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Paléoanthropologie

Il était une fois Homo Floresiensis

par Dominique Raizon

Article publié le 08/02/2007 Dernière mise à jour le 08/02/2007 à 12:13 TU

Le «portrait-robot», selon un artiste australien, de l'homme de Flores dont le crâne fut découvert en septembre 2003 en Indonésie.(Photo : AFP)

Le «portrait-robot», selon un artiste australien, de l'homme de Flores dont le crâne fut découvert en septembre 2003 en Indonésie.
(Photo : AFP)

L’image tridimensionnelle virtuelle du cerveau d’un hominidé, découvert en Indonésie en 2003, renforce la thèse controversée de l’existence d’une espèce humaine différente, contemporaine d'Homo sapiens, différente et inconnue jusqu’alors. Ce sont les résultats d’une étude datée du 29 janvier 2007, parue dans l’édition des annales de l’Académie américaine des sciences (PNAS). Le squelette d’Homo floresiensis, qui doit son nom de baptême à l’île de Florès sur laquelle ont été menées les fouilles, présente toutes les caractéristiques humaines, en modèle réduit, ce qui lui valut très vite le surnom de hobbit (*), en référence aux créatures imaginaires de l’écrivain britannique J.R.R.Tolkien. Les analyses permettent de dater l’existence d’Homo floresiensis entre 95 000 et 12 000 ans avant Jésus-Christ.

La neuro-paléontologue Dean Falk et les membres de son équipe de l’université de l’Etat de Floride (sud-est) sont formels : si le crâne de l’Homo floresiensis exhumé en 2003 dans la grotte de Liang Bua, dans l’est de l’archipel indonésien, n’est guère plus gros qu’un pamplemousse (soit environ 380 cm3), le cerveau de l’hominidé présentait néanmoins «toutes les caractéristiques structurelles cérébrales d’un cerveau humain normal». Pour parvenir à ces conclusions, les scientifiques ont comparé les images virtuelles de l’intérieur du crâne de l’Homo floresiensis avec celles de différentes boîtes crâniennes humaines.

L’étude assistée par ordinateur a permis de définir la forme du cerveau ainsi que la position des lobes frontaux d’Homo floresiensis. Elle a révélé que son cerveau était aussi développé que celui d’Homo sapiens, ce qui renforce la thèse de «l’existence d’une espèce humaine différente de l’homme moderne», soulignent les chercheurs.

Dominique Grimaud-Hervé

Paléoanthropologue

« L'homme de Flores n'est pas notre ancêtre. C'est pourquoi on ne parle plus lignée mais de buisson évolutif. »

D’après son ossature, Homo floresiensis pesait entre seize et vingt-huit kilos et ne mesurait guère plus d’un mètre à l’âge adulte (30ans). Les fossiles de ses congénères trouvés en 2004 présentent les mêmes caractéristiques : un petit crâne et de longs bras –peut-être pour vivre dans les arbres et se protéger ainsi des prédateurs.

Dès 2003, les découvreurs plaident pour son assignation au genre Homo

L’histoire remonte à septembre 2003, lorsqu’une équipe de paléontologues indonésiens et australiens (1) met au jour les ossements d’un humanoïde de très petite taille. La position du trou occipital à la base du crâne -auquel se rattache la colonne vertébrale- ainsi que la dentition fine, attestent avec certitude qu’il s’agit là d’un bipède et non pas d’un australopithèque (pré-humain), comme Lucy. L’âge des ossements, trouvés dans les couches sédimentaires de la grotte, est estimé à 18 000 ans avant Jésus-Christ. La découverte divise aussitôt la communauté scientifique qui admettait, jusque-là, qu’après l’extinction de l’homme de Néandertal (-30 000 ans av. J.-C), seul Homo sapiens avait subsisté.

Dès 2003, les découvreurs admettent alors être en présence d’une autre branche de l’espèce humaine, inconnue jusqu’alors et contemporaine d’Homo sapiens. Peter Brown et son équipe plaident pour son assignation au genre Homo car, soulignent-ils, le spécimen «combine une mosaïque de traits primitifs, uniques, et dérivés qu’on ne rencontre chez aucun autre hominidé, mais ses proportions dentaires et faciale, son anatomie post-crânienne cohérente avec une bipédie obligatoire de type humaine et son appareil masticateur similaire» permettent de l’assimiler aux humains modernes. D’autres scientifiques, sceptiques,  soulignent qu’aucun hominidé ne dispose d’un cerveau aussi réduit et penchent pour la thèse d’un groupe d’individus Homo sapiens qui auraient été atteints de microcéphalie, une maladie virale qui provoque l’arrêt du développement du cerveau. Mais, en septembre 2004, la découverte et l’étude de neuf autres spécimens similaires confirment l’existence du même type d’hominidé ayant vécu entre 95 000 et 12 000 ans avant Jésus-Christ.

Une découverte qui met en question la linéarité de l’évolution humaine

Pour les anthropologues, il va falloir désormais résoudre plusieurs énigmes. Si les trois espèces humaines différentes -Homo sapiens, Homo neanderthalensis et Homo floresiensis- ont peuplé la terre au même moment, cela remet en question la linéarité de l’évolution humaine. Par ailleurs, si l’étude du squelette d’Homo floresiensis évoque clairement une descendance d’Homo erectus -notre ancêtre vivant il y a 800 000 ans en Asie- pourquoi cet Homo erectus indonésien ne s’est-il pas davantage développé morphologiquement ? Pour Peter Brown, les caractères particuliers d’Homo floresiensis montrent, quoiqu’il en soit, «que le genre‘homo’ est morphologiquement plus varié et flexible dans ses réponses adaptatives que l’on ne pensait jusqu’à présent».

Si Homo floresiensis est petit, le doit-il à son environnement insulaire ? Peut-être, pensent les auteurs de la découverte, pour lesquels «l’explication la plus vraisemblable (…) réside dans l’isolement à long terme d’une population ancestrale d’Homo erectus qui a finalement conduit au nanisme». Cependant, le «nanisme insulaire», qui s’explique comme une réponse génétique au manque de ressources sur l’île et fréquemment observé dans le monde animal, ne l’a jamais été concernant l’homme. Quant à savoir comment cet Homo erectus est parvenu à s’établir dans l’archipel indonésien, la question reste entière. Est-il venu du continent ? A-t-il  traversé la mer séparant Java des îles situées plus à l’est, à bord d’embarcations? Un exploit que seul l’homme moderne Homo sapiens, semblait jusqu’à présent pouvoir accomplir.

Relancer les fouilles à partir de données ethnologiques

Plusieurs éléments montrent qu’Homo floresiensis était capable de concevoir des outils, qu’il chassait, et qu’il maîtrisait aussi l’usage du feu. Outre des ossements d’animaux, notamment de dragons de Komodo, sorte de gros lézards, et d’éléphants pygmées aujourd’hui disparus, l’étude archéologique du site a également révélé la présence de nombreux outils en silex noir et en roches volcaniques. Certains se demandent s’ils n’ont pas été fabriqués par des Homo sapiens. Pour Pascal Picq, paléoanthropologue au Collège de France, cette découverte est «fantastique» car elle prouve qu' «une nouvelle espèce appartenant au genre humain a bien récemment coexisté avec la nôtre. C’est une preuve -une de plus- que l’arbre généalogique de l’espèce humaine est beaucoup plus complexe et plus buissonnant que prévu», explique-il. Il n'y aurait donc pas une lignée évolutive de l'espèce humaine mais bien un buisson évolutif, avec de multiples branches qui se sont éteintes au gré des années. 

Fait étonnant que pointe la revue Sciences et Avenir du mois de février 2007, les habitants de Florès se transmettent de génération en génération des légendes très détaillées, qui évoquent l’existence de petits êtres, qui ne sont pas des animaux et qu’ils appellent les EbuGogo («Ancêtre qui mange n’importe quoi»). Ce sont des humanoïdes aux longs cheveux, qui ne mesurent pas plus d’1 mètre de haut, qui communiquent entre eux et qui sont capables de répéter, comme des perroquets, les mots qu’ils entendent. Ils viennent cueillir les fruits dans les jardins puis repartent dans la montagne, sur les flancs du volcan, où ils vivent. Aujourd’hui, le paléontologue Gert Van Den Bergh, de l’université de Leiden (Pays-Bas) est suffisamment intrigué par ces récits pour collaborer avec les ethnologues et relancer les fouilles … à la recherche de la grotte des EbuGogo.

- Les hobbits (*) sont des créatures de petite taille(mesurant de 0,60 m à 1,20 mètre), nées dans l’imagination de l’écrivain britannique J.R.R. Tolkien, qui fit de certains d'eux les héros de sa trilogie du Seigneur des anneaux. Accueillants, ils se dissimulent souvent aux étrangers.

- (1) L’équipe était composée de Mike Monwood et Peter Brown de l’université d’Adélaïde en Australie et de H.Truman et P.Sudianto, du Centre indonésien d’archéologie.

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