(MFI) La XIIe Conférence internationale sur le sida en Afrique ouvre ses portes le 9 décembre 2001 à Ouagadougou, au Burkina Faso. Pendant cinq jours, les représentants des pays du continent vont dresser le bilan d’une épidémie mondiale dont l’Afrique est la principale victime. Ils vont aussi s’interroger sur les moyens de lutter contre ce fléau qui, à moyen terme, aura des conséquences très importantes sur le plan sanitaire mais aussi social et économique.
« Les communautés s’engagent ». C’est autour de ce thème que sont organisés les débats de la XIIe Conférence internationale sur le sida et les maladies sexuellement transmissibles en Afrique. Ce choix est destiné à rappeler que, dans le contexte africain, l’implication des communautés est un élément fondamental de la lutte contre le fléau. Pour preuve, c’est notamment parce qu’ils ont mis en place des stratégies dans lesquelles la participation des principaux groupes socio-culturels était sollicitée, que le Sénégal et l’Ouganda ont réussi à freiner la propagation du sida et font figure d’exemple sur un continent particulièrement démuni en matière de lutte contre cette maladie.
Au Sénégal, la population a été mobilisée à tous les niveaux clefs : enseignants, soldats, femmes, chefs religieux, organisations non gouvernementales. Résultat, le taux de prévalence chez les adultes s’est maintenu, depuis 1986, entre 1,77 et 1,74 %. Alors qu’ailleurs, il a eu tendance à exploser pour atteindre dans certains Etats des chiffres exorbitants. En Afrique du Sud, le pays le plus touché par le virus, 19,9 % de la population sont contaminés.
En Ouganda, l’implication personnelle du président Yoweri Museveni a joué un rôle fondamental. Il a lancé dès 1986, un programme national de contrôle anti-sida basé sur l’information et la prévention. Toutes les instances administratives, comme les Conseils locaux, ont été appelées à faire passer le message auprès des populations. Le programme a aussi misé sur la bonne volonté des représentants des groupes religieux de toutes confessions, des associations locales, des écoles, des troupes théâtrales… Cette action a permis une augmentation très significative de l’utilisation du préservatif. Certaines enquêtes ont montré que ce moyen de protection était employé dans 58 à 76 % des cas lors de relations avec un partenaire occasionnel. Un chiffre qui indique une forte augmentation. Ces mesures ont aussi permis de faire passer le taux de séropositivité chez les femmes enceintes de 30 % en 1992, à 10 % en 1999.
L’impact économique
La lutte contre le sida est un objectif prioritaire sur le continent. Cette maladie qui a déjà tué 17 millions d’Africains et qui en a contaminé 25 millions, fait peser une lourde hypothèque sur la capacité de développement des Etats. Au-delà du drame humain et de la catastrophe sanitaire que représente le sida, l’épidémie a aussi d’énormes conséquences économiques et sociales. D’ores et déjà, des études ont établi que des pays comme l’Afrique du Sud, le Bostwana, le Zimbabwe, particulièrement touchés par le sida, allaient connaître des taux d’accroissement de la population négatif d’ici quelques années. Le PIB (produit intérieur brut) de l’Afrique du Sud, considérée jusqu’à présent comme la locomotive économique de l’Afrique, pourrait reculer de 17 % avant la fin de la décennie. Celui du Bostwana pourrait chuter de 24 à 38 % d’ici 2021. En général, les estimations de l’Onusida mettent en valeur le fait que dans les pays où le taux de prévalence est supérieur à 20 %, le PIB pourrait être réduit de 2 % par an.
Les couches productives de la population sont partout les premières victimes du sida. On estime que d’ici 2005, la population active devrait, par exemple, chuter de 19,7 % au Zimbabwe, de 12,8 % en Namibie et de 10,8 % en Afrique du Sud. Cette mortalité a de nombreuses conséquences. Elle entraîne une baisse des revenus des ménages, donc de l’épargne, change les modes de consommation, augmente le nombre d’orphelins. Les enfants, sans ressources, ne peuvent plus aller à l’école où les enseignants sont aussi frappés par la maladie. Face à l’afflux de malades, les services de santé ne sont pas capables de faire face. Manque de personnel, manque de moyens, manque de médicaments conjuguent leurs effets. Le sida tue en masse. Et par là même, il met en péril des budgets publics déjà fragiles, en même temps qu’il désorganise les administrations et affaiblit les entreprises privées.
Valérie Gas