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04/07/2002
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Les médecines traditionnelles en pleine lumière
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(MFI) L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) vient de lancer une « stratégie mondiale » pour évaluer l'innocuité et l'efficacité des médecines dites traditionnelles ou populaires. Il s'agit d'aider les pays à réglementer leur usage de façon à les rendre plus sûres, plus accessibles et viables. Depuis l'an 2000, 25 pays ont mis en place une politique en matière de médecine traditionnelle pour encourager et maintenir une bonne pratique.
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Aujourd'hui en Afrique, 80 % de la population a recours à la médecine traditionnelle mais ces pratiques ne sont pas réservées aux seules populations des pays «en développement». L'engouement pour tous les traitements parallèles est présent partout ; dans les pays industrialisés, on y fait appel essentiellement pour des soins préventifs ou palliatifs. Ainsi en France, 75 % de la population y a eu recours au moins une fois, 70 % au Canada, 48 % en Australie et 42 % aux Etats-Unis. En Allemagne, 77 % des services soignant la douleur proposent l'acupuncture.
Dans les pays les plus pauvres, remarque le Dr Ebrahim Samba, directeur général de l’OMS pour l'Afrique, « les gens ont évidemment le plus grand besoin de traitements bon marché et efficaces pour les maladies transmissibles. L'OMS estime en effet, qu'un tiers de la population mondiale manque encore d'un accès régulier aux médicaments essentiels et que dans les régions les plus pauvres d'Afrique et d'Asie, ce chiffre s'élève à plus de 50 % ». « Pour cette raison, poursuit-il, nous devons agir vite afin d'évaluer l'innocuité des différentes pratiques, leur efficacité et leur qualité. L'objectif est de les standardiser pour ainsi protéger notre héritage et nos connaissances traditionnelles et de les institutionnaliser pour les intégrer dans nos systèmes nationaux de santé comme cela a été fait en Chine, dans les deux Corées et au Vietnam. »
La stratégie de l'OMS prévoit un cadre politique pour aider justement les pays à réglementer les médecines traditionnelles ou parallèles afin de les rendre plus sûres et ainsi éviter leur utilisation à mauvais escient. Car l'usage de plus en plus répandu des ces médecines fort diverses, a conduit les praticiens et les consommateurs à s'interroger notamment sur leur efficacité réelle et sur leur sûreté spécialement après les accidents liés à l'éphédra. Cette plante chinoise est traditionnellement utilisée sur de courtes périodes pour le traitement des congestions de l'appareil respiratoire. Commercialisée aux Etats-Unis comme complément diététique, son utilisation prolongée a provoqué une douzaine de décès ainsi que des attaques cardiaques et cérébrales.
Un marché de 60 milliards de dollars
En Belgique, 70 candidats à l'amincissement ont dû subir des greffes de rein ou des dialyses suite à des atteintes rénales gravissimes après avoir absorbé une autre plante chinoise vendue comme complément alimentaire. «Au niveau mondial, souligne l'OMS, la médecine traditionnelle est à la fois victime de l'enthousiasme sans esprit critique et du scepticisme mal informé. Notre stratégie a pour but de tirer profit de son véritable potentiel pour améliorer la santé et le bien-être tout en minimisant les risques liés à une mauvaise utilisation des remèdes ou à une efficacité qui n'a pas été prouvée.»
Faute de réglementation adaptée, l'OMS redoute aussi que le développement et la commercialisation des traitements traditionnels puisse à la longue menacer l'accès à ces soins en les rendant inabordables pour les populations pour lesquelles ils représentent la principale thérapeutique. Pour cette raison, il est nécessaire d'adopter une politique de protection des connaissances autochtones et traditionnelles.
Environ 25 % des médicaments modernes dérivent de plantes utilisées tout d'abord en médecine traditionnelle. Ainsi, une plante chinoise utilisée depuis près de 2 000 ans, Artemesia annua, dont les substances actives ont permis d'élaborer un traitement très efficace contre le paludisme résistant. Une autre plante, cette fois en Afrique du Sud, le Sutherlandia microphylla, connue comme tonique est actuellement évaluée pour le traitement des personnes vivant avec le virus du sida. Elle pourrait augmenter la vigueur, l'appétit et la masse corporelle de ces malades.
Ce que veut encourager la stratégie OMS, c'est la création de passerelles entre médecines traditionnelles et médecine «moderne». Comme cela se pratique déjà, remarque le Dr Samba, notamment en Afrique où le lien est en train de se renforcer entre les accoucheuses traditionnelles et les partenaires de soins primaires. Aujourd'hui dans le monde, le poids financier des médecines traditionnelles est évalué à 60 milliards de dollars par an et il est en augmentation constante. De quoi mobiliser de nombreux appétits et de quoi justifier l'action entreprise par l'OMS pour garantir la pérennité du meilleur de ces médecines.
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Claire Viognier
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