(MFI) Plus de 340 millions de personnes dans le monde sont dépressives. Mal du siècle, la dépression se caractérise par une tristesse inexplicable, la perte de plaisir dans les activités quotidiennes, des troubles de l’appétit, de la libido et du sommeil, de la fatigue, un sentiment de dévalorisation et de culpabilité, des difficultés à se concentrer...
La dépression vient en quatrième position parmi les dix principales causes de morbidité dans le monde ; en 2020 elle occupera la deuxième place. C’est dans les pays en développement, la cinquième cause de maladie chez les femmes et la septième chez les hommes. Dans le monde, on compte en moyenne deux femmes atteintes de dépression pour un homme.
Une enquête réalisée par l’Organisation mondiale de la Santé a confirmé que les pathologies dépressives étaient les troubles mentaux les plus courants chez ceux qui s’adressaient aux services de soins de santé primaires. En moyenne, 10 % des clients de ces centres étaient en dépression. Mais à peine la moitié de ces malades étaient reconnus comme tels et seulement le quart étaient soignés. Cela voudrait dire que les chiffres officiels ne reflètent qu’une partie apparente de cette maladie qui est en fait beaucoup plus fréquente qu’on ne le croit. Cela veut surtout dire que cette maladie, malgré sa fréquence, n’est souvent ni diagnostiquée, ni traitée, bien qu’il existe des thérapeutiques efficaces.
Si pour un Occidental il est relativement facile de se dire "déprimé", tant cette maladie est médiatisée au risque d’une surconsommation d’antidépresseurs, il en va autrement dans bien des cultures. Dans les pays en développement et singulièrement en Afrique, les malades qui souffrent de dépression ne sont pas couramment soignés et ils se trouvent ainsi exposés à des souffrances psychiques parfaitement inutiles dont la famille et la collectivité pâtissent également. Mais la difficulté du diagnostic tient souvent au fait que pour exprimer sa souffrance mentale, un Africain ou un Asiatique évoquera plus volontiers un corps douloureux. Céphalées, lombalgies, gastralgies peuvent ainsi égarer le praticien et retarder le diagnostic de dépression.
Autant de suicides que de décès dus au paludisme
Les tradipraticiens et les guérisseurs peuvent assurer la prise en charge de certains troubles liés à la dépression. La psychothérapie qui est pratiquée par ces thérapeutes traditionnels prend en compte le patient dans sa totalité avec sa culture et ses croyances de façon à lui redonner sa place dans la communauté. Mais la montée des problèmes liés à l’urbanisation en Afrique fait que les tradipraticiens ne sont pas toujours en mesure de résoudre les problèmes des patients aux prises avec des pathologies liées aux monde moderne, comme le stress ou les toxicomanies...
Les profondes mutations socio-économiques et culturelles que connaissent les pays en développement exposent leurs habitants à des tensions qui peuvent provoquer la cassure de la dépression. S’y ajoutent les états de stress post-traumatique qui sont courants chez les victimes de catastrophes naturelles, de guerres, de conflits ethniques et chez les populations réfugiées. La prise d’antidépresseurs et le soutien psychothérapeutique sont les deux voies qu’emprunte couramment le traitement de la dépression. Toutes les études montrent que la dépression guérit d’autant plus rapidement que la prise en charge intervient précocement. C’est ainsi que, selon l’OMS, 70 % des cas de dépression peuvent déboucher sur un rétablissement complet grâce aux antidépresseurs et à une psychothérapie cognitive mais en fait, moins de 25 % des dépressifs sont effectivement traités.
La forme la plus grave de la dépression est caractérisée par des pensées suicidaires. Le suicide n’est pas forcément lié à la dépression mais il en est la complication majeure ; la maladie entraîne une souffrance morale et un isolement tels, que le patient peut passer à l’acte. Le nombre annuel de tentatives de suicides dans le monde se situe entre 10 et 20 millions et l’on compte chaque année un million de morts par suicide, c’est-à-dire autant que de décès dus au paludisme.
Si les chiffres de prévalence varient en fonction de la fiabilité des enregistrements statistiques, il ne fait plus aucun doute que la dépression se manifeste dans toutes les parties du monde. Ce mal-être engendré par la dépression est universel même si la souffrance psychique s’exprime différemment selon la culture de chacun.
Claire Viognier