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28/03/2002
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Dracunculose : l’éradication sur le fil
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(MFI) En 12 ans, le nombre de personnes infectées par le ver de Guinée (ou filaire de Médine) a baissé de 98 %. L’éradication est à portée de la main mais risque d’être repoussée faute d’un engagement politique et financier suffisant.
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Quelque 60 000 cas ont été notifiés en 2 000 contre un million en 1989. C’est justement cette année-là qu’un groupe de partenaires (OMS, PNUD, Unicef, Centre Carter, ONG, gouvernements et particuliers) a commencé à amplifier ses efforts pour combattre cette maladie invalidante en assurant un accès à de l’eau de boisson saine grâce à la filtration ou au creusement de puits. La dracunculose est, en effet, transmise par ingestion d’eau contaminée. Et comme 90 % des personnes qui vivent dans les zones à risque n’ont le plus souvent accès qu’à de l’eau rare et malsaine, elles s’exposent en permanence à cette affection.
C’est un ver parasite, Dracunculus medinensis appelé en Afrique ver de Guinée ou encore dragonneau, qui est responsable de la maladie. Il est encore présent dans 12 pays africains*. Ce parasite est le plus gros qui puisse se loger dans les tissus humains. Au stade adulte, il peut mesurer jusqu’à 1 mètre de long et 2 mm de diamètre. Il se déplace à l’intérieur du corps pendant une année et lorsque le ver finit par sortir, le plus souvent au niveau des jambes et des pieds, il provoque la formation d’un œdème extrêmement sensible. Quand il perfore la peau, la douleur est intolérable avec une sensation de brûlure intense accompagnée de fièvre, de nausées, de vomissements ; en cas de surinfection, la victime peut être immobilisée plusieurs mois.
Un mètre de long et deux millimètres de diamètre
Pour se soulager, le malade rejoindra un point d’eau pour y immerger son pied douloureux. L’eau fraîche en même temps qu’elle apaise la douleur provoque la contraction du ver femelle qui entraîne l’expulsion de centaine de milliers d’embryons qui vont être ingérés par un minuscule crustacé, le cyclope. C’est ce crustacé infecté à son tour qui perpétue le cycle de contamination du point d’eau qui est souvent le seul dont dispose toute la communauté. La dracunculose réapparaît chaque année dans les villages touchés au cours de la saison des cultures et il n’existe ni remède, ni vaccin pour traiter cette maladie.
Les campagnes d’éradication qui ont fait la preuve de leur efficacité, cherchent d’abord à dépister rapidement les personnes atteintes pour leur faire comprendre les dangers qu’elles font courir à leur communauté si elles plongent les jambes dans les marigots ou rivières. Dans certains pays comme l’Ethiopie ou l’Ouganda, on a instauré une prime pour les malades qui se rendent dans les « maisons du ver de Guinée » afin de se faire soigner rapidement. Le traitement consistant pour l’essentiel à éviter une surinfection au point de sortie et à extraire le ver. Le soulagement de la douleur apporté par les agents de santé, empêche les malades de tremper leurs lésions dans les marigots et interrompt ainsi le cycle de la transmission. La lutte contre les parasites à l’aide d’insecticides atténués, de la filtration de l’eau et de la construction de puits profonds a permis d'éliminer la dracunculose dans de nombreux pays. En Afrique, le Kenya, le Sénégal, le Tchad et le Cameroun sont sur le point de parvenir à l’éradication.
Selon l’Organisation mondiale de la Santé, la victoire contre la dracunculose à l’égal de celle remportée contre la variole, est à portée de main. Mais les conflits armés dans les régions d’endémie comme au sud du Soudan, représentent un énorme obstacle à la réussite des programmes d’éradication. Actuellement, 3 000 des 5 000 villages d’endémie de cette région restent inaccessibles. L’autre difficulté à laquelle se heurtent les intervenants tient justement au fait que les donateurs qui ont jusqu’à présent financé les programmes, se lassent à force de voir reporter le moment de la certification de l’éradication, fixée dorénavant à 2005. Il ne reste que quelques de dizaines de milliers de cas et c’est ce qui a pu inciter des dirigeants à baisser la garde face à la dracunculose au moment où tous les moyens étaient mobilisés contre le sida ou d’autres urgences sanitaires. L’inquiétude, que ne dissimule plus l’OMS, est alimentée par les dernières informations en provenance du Togo et du Mali où la maladie est entrée dans une phase de recrudescence. Le nombre de cas a déjà augmenté de plus de 56 % au Togo entre 2000 et 2001 et de plus de 140 % au Mali pendant la même période.
(*) Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Ethiopie, Ghana, Mali, Mauritanie, Niger, République Centrafricaine, Soudan, Togo, Ouganda.
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Claire Viognier
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