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12/06/2003
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Les blessures invisibles des guerres
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(MFI) Une fois enterrés les morts et pansées les plaies, restent les traumatismes psychiques. Ces blessures invisibles exigent autant de soins que celles qui marquent la chair. Intégrée très récemment et encore trop rarement à l’aide humanitaire, la notion de soutien psychologique cherche encore sa place quand il faut agir vite dans un contexte de catastrophes naturelles, de conflits ou de terrorisme.
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Pour le Pr Louis Crocq (*), psychiatre et spécialiste des névroses de guerre, le psychotraumatisme se définit comme un « évènement violent et brutal faisant irruption dans la vie d’un individu. La victime est complètement débordée face à l’évènement, ses défenses psychologiques sont anéanties ». Pour les rescapés, les symptômes post-traumatiques se décomposent en trois étapes : la réaction immédiate, le temps de latence et les réactions tardives qui constituent le syndrome post-traumatique proprement dit. Contrairement à ce qui été beaucoup dit et écrit, les suites d’un traumatisme ne sont pas proportionnelles à des états de fragilité antérieurs. Autrement dit, le choc reçu crée véritablement une blessure et ne fait pas que révéler une faiblesse mentale sous-jacente. Il n’y a pas dans ce domaine de forts, ni de faibles ; il n’y a que des individus plus ou moins traumatisés.
Les évènements violents qui frappent les populations dans le monde ont des effets dévastateurs sur la santé mentale des victimes dont la plupart, relève l’OMS (**), vivent dans des pays en développement. Justement ceux qui manquent cruellement de moyens pour faire face à ces problèmes. Le diagnostic le plus fréquent est celui de l’état de stress post-traumatique qui s’accompagne souvent de troubles dépressifs ou anxieux. La plupart des personnes signalent en outre des symptômes psychologiques. Le syndrome post-traumatique se caractérise par des souvenirs envahissants, l’évitement de situations en rapport avec la cause du traumatisme, des troubles du sommeil, l’irritabilité, la colère, le manque de concentration, l’hypervigilance. Les adultes bien évidemment sont frappés par ces suites douloureuses mais les enfants n’y échappent pas non plus, même si leur souffrance s’exprime différemment.
Ne pas minimiser le traumatisme
Chez l’enfant, le rôle des parents est crucial. Ceux-ci tenteront de servir de filtre entre l’évènement et leur enfant mais parfois, cela est impossible. L’enfant traumatisé selon son âge pourra marquer sa souffrance en régressant, en se repliant sur lui-même, en ne jouant plus... Les manifestations psychosomatiques sont également très fréquentes chez les enfants avec la survenue de bronchites, d’eczémas, douleurs migraineuses et abdominales. Selon les observations réalisées par des psychiatres, les performances scolaires redeviennent le plus souvent normales quelques mois seulement après le traumatisme à la différence des adultes, qui sont fréquemment très gênés dans leur vie professionnelle pendant des années.
Par contre, relèvent les Nations unies, les cas les plus extrêmes comme ceux des réfugiés qui ont été victimes de tortures ou qui ont assisté ou participé de force à des exactions (enfants-soldats) subiront des répercussions à long terme sur leur santé mentale. La prise en charge de ces traumatismes devrait être le fait de professionnels aguerris, mais c’est bien loin d’être toujours le cas.
Les spécialistes donnent cependant quelques indications qui peuvent aider les victimes et leur entourage à réagir après un évènement traumatique. Avant tout, il ne faut pas rester seul ; même si c’est douloureux, il vaut mieux parler de ce que l’on ressent après le choc sans cependant répéter à l’infini les circonstances du drame, ce qui ne peut qu’enraciner le trauma. Quand plusieurs personnes ont vécu le même choc, les rencontres en groupe peuvent être bénéfiques. Si après quelques jours, les symptômes ressentis tout de suite après le choc ne diminuent pas, il faut consulter un médecin. Pour les proches, il faut savoir que toutes les réactions après un traumatisme sont normales; ce qui ne l’est pas, c’est le traumatisme. N’essayez pas de minimiser les faits. Ne comparez les réactions d’autres personnes qui semblent avoir repris une vie normale ; chacun est unique face à sa souffrance et cela ne peut que renforcer le sentiment d’incompréhension. Il faut amener la victime à consulter un médecin si la fréquence et l’intensité de ses réactions ne s’estompent pas après quelques semaines.
(*) Les traumatismes psychiques de guerre, Louis Crocq, Ed. Odile Jacob.
(**) Rapport sur la santé dans le monde (2001).
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Claire Viognier
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