(MFI) La réduction impressionnante du nombre de personnes atteintes par la poliomyélite est très encourageante. Mais des efforts sont encore nécessaires pour éradiquer définitivement cette maladie.
Lancée en 1988 par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’initiative* mondiale pour l’éradication de la poliomyélite a connu des hauts et quelques bas. Incontestable d’abord, la réussite que représente le recul de 99 % du nombre de malades qui est passé de 350 000 en 1988 à moins de 3 500 l’an dernier. Par contre, la persistance du virus dans une trentaine de pays africains et asiatiques a contraint récemment l’OMS à repousser de fin 2000 à 2005 la date butoir pour annoncer la certification de l’éradication de la maladie.
En l’absence de traitement, la prévention s’impose par l’intermédiaire d’un vaccin dont quelques gouttes confèrent une protection à vie. Des campagnes gigantesques de vaccination, d’une ampleur jamais atteinte sont menées tambour battant dans les pays encore menacés par le virus. Ainsi fin 2000, 17 pays** de l’Afrique de l’Ouest et du Centre ont mobilisé des centaines de milliers d’agents de santé et de bénévoles pour vacciner 70 millions d’enfants contre la poliomyélite. Cette opération restera dans les mémoires comme la plus grande entreprise de santé publique jamais menée dans la région.
Cette stratégie qui synchronise les actions, vise à atteindre tous les enfants de moins de 5 ans dans une région où les migrations, les conflits et les désastres naturels entraînent de fréquents mouvements de populations au-delà des frontières nationales. Des postes de vaccination ont donc été installés aux points stratégiques des franchissements de frontières et des cessez-le-feu négociés, de façon à s’assurer qu’aucun enfant ne soit exclu du programme. Car aussi longtemps qu’un seul enfant reste porteur du virus, les enfants de tous les pays courent le risque de contracter la maladie.
Car la polio est une maladie hautement infectieuse causée par un virus qui envahit le système nerveux et peut provoquer une paralysie complète en quelques heures. Elle touche principalement les enfants de moins de trois ans. Les premiers symptômes sont de la fièvre, de la fatigue, des maux de tête, des vomissements, une raideur de la nuque et des douleurs dans les membres. Le virus pénètre dans l’organisme par la bouche et se multiplie dans l’intestin : dans un cas sur 200, il en résulte une paralysie irréversible et entre 5 et 10 % des personnes qui contractent la maladie meurent des suites d’une paralysie des muscles respiratoires.
Le plus dur reste à faire
Les unes après les autres, les régions du monde sont certifiées exemptes de poliomyélite : les Amériques en 1994, le Pacifique occidental (avec la Chine) en 2000 et l’Europe qui devrait l’être en 2002. Cet assaut final contre la polio nécessite encore beaucoup d’efforts pour vacciner les enfants des régions les plus difficiles d’accès. Paradoxalement, remarquait le Dr Gro Harlem Brundtland, directrice générale de l’OMS, c’est au cours de la phase finale vers l’éradication, quand il faut nettoyer les dernières poches de poliovirus que doivent être intensifiées les vaccinations.
Mais alors que le poliovirus est censé être éradiqué des Amériques depuis 1994, l’apparition il y a quelques mois de huit nouveaux cas dans les Caraïbes (sept en République Dominicaine et un en Haïti) suscite l’inquiétude des scientifiques. Le fameux vaccin Sabin qui a immunisé des centaines de millions d’enfants dans le monde est constitué de virus vivants atténués. Le risque que ces virus en mutant retrouve leur pathogénité est extrêmement faible et aucun cas n’avait été relevé en quarante ans de vaccination intensive. C’est pourtant ce qui vient de se produire dans l’île d’Hispanola et le fait que les enfants aient été atteints au même moment par la même souche virale d’origine vaccinale témoigne de la transmissibilité du virus d’un individu à l’autre. Bien qu’isolé pour le moment, le phénomène ne peut que préoccuper les experts de l’OMS qui sont aujourd’hui condamnés à poursuivre leur programme vers une éradication qui semble malgré tout imminente. Avec comme résultat acquis le fait que 3 millions d’habitants des pays en développement, aujourd’hui valides, seraient paralysés s’ils n’avaient pas été vaccinés depuis le lancement de l’initiative en 1988. Ces cinq dernières années, près de deux milliards d’enfants dans le monde ont été vaccinés, dont 147 millions en Inde, en une seule journée : un record qui n’est pas près d’être battu.
*A la direction de l’initiative : avec l’Organisation mondiale de la Santé, le Rotary International, les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) et le Fonds des Nations unies pour l’Enfance (UNICEF).
**Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Libéria, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone, Tchad et Togo.
Claire Viognier