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30/05/2003
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Des Africains exigent la « tolérance zéro » contre l’excision
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(MFI) Quelque 120 millions de femmes dans le monde sont sexuellement mutilées, violentées, battues, enlevées, brutalisées et forcées au mariage précoce au nom de la tradition. C’est l’Ethiopienne Berhane Ras-Work qui faisait récemment cet effrayant constat lors d’une conférence internationale réunie à Addis-Abeba sur les mutilations génitales féminines (MGF).
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Intitulée « Tolérance zéro contre les MGF », cette conférence a rassemblé des responsables gouvernementaux africains, des représentants des Nations unies, des ONG, des associations de jeunes et de femmes. Chantal Campaoré, Henriette Conté et Stella Obasanjo, les épouses des présidents burkinabé, guinéen et nigérian étaient également présentes.
Deux millions de fillettes sont exposées chaque année à ces mutilations dans 28 pays d’Afrique, mais aussi en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Canada, en Europe et aux Etats-Unis où résident des immigrants africains. « Des pratiques telles que les MGF, les mariages précoces et d’autres traitements dégradants et inhumains ne devraient pas et ne peuvent pas être tolérés de nos jours » a martelé B. Ras-Work en tant que présidente du Comité inter-africain sur les pratiques traditionnelles néfastes affectant la santé des femmes et des enfants (C.I.A.F).
Les mutilations génitales féminines correspondent à l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme. Elles sont pratiquées pour des raisons culturelles, traditionnelles ou tout autre raison non thérapeutique. Traditionnellement l’excision est pratiquée au moment de l’adolescence entre 8 et 12 ans par des femmes « initiées », des exciseuses. Le plus souvent, ces « interventions » sont faites à l’aide d’instruments rudimentaires, sans hygiène et sans anesthésie. Aujourd’hui, on tend à abaisser l’âge auquel on pratique l’excision. Notamment parce qu’on croit à tort qu’entre quelques mois et deux ans, la petite fille ne ressent pas la douleur et ne garde aucun souvenir, mais plus encore pour ne pas risquer plus tard le refus des jeunes filles, surtout de celles qui sont scolarisées. Chez les gens plus riches, on peut aussi avoir recours à du personnel qualifié dans une clinique ou un hôpital : même médicalisées, rappelle l’OMS, les mutilations sexuelles féminines restent préjudiciables sur le plan physique et psychologique et constituent aussi une violation des droits de l’homme.
La religion est souvent utilisée à mauvais escient et par convenance pour justifier cette pratique, estime le C.I.A.F qui cite le rapport d’une réunion de dirigeants religieux tenue en Gambie en 1998. Dans ce document, les dignitaires religieux affirment que « ni l’Islam ni le Christianisme ne permettent la destruction de tout organe humain en bonne santé. Les mutilations génitales féminines sont une forme brutale de violence dont l’existence précède le christianisme et l’islam. Aucune de ce ces deux religions n’autorise l’ablation d’un organe humain en bonne santé. Les principes religieux ont été détournés et utilisés par intérêt égoïste pour mutiler les femmes ».
Plusieurs Etats africains interdisent les mutilations sexuelles féminines. Des parents, des exciseuses et même de simples participants aux cérémonies ont été condamnés et emprisonnés. Des femmes, sous l’égide du C.I.A.F, agissent sur le terrain en rencontrant les mères soit pour les soutenir dans leur décision ne pas mutiler leur fille ou pour les convaincre du danger de ces pratiques pour la fillette et du risque de sanctions pénales pour les deux parents et l’exciseuse. Pour Berhane Ras-Work, « il faut absolument mettre fin à cette tragédie silencieuse qui a pu se perpétuer via l’ignorance, les superstitions, le statut traditionnellement peu élevé accordé aux femmes dans les sociétés africaines ainsi que l’extraordinaire capacité des femmes à souffrir en silence ».
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Claire Viognier
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