à eux, surpris par l’extraordinaire diversité des sous-souches du virus simiens qu’ils ont été amenés à découvrir sur des animaux vendus sur les marchés. Quatre de ces sous-souches étaient d’ailleurs jusqu’à présent inconnues. Si vraisemblablement beaucoup de ces virus ne peuvent pas passer la barrière humaine, a remarqué M. Delaporte, des études complémentaires sont néanmoins nécessaires pour savoir s’il peut y avoir transfert à l’homme.
Il existe, selon les chercheurs, un risque potentiel de survenue d’un VIH-3 un jour ou l’autre. Cette menace est à prendre au sérieux parce que les modifications de l’environnement, l’utilisation de la viande de brousse et les exploitations forestières contribuent à en accroître le risque.

Virus Ebola

La redoutable fièvre hémorragique provoquée par le virus Ebola suscite également des craintes de transmission via la viande de brousse, d’autant plus que l’on n’a pas encore identifié formellement son origine. Les plus récentes recherches ont montré en Centrafrique que des musaraignes et plusieurs espèces de souris avaient été en contact avec le virus Ebola. Les singes peuvent donc être contaminés et les épidémies de Mayibout et de Booué au Gabon en 1996, à trois mois d’intervalle, étaient liés à la préparation culinaire d’un chimpanzé. En Côte d’Ivoire, en 1994, des signes de fièvre d’Ebola ont été observés chez 40 chimpanzés dont 12 sont morts. La preuve que ces animaux sont susceptibles de véhiculer le virus même s’ils n’en constituent pas le réservoir puisqu’ils sont affectés par la maladie. Faute de moyens financiers, la viande de brousse reste souvent la seule accessible aux plus pauvres. Mais même ce pis-aller n’aura qu’un temps car, constate Caroline Tutin, "des zones de plus en plus étendues de forêts sont en train d’être vidées de leurs animaux. Il est urgent que gouvernements, agences de santé et bailleurs de fonds instaurent dans un premier temps des contrôles sanitaires sur toutes les viandes consommées par les habitants. Et ensuite, il faut trouver des solutions au travers des élevages et de la promotion des protéines alternatives à la viande de brousse".

Claire Viognier





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