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25/10/2002
L’excès de fer : une maladie méconnue

(MFI) Littéralement, hémochromatose veut dire « coloration venant du sang ». Il s’agit d’une maladie souvent d’origine génétique qui favorise l’accumulation de fer dans les tissus de l’organisme. Certaines populations africaines qui ont l’habitude de cuisiner et de préparer une bière spéciale dans des récipients en fer en sont atteintes.

Le fer, on le sait, est indispensable à la vie car c’est un élément essentiel pour capter et fixer les atomes d’oxygène de l’air inspiré par les poumons et les transporter vers les cellules qui en ont besoin. Pas assez de fer, c’est l’anémie. Mais trop de fer provoque aussi des dommages : lésions irréversibles du foie, du cœur, du pancréas, des glandes endocrines et des articulations. La thalassémie, une autre maladie de la surcharge en fer, est très répandue en Asie, en Afrique et sur le pourtour méditerranéen, dans les régions où sévit le paludisme, car elle confère une résistance à la maladie.
L’hémochromatose se caractérise par l’apparition vers la quarantaine chez l’homme, plus tard chez la femme à cause des règles, de symptômes plus ou moins marqués. Une intense fatigue physique mais aussi morale, des douleurs articulaires (surtout aux mains) et un foie volumineux sont parmi les signes les plus révélateurs de cette maladie. Mais les malades (heureusement) dépistés sont intarissables sur le parcours du combattant qu’ils ont dû subir avant de savoir enfin de quoi ils souffraient. Encore trop souvent, on les orientera vers des spécialistes susceptibles de prendre en charge leurs supposés dépression, alcoolisme ou rhumatisme ; autant de fausses pistes qui font perdre du temps au malade pendant que les lésions évoluent. Devant un adulte fatigué, trop peu de médecins ont le réflexe de l’orienter vers un examen simple et peu coûteux, le taux de surcharge en fer qu’on obtient en mesurant le coefficient de la saturation de la transferrine. En présence d’un taux anormalement élevé, le diagnostic sera vérifié par un test génétique chez le malade ainsi que dans sa famille pour dépister ceux qui seraient éventuellement atteints ou à risque.

Des saignées régulières

Le fer est apporté par l’alimentation et son absorption est assurée par le duodénum qui en retient généralement 10 %. Dans le cas de l’hémochromatose, le duodénum semble absorber la totalité du fer ingéré sans parvenir à éliminer le surplus. Ce fer va se déposer petit à petit sur certains organes et y causer des lésions, fatales à long terme. Une fois dépistée, l’hémochromatose se soigne très bien, sans médicament. Pour débarrasser l’organisme de son « trop-plein » en fer, on pratique en effet des saignées régulières (souvent hebdomadaires). Quand la maladie est décelée à temps, les saignées font disparaître la plupart des signes cliniques de la maladie et rendent au malade une espérance de vie normale.
Après un certain nombre de saignées, la surcharge en fer diminue puis disparaît. Par la suite, le malade pratiquera ces prélèvements sur un rythme plus espacé pour éliminer le fer. Diminuer les apports en fer alimentaire n’est pas nécessaire, mais le malade veillera à éviter les viandes rouges, les abats et les mollusques. Boire beaucoup de thé est particulièrement recommandé puisqu’on sait que le thé freine grandement l’absorption du fer. De même, il convient de ne pas prendre de vitamine C sous forme de médicament car cette dernière augmente l’absorption du fer. Les boissons alcoolisées seront aussi soigneusement évitées chez ceux dont le foie est déjà fragilisé par des années de surcharge en fer.

Une hormone miracle

La découverte française toute récente de l’hepcidine, une hormone qui joue un rôle essentiel dans le métabolisme du fer chez la souris, constitue une avancée certaine dans la compréhension des affections liées au fer. L’hepcidine serait au fer ce que l’insuline est au sucre et sa mise en évidence devrait relancer les recherches sur les traitements des maladies humaines dues à une insuffisance ou à un excès en fer dans l’organisme. Les travaux qui ont mené à l’isolement de l’hepcidine ont montré qu’en l’absence de cette hormone, les cellules intestinales absorbaient la totalité du fer ingéré pour le transférer sans limite dans la circulation sanguine. A l’inverse, un excès d’hepcidine provoquait chez des souris de laboratoire une anémie gravissime. A terme, les retombées thérapeutiques que pourrait générer la découverte de l’hepcidine portent sur des molécules capables d’inhiber l’hormone ou au contraire de l’imiter. Des centaines de millions de personnes dans le monde, atteintes d’anomalies du métabolisme du fer, sont concernées par ces recherches.

Claire Viognier

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