par Dominique Raizon
Article publié le 29/03/2007 Dernière mise à jour le 29/03/2007 à 19:14 TU
L'’iboga et un de ses composants, l’ibogaïne, sont inscrits depuis cette année dans la classe des stupéfiants. Cette plante hallucinogène, utilisée au cours des rites initiatiques et religieux en Afrique centrale, est utilisée, en France, «dans le cadre d’activités sectaires, au travers de séminaires de ‘revalorisation de soi’ et de ‘voyage intérieur’», a signalé l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (l’Afssaps), à la suite d’une enquête concernant le décès d’un jeune homme ayant consommé une infusion de cette plante, en 2005.
Utilisée depuis 5 000 ans par les pygmées pour ses vertus médicinales, l’iboga est un arbuste qui pousse dans les forêts équatoriales de l’Afrique centrale, en particulier au Cameroun, au Congo et au Gabon. Ses racines contiennent une douzaine d’alcaloïdes, dont l’ibogaïne, une substance proche de celles présentes dans différentes espèces de champignons hallucinogènes. Si la plante (et plusieurs de ses dérivés) présente des propriétés de psychostimulant à faibles doses, «à doses plus élevées, elle est responsable d’hallucinations auditives et visuelles, parfois très anxiogènes et pouvant conduire à l’acte suicidaire», indique l’Afssaps. Sa consommation a provoqué une dizaine de décès dans le monde, dont un dans l’Hexagone.
Etymologiquement, iboga est dérivé d’un verbe qui signifie «soigner». Cette plante est désignée, en Afrique, comme «bois sacré» : c’est ainsi que sont désignées les plantes initiatiques, celles dont les propriétés thérapeutiques et le pouvoir visionnaire permettent de faire le lien avec le sacré et la connaissance. Classée par les autorités gabonaises au patrimoine national, en l’an 2 000, l’iboga y est utilisée au cours de séances spirituelles appelées bwiti, des cérémonies introspectives, codifiées et ritualisées, conduites sous la houlette d’un guide spirituel, un chaman appelé nganga.
«Quand une personne délire, le nganga peut lui donner un antidote»
Dans le quotidien Le Monde du 27 février dernier, le déroulement de la séance est ainsi décrit : «Assis sur des nattes au milieu de plantes, de reliques, de graines et de plumes de perroquet, les adeptes de l’iboga consomment la racine sur un air d’arc-en-bouche, instrument sacré millénaire, et de harpe à huit cordes sculptée en forme de femme. Pendant leur voyage, certains pleurent, crient ou ont mal au plexus, explique Bertine Djomo [compagne de Mallendi, le nganga qui officiait au château ardéchois, où est décédé Jerry]. Moi, je rigolais tout le temps. Quand une personne délire, le nganga peut lui donner un antidote. C’est lui qui maîtrise les doses». Les doses ont-elles mal été estimées ou Jerry a-t-il succombé à un cocktail explosif d’alcool et d’iboga ? La justice française a ouvert une information judiciaire pour «homicide involontaire».
Agissant sur la sérotonine, une substance qui joue un rôle physiologique important dans la régulation du système nerveux central, l’ibogaïne agirait sur la confiance en soi et le bien-être général. Isolée en France au début du siècle dernier, l’ibogaïne est entrée, à très faible dose, dans la composition de médicaments antiasthéniques, et commercialisée dans les années 1940 (jusqu’à son interruption en 1970) sous le nom de lambarène, un médicament utilisé dans le traitement de la dépression. Dans les années 1990, l’ibogaïne aurait été «au centre d’un projet d’études cliniques de l'Institut national américain de recherches sur les drogues (Nida), pour rentrer dans la composition de traitements contre les narco-dépendances.Alors faut-il considérer que l’iboga est avant tout apaisante, toxique ou mortelle ? Inquiète des dérives sectaires et du développement de stages de «mieux être» utilisant cette plante, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a demandé à l’Assaps d’ouvrir une enquête, après le décès du jeune Alsacien (est). L’Assaps est arrivée aux conclusions, qu’actuellement, «aucun intérêt thérapeutique n’est démontré ni pour l’iboga ni pour l’ibogaïne, bien que celui-ci ait été évoqué et étudié notamment dans le traitement de la dépendance aux opiacés, à la cocaïne et à l’alcool».