par Dominique Raizon
Article publié le 10/09/2007 Dernière mise à jour le 22/02/2008 à 17:00 TU
Une abeille domestique européenne (Apis mellifera) prenant sa ration de nectar sur une fleur.
(Photo : John Severns) Creative Commons Attribution
Les abeilles sont d’indispensables insectes pollinisateurs des fleurs, et constituent un maillon essentiel de la chaîne dans l’équilibre des écosystèmes. Pourtant, leur population décline de manière massive dans certains états américains et certaines régions en Europe, où un symptôme récurrent est observé : les ouvrières chargées de collecter le nectar et le pollen ne retournent pas à la ruche, tandis qu'y demeure un couvain (amas d'oeufs et de larves) sain.
Les chercheurs évaluent que certaines colonies ont ainsi disparu dans des proportions allant de 50% à 90%, un phénomène que les scientifiques désignent comme un « effondrement des colonies ». La disparition des abeilles domestiques est d’autant plus alarmante qu’elle présente des implications économiques : ces butineuses assurent la pollinisation de plus de 90 variétés de fruits et légumes -dont les récoltes représentent une valeur de 15 milliards de dollars par an aux Etats-Unis.
Qu'est-ce-qui fait mourir les abeilles ? Dès 2004, un chercheur israélien identifiait un virus, baptisé alors israeli acute paralysis virus (« virus de la paralysie aiguë israélienne », ou IAPV), soupçonné de les décimer. Le phénomène étant si mystérieux et préoccupant, des experts se sont alors mobilisés dans plus d’une dizaine de laboratoires de recherche aux Etats Unis en Europe ou en Chine et leurs études. Au terme de ces études comparatives, ils ont admis que l’hécatombe des abeilles serait bien liée à une variante de ce virus IAPV, « seul micro-organisme présent dans quasiment tous les échantillons provenant des ruches affectées », selon les déclarations de Diana Cox-Foster, entomologiste à l'Université de Pennsylvanie (côte est) et principale auteur de l'étude.
Pour réaliser leur étude, les chercheurs ont, en premier lieu, répertorié tous les micro-organismes présents chez les insectes malades. Puis ils ont réalisé des études comparatives en étudiant des abeilles vivant dans des ruches saines, et celles frappées par le fléau, procédant ensuite à des techniques de séquençages génétiques des micro-organismes peuplant les intestins de ces hyménoptères. Les échantillons ont été prélevés dans l'ensemble des Etats-Unis au cours d'une période de trois ans.
Directeur de recherche à l'INRA « Ce virus détecté chez les abeilles se transmet entre elles par frottements et semble avoir muté. »Yves Le Conte
Que le virus soit partiellement responsable de l’hécatombe est chose démontrée. Toutefois, d'après les chercheurs, il est peu probable que cette cause soit unique. En effet, les analyses d’abeilles d’élevage, importées d’Australie depuis 2004, ont en effet montré que bien qu’infectées par le virus IAPV, leurs ruches ne développaient pas ce syndrome d’« effondrement des colonies » appelé, en anglais colony collapse disorder ou CCD. Faut-il en conclure que les abeilles australiennes sauraient mieux résister au virus et pourquoi ?
« Sans doute faut-il se pencher sur d'autres facteurs tels que microbes, toxines, insecticides ou nutrition appauvrie par la sécheresse », a expliqué en substance Ian Lipkin, directeur du Centre pour l’infection et l’immunologie de l’Université (New York, côte est) car, de fait, les chercheurs ont trouvé un nombre impressionnant de microbes et autres bactéries dans les populations d’abeilles domestiques étudiées.
Spécialiste dans la biologie et la protection de l'abeille à l'INRA.
« Les abeilles sont victimes de plusieurs sortes de pathogènes. »
Et puis les abeilles sont aussi la cible de prédateurs comme, par exemple, en France, le frelon d'Asie, une espèce invasive qui attaque les essaims et décime les populations d'beilles. Mais ces dernières savent parfois se défendre : les abeilles australiennes survivent au virus IAPV ; des abeilles françaises au contact du varoua, pathogène redouté, sont encore saines; et des abeilles domestiques de Chypre, attaquées par le frelon oriental, ont montré qu'elles savaient résister à leur redoutable prédateur.
Des chercheurs français viennent, en effet, de découvrir un nouveau comportement de défense collectif, très rare dans le monde animal, chez ces colonies d'abeilles domestiques. Ces dernières réussissent à étouffer l’un de leur plus terrible prédateur : le frelon oriental, lointain cousin du frelon asiatique. Le point sur cette stratégie efficace des abeilles chypriotes avec Serge Arnold, le chercheur au CNRS qui a découvert ce comportement inédit, interrogé par Caroline Lachowsky.
Pour en savoir plus :
Institut national de recherche agronomique INRA : http://www.inra.fr/
Institut de recherche et développement IRD : http://www.ird.fr/
Office pour insectes et l’environnement OPIE : http://www.inra.fr/opie-insectes/
site de la nasa: http://earthobservatory.nasa.gov/Study/Bees/
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