(MFI) Près du tiers des pesticides commercialisés dans les pays en dévelop-pement ne répondent pas aux normes de qualité internationale. Cette situation fait peser de lourdes menaces sur la santé des habitants des ces pays ainsi que sur leur environnement.
Les pesticides de mauvaise qualité contiennent des substances dangereuses et des impuretés qui ont déjà été interdites ou fait l’objet de restrictions sévères dans les pays industrialisés. Une déclaration conjointe récente de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et l’Organisation des Nations unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) insiste sur les risques que fait courir l’utilisation de ces substances dans les Etats du Sud. Encore une fois, les pays pauvres jouent le rôle de poubelle des industriels du Nord. De plus, remarque Gero Vaagt, spécialiste de la gestion des pesticides, les pays les moins nantis se retrouvent souvent avec sur les bras des stocks de produits périmés, entreposés n’importe où et n’importe comment avec un risque évident de contamination des sols et de l’eau.
Les pesticides sont destinés à empêcher la prolifération de tous les éléments (insectes, germes microbiens, champignons microscopiques) qui risquent de compromettre les cultures ou la santé. Leur utilité n’est pas contestable mais c’est leur usage excessif ou inapproprié qui peut devenir néfaste pour l’environnement. Il existe environ 450 pesticides appartenant à des familles chimiques diverses qui sont commercialisés sous 8 000 formes différentes, pour ne citer que la France.
Le DDT attaque le foie
Le marché mondial des pesticides est estimé à 32 milliards de dollars américains pour l’an 2000 ; la part des pays en développement s’élevant à environ 3 milliards. Largement utilisés dans l’agriculture dans ces pays, ils le sont aussi en santé publique pour lutter contre la propagation du paludisme, par exemple. C’est d’ailleurs dans ce deuxième cas que l’on utilise encore largement le DDT, le plus célèbre des pesticides de la famille des organochlorés. Ses performances l’ont rendu indispensable durant des décennies jusqu’à ce que l’on découvre qu’il restait dans le sol sans se dégrader. Tout comme dans l’organisme humain, où une fois introduit, il s’accumule dans les graisses, le foie et les muscles avec comme conséquences des troubles variés attaquant le foie et le système nerveux.
Le DDT est aujourd’hui interdit partout, sauf dans les pays où sévit le paludisme. Un traité signé en mars 2000 à Bonn (Allemagne) vise à en « réduire sensiblement l’utilisation, voire à l’éliminer quasiment » mais prévoit aussi des exemptions qui permettent à certains pays impaludés de continuer à l’employer à des fins de santé publique. En attendant, et pour plusieurs années encore, le DDT continuera d’y être répandu faute de produit de remplacement aussi efficace et bon marché, explique David Nabarro, responsable du programme OMS « Faire reculer le paludisme ». Mais un dispositif financier et technique destiné aux pays tributaires du DDT a été mis en place pour les aider à réduire leur dépendance à l’égard de ce polluant organique persistant. Pour y parvenir, affirme David Nabarro, il faut cependant du temps et de l’argent et l’utilisation responsable du DDT reste une stratégie vitale dans les cas où on ne dispose pas d’autres produits et pour éviter des conséquences sanitaires néfastes.
Des étiquetages incomplets
Pour ce qui concerne les pesticides en général, constatent l’OMS et la FAO, les problèmes liés à l’étiquetage et au conditionnement contribuent grandement à la mauvaise qualité constatée dans les pays les plus pauvres. Les étiquettes, quand elles existent, sont souvent rédigées dans une langue incomprise du plus grand nombre d’utilisateurs. Par ailleurs, ont noté les agences des Nations unies, il manque fréquemment des indications sur le principe actif, l’application, la date de fabrication ou les précautions d’emploi. Sans compter les pesticides accompagnés de déclarations frauduleuses qui envahissent pendant des années les marchés, notamment en Afrique subsaharienne, faute de moyens de contrôles efficaces.
Les pesticides restent les substances chimiques les plus dangereuses susceptibles de provoquer des épisodes épidémiques d’intoxications. Pour traiter le problème en amont, l’OMS et la FAO appellent les gouvernements et les organisations internationales et régionales à adopter les spécifications FAO/OMS pour les pesticides reconnues dans le monde entier, afin de garantir la production et le commerce de produits de bonne qualité. Ces normes FAO/OMS sont particulièrement importantes pour les pays en développement qui n’ont pas les infrastructures nécessaires pour procéder à des évaluations suffisantes des pesticides. Les pays devraient, préconisent les deux agences, donner à ces normes, pour l’instant facultatives, force de loi.
Claire Viognier