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15/11/2001

Anthrax : une nouvelle guerre des brevets

(MFI) La multiplication des envois d’enveloppes contaminées à l’anthrax aux Etats-Unis a posé le problème de la fabrication des médicaments nécessaires pour soigner les victimes. Malgré l’urgence de la demande, les laboratoires se sont accrochés à leurs brevets pour conserver un monopole très lucratif. Comme pour le sida…

Tout est parti de la décision annoncée par le ministre de la Santé canadien, Allan Rock, de commander au laboratoire Apotex, 900 000 exemplaires de la forme générique du Cipro, le seul antibiotique utilisé jusqu’à présent pour combattre l’anthrax. Alors que la firme pharmaceutique allemande Bayer détient dans le pays l’exclusivité sur cette molécule jusqu’en 2003. Dans le même temps, un sénateur américain a demandé aux autorités de recourir elles aussi à la fabrication de génériques pour avoir les moyens de faire face à la demande croissante de Cipro aux Etats-Unis, due à la multiplication des envois empoisonnés, et délivrer le médicament à la population au moindre coût.
La réaction de Bayer a été immédiate pour contrecarrer cette offensive nord-américaine. Le laboratoire s’est manifesté auprès du gouvernement canadien pour proposer une solution «équitable» tout en laissant planer la menace de poursuites judiciaires si le ministre de la Santé persistait dans son désir de passer outre la législation internationale sur les brevets. Malgré une polémique assez virulente engagée entre le gouvernement et le laboratoire pour déterminer qui portait la responsabilité de cette situation, les deux parties ont fini par trouver un accord qui semble préserver les intérêts de chacun. Le Canada a accepté de respecter le monopole de Bayer en échange de quoi, le laboratoire s’est engagé à livrer en 48 heures le million de comprimés nécessaires pour permettre au pays de disposer des stocks suffisants pour traiter 100 000 personnes. Dans le même temps, Bayer est devenu propriétaire des médicaments déjà fabriqués par Apotex qui a remboursé le gouvernement canadien des sommes versées pour passer commande.
Aux Etats-Unis, Bayer a de la même manière réussi à trouver une parade efficace en concédant immédiatement une réduction du prix du Cipro (95 cents au lieu de 1,77 dollar) pour 100 millions de comprimés et en s’engageant à fournir dès que nécessaire 200 millions d’antibiotiques supplémentaires. Malgré cet accord, la Food and drug administration a pris la décision d’autoriser pour le traitement de l’anthrax, un autre antibiotique, celui-ci de la famille des doxycyclines, produit par Pfizer, un laboratoire américain concurrent. Il s’agit par là pour les autorités sanitaires des Etats-Unis de multiplier les traitements, alors que la semaine dernière deux nouveaux décès sont intervenus et que le nombre de personnes contaminées ne cesse d’augmenter.

Deux poids, deux mesures

Si d’autres gouvernements avaient tenté cette manœuvre pour obtenir des molécules à moindre prix, rien n’aurait été étonnant. Mais le fait que ce soient les Etats-Unis et le Canada, jusqu’ici les plus ardents défenseurs de la cause des laboratoires, change les rapports de forces habituels. Lorsque l’on sait que l’année dernière, les Etats-Unis avaient déposé une plainte devant l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) contre le Brésil, accusé de ne pas respecter la législation sur les brevets des médicaments antisida et de fabriquer des génériques, on comprend mieux qu’il s’agit d’une situation inédite. Et particulièrement préoccupante pour les laboratoires. D’autant que les derniers mois ont été plutôt difficiles pour eux. Trente neuf firmes pharmaceutiques qui avaient intenté un procès contre l’Etat sud-africain pour bloquer l’adoption d’une législation sur les génériques ont, en effet, été obligées de retirer leur plainte sous la pression internationale. Les laboratoires ont aussi été incités fermement, par exemple dans le cadre d’une session spéciale de l’Assemblée générale des Nations unies sur le sida, à engager des négociations avec les gouvernements des pays du Sud pour trouver des accords et accepter des baisses de tarifs des antirétroviraux, qui sont pour l’instant quasiment inaccessibles, notamment dans les Etats africains.
Malgré tout, la rapidité avec laquelle Bayer a consenti une réduction tarifaire conséquente et s’est engagé à produire autant d’antibiotiques que nécessaire pour satisfaire les besoins, est révélatrice des contradictions dans l’argumentation des laboratoires. Comment continuer à justifier qu’il est impossible de réduire les coûts des médicaments antisida encore protégés par des brevets pour cause d’investissements énormes en recherche/développement, alors que, lorsqu’il s’agit du risque de diffusion de la maladie du charbon aux Etats-Unis dont le bilan humain n’est en rien comparable, quelques jours suffisent pour accepter de diviser les prix des antibiotiques par deux tout en relançant à grands frais une production industrielle jusque-là au ralenti ?
La situation difficile dans laquelle les Etats-Unis ont été plongés à la suite des attaques terroristes du 11 septembre pourrait, malgré les accords qui ont été conclus concernant le Cipro, modifier leur point de vue général sur le problème de la propriété intellectuelle et de la fabrication de médicaments antisida sous forme générique. Les pays du Sud qui ont la capacité industrielle de produire sur place et à moindre coût de telles molécules, comme le Brésil ou l’Afrique du Sud, porte-drapeaux de la cause des pays pauvres soumis à la loi des laboratoires, auront certainement été attentifs à cette polémique autour de la maladie du charbon et aux conséquences qu’elle pourrait avoir en terme d’alliances, notamment lors des prochaines négociations au sein de l’OMC où ce problème sera certainement abordé.

Valérie Gas





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