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MFI HEBDO: Santé Liste des articles

25/05/2001

Santé en Afrique : complexité et diversité

(MFI) Entre péril infectieux et maladies cardio-vasculaires, l’Afrique ne cesse d’élargir le spectre des pathologies qui l’assaillent. Un dossier d’Afrique contemporaine* dirigé par Marc-Eric Gruénais (anthropologue) et Roland Pourtier (géographe) scrute en plus de vingt articles la complexité des situations épidémiques, sanitaires, sociologiques et politiques de la partie sub-saharienne du continent.

Selon les données globalement concordantes de l’ONU, de l’OMS et de l’Unicef, l’Afrique sub-saharienne comparée à toutes les autres régions du monde occupe le bas du classement dans le domaine de la santé. Détentrice du record de mortalité infantile et infanto-juvénile, l’espérance de vie n’y atteint pas 50 ans contre près de 78 ans pour les pays industrialisés. Evidemment, devant le mauvais état de santé des populations, on est tenté de voir dans la pauvreté le principal facteur explicatif. Les auteurs citent l’exemple de la corne de l’Afrique et du Soudan où la situation nutritionnelle des populations est dramatique. Il s’agit là pourtant de pays engagés dans une course effrénée aux armements où mercenaires et trafiquants d’armes trouvent leur bonheur.
Même dans un contexte moins perturbé, le manque de moyens ne saurait être sans cesse évoqué pour expliquer le mauvais état de santé des populations, font-ils encore remarquer. L’exemple le plus parlant à cet égard est celui du Gabon. C’est en effet l’un des pays les plus riches d’Afrique sub-saharienne, l’un de ceux qui dépensent le plus pour la santé, l’un des mieux équipés en structures et en personnels médicaux mais dont les indicateurs sanitaires sont parmi les plus mauvais du continent. Ainsi, la mortalité infanto-juvénile y est-elle supérieure à celle de pays comme le Togo ou le Sénégal dont le niveau de richesse est incomparablement plus bas.
Ce cas limite, peut-on lire dans le dossier, confirme le constat que l’on ne cesse de faire en Europe : il n’y a pas un rapport mécanique entre l’état de santé d’une population et l’argent dépensé dans le domaine de la santé. Mais ici, la situation se complique fréquemment par la corruption qui atteint tous les niveaux de la hiérarchie, de l’aide soignant au professeur de médecine d’un centre hospitalier universitaire. Sans passe-droits, sans relations, sans argent, un malade a peu de chance de se faire soigner...

Fléaux : modernes et anciens, tout se conjugue

C’est une réalité pour tous les pays en développement : les fléaux modernes (accidents de la route, sida...) côtoient les fléaux anciens (paludisme, maladies de la faim ou maladies diarrhéiques). Mais en plus, l’Afrique supporte à elle seule plus de la moitié de la morbidité infectieuse et parasitaire des territoires tropicaux. Moins de 20 ans après son apparition, l’infection à VIH/sida est devenue la première cause de mortalité en Afrique subsaharienne. Les traitements disponibles sont encore trop chers et la plupart du temps, cantonnés dans les capitales ou les très grandes villes. Mais face au sida, l’Afrique reste plurielle avec des zones qui semblent assez épargnées par l’épidémie comme le Sénégal et d’autres parmi les plus touchées (Ouganda) où l’épidémie semble se stabiliser. Cette stabilisation, écrit Nathalie Lydié (démographe), si elle peut être le fruit de l’évolution naturelle de l’épidémie, semble aussi en partie attribuable à la prévention. La prévention, poursuit-elle, qui compte tenu du faible accès aux traitements et à l’absence de vaccin, va rester pour les années qui viennent l’axe majeur de la lutte contre le sida sur ce continent.
Le rôle de l’alimentation dans la santé est crucial et le bilan de l’Afrique subsaharienne est sans appel. C’est la seule région du monde, relèvent les nutritionnistes Bernard Maire et Francis Delpeuch, où l’état nutritionnel des populations ne s’est pas amélioré au cours des deux dernières décennies et cela ne semble guère évoluer dans près de la moitié des pays.
La mortalité maternelle, plus importante ici qu’ailleurs, est directement liée entre autre à l’anémie fréquente chez les femmes africaines : en cas d’hémorragies lors de l’accouchement ou dans les suites, l’issue est souvent fatale faute de prise en charge efficace et rapide. Ce manque d’assistance avant, pendant et après l’accouchement explique aussi une mortalité néonatale importante. Il faut toutefois remarquer que la mortalité infantile a diminué de moitié entre les années cinquante et quatre-vingt-dix. Mais cette baisse a été plus lente en Afrique que dans les autres régions et l’écart entre continents continue de se creuser.
Tous les types de périls sanitaires sont présents en Afrique et les besoins des populations sont à la mesure de leur dénuement, remarque la géographe Jeanne-Marie Amat-Roze. Si le défi est énorme (d’ici 25 ans, ce sont 400 millions d’Africains de plus qu’il faudra nourrir, éduquer, soigner), il n’est pas insurmontable, comme l’ont démontré l’Asie et l’Amérique tropicales au moment du plus fort accroissement démographique de leur histoire. Il n’y a pas de fatalité tropicale, ajoute-t-elle, seulement un immense besoin d’amélioration des conditions de vie.


* Afrique contemporaine (n° 195, juil-sept 2000) édité par La Documentation Française, 29-31 quai Voltaire, 75344 Paris Cedex 07.

Claire Viognier





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