par Dominique Raizon
Article publié le 29/04/2007 Dernière mise à jour le 29/04/2007 à 18:18 TU
L'abeille est un partenaire essentiel et précieux dans l’équilibre des écosystèmes et la gestion durable de la biodiversité
(Photo : AFP)
Confiées à un apiculteur de la région, chargé de l’entretien et de l’exploitation du rucher, dix ruches, contenant chacune 40 000 à 50 000 abeilles, ont été alignées dans l’herbe en bout de piste de l’aéroport de Lyon, à l’abri du vent du nord, pour tester la qualité de l’air. Les habitacles des insectes cobayes ont été équipés de trappes à pollen pour prélever cette substance sur chacune d’entre elles. Il s’agit de sortes de peignes chargés de brosser les pattes des butineuses lors de leur passage dans la ruche. Les insectes visitant des milieux variés au cours de leur butinage, elles sont susceptibles d’entrer en contact avec des polluants et le dispositif permettra d’identifier les polluants industriels qui contaminent les insectes tels que, par exemple, plomb, zinc, et hydrocarbures. Le dispositif permettra également de «mieux appréhender les phénomènes de bio-accumulation à l’intérieur d’une ruche (…), d’étudier de manière plus approfondie le comportement de certaines molécules contaminées», selon le site de la Direction des études économiques et de l’évaluation environnementale.
Les abeilles pollinisent de nombreuses plantes cultivées ou sauvages, c’est-à-dire qu’elles participent à l'échange de pollen entre deux fleurs différentes : le pollen, dit simplement, est l'élément mâle de la plante qui réuni avec le l'élément femelle de la fleur (l'ovule) fécondera celle ci pour donner le fruit ou la graine. Or, à elle seule, l’abeille pollinise plus de 80% des espèces végétales dans le monde. En cela, elle est donc un partenaire essentiel et précieux dans l’équilibre des écosystèmes et la gestion durable de la biodiversité.
Mais, extrêmement vulnérable et sensible aux traitements phytosanitaires, l’abeille est également un «fusible» très exposé aux diverses sources de pollutions (pesticides et insecticides, etc). Les colonies d’abeilles ont brutalement décliné entre 1994 et 2004 d’après les experts. Aussi, fin 2005, l’Union nationale des apiculteurs de France (Unaf) a lancé l’action L’abeille, sentinelle de l’environnement, un programme national -et bientôt européen- pour sensibiliser les collectivités territoriales, les entreprises et le grand public à sa survie ainsi qu’à la sauvegarde de la biodiversité végétale.
Le dispositif mis en place à l’aéroport de Lyon Saint-Eupéry, après avoir obtenu le feu vert de l’Aviation civile, a donc pour objectif de surveiller l’état de l’environnement et son évolution et, plus précisément, d’évaluer la pollution atmosphérique afin de protéger une espèce déjà victime de prédateur tel que le frelon d’Asie, de parasites, et de raréfaction des plantes mellifères c’est-à-dire celles dont elle utilise le nectar pour fabriquer le miel. Le Comité de coordination et de contrôle de la pollution atmosphérique de la région lyonnaise (Coparly) et l’Association de développement de l’apiculture en Rhône-Alpes (Adara) ont réalisé ensemble l’étude de faisabilité de cette installation pour déterminer tout à la fois la taille du rucher, les choix des traceurs et le protocole de mesure.
Quelque trois cents vols quotidiens
«Il s’agira d’analyser le miel et le pollen en y recherchant des traces d’hydrocarbure (…) et de métaux lourds», a indiqué Lionel Lassagne, directeur du développement durable de l’aéroport de Lyon. Les produits de la ruche seront prélevés tous les trimestres par l’apiculteur et adressés trois fois par an, sauf en hiver –époque pendant laquelle les abeilles sont au repos-, à la Coparly. Ce Comité dispose, depuis 2004, d’un capteur fixe en bout de piste d’atterrissage pour analyser la qualité de l’air et pour contrôler la qualité des champs de blé, d’orge et de colza situés autour de l’aéroport, soumis aux dépôts de polluants des quelque trois cents vols quotidiens. Grâce à cette étude, les abeilles «nous permettront de connaître l’impact des activités de l’aéroport sur son environnement», explique Lionel Lassagne.
En effet, l’analyse du miel et du pollen permettra de répertorier l’ensemble des plantes environnantes butinées dans un rayon de deux kilomètres et de suivre ainsi l’évolution de la flore année après année. Au nord de l’aéroport : fleurs champêtres, cosmos et lin rouge. Joignant l’esthétique à utile, l’aéroport s’apprête, pour favoriser la biodiversité, à semer plus de cinq hectares de jachère fleurie qui apporteront un complément nutritif aux abeilles.
Le quotidien Les échos rappelle toutefois que si l’installation mise en place à l’aéroport est une première européenne, l’utilisation des abeilles comme bio-indicateurs n’est pas totalement nouvelle. Ainsi, toujours dans la commune urbaine de Lyon Villeurbanne, en bordure d’autoroute A7, «à Feyzin, le pétrolier Total y a recours pour tester la qualité de l’air autour de sa raffinerie. [Et] en Italie, l’Institut national d’apiculture les [abeilles] a appelées en renfort pour dresser les cartes de pollution de l’environnement», précise le journal.
Pour en savoir plus :
http://www2.unil.ch/lpc/docs/pdf/diplome.PDF
Développement d’un système biologique de surveillance de la pollution atmosphérique: études sur des populations d’Arabidopsis thaliana sous conditions contrôlées.