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Climatologie/ Paléoenvironnement

Il était une fois le Sahara ... vert et habité

par Dominique Raizon (avec AFP)

Article publié le 14/05/2008 Dernière mise à jour le 15/05/2008 à 18:07 TU

Aujourd'hui, le Sahara recouvre une superficie comparable à celle des Etats-Unis. Il serait devenu le plus grand désert chaud de la planète il y a quelque 2 700 ans, non pas de manière abrupte comme l’avançait une théorie en 2 000 mais à la suite d’un très lent changement climatique, selon des travaux publiés dans la revue américaine Science datée du 9 mai. Il y a six mille ans, le Sahara était très vert, couvert d'arbres, de savanes et comptait de nombreux lacs. Cette vaste région, plus grande que l'Australie, était aussi habitée, précisent les auteurs de l’étude.

Pied de dune.© P.Duringer - MPFT/CNRS-ULPS

Pied de dune.
© P.Duringer - MPFT/CNRS-ULPS

La plus grande partie des indices physiques témoignant de l'évolution de la géographie du Sahara ont été perdus. Mais en étudiant les couches de sédiments prélevés au fond de l'un des plus grands lacs sahariens restant, le lac Yoa, situé à Ounianga Kebir à quelque 1000 kilomètres au nord-est de N'Djaména, la capitale tchadienne, cette équipe européenne, canadienne et américaine de scientifiques a pu reconstituer l'histoire de la région au cours des 6 000 dernières années.

Les chercheurs ont effectué des tests géochimiques et examiné les indicateurs biologiques comme les pollens provenant des arbres et plantes qui se trouvaient tout autour avant que le désert ne s'installe, les spores et les micro-organismes aquatiques retrouvés dans les sédiments du lac.

« Les résultats de ces travaux vont à l'encontre de la théorie selon laquelle le Sahara est devenu un désert il y a environ 5 500 ans et ce en quelques siècles, marquant la fin de la période humide africaine, quand des pluies saisonnières comme des moussons s'abattaient régulièrement sur la région », explique Stefan Kröpelin, un géologue de l'Institut d'archéologie préhistorique de l'Université de Cologne en Allemagne et principal auteur de l'étude.

En 2 000, des données justes mais « mal interprétées »

Litages.© P.Duringer - MPFT/CNRS-ULPS

Litages.
© P.Duringer - MPFT/CNRS-ULPS

Les chercheurs sont arrivés aux conclusions d’un assèchement progressif du climat, dû à une évolution des pluies de mousson, elle-même due à un bouleversement dans l'activité du Soleil, qui aurait provoqué l'arrivée d'une grande quantité de poussière de sable dans le Sahara il y a un peu plus de quatre mille ans.

En 2 000, une analyse de carottes de sédiments, obtenues grâce à des forages effectués au large des côtes à l'ouest de la Mauritanie, révélait « une augmentation soudaine de la poussière transportée par les vents soufflant vers l'extérieur de l'Afrique saharienne », explique Peter de Menocal, Professeur au département des sciences de la Terre et de l’environnement à Columbia University (New York, est). « Les données recueillies dans le lac Yoa montrent, au contraire, que la transition climatique a été graduelle », poursuit Stefan Kröpelin. « L'abondante végétation tropicale initiale s'est progressivement réduite avant la disparition de l'herbe qui recouvrait le sol, jusqu’à finalement l'installation du désert », ajoute-t-il.

Le Sahara tend actuellement à reverdir …

Le géologue allemand ne conteste pas les données de Peter de Menocal, en 2 000, mais il estime qu'elles sont mal interprétées. En fait, « le lac Yoa, profond de 24 mètres, continue à être alimenté en eau par les réservoirs aquifères souterrains remplis durant la période humide du Sahara qui a commencé il y a près de 15 000 ans. Cette alimentation suffit à remplacer les six mètres d'eau perdus chaque année avec l'évaporation », expliquent ces chercheurs précisant que les précipitations annuelles ne dépassent pas quelques millimètres.

« La désertification du Sahara a eu pour conséquence de chasser les populations du sud de l'Afrique du nord et pourrait avoir conduit à l'avènement de la civilisation égyptienne des Pharaons », estiment ces scientifiques. Aujourd'hui, certains signes laissent augurer d'un très léger revirement de situation, vers un retour de la végétation en certains points du Sahara, semble-t-il à cause du réchauffement du climat de la planète, d'après l'auteur principal du rapport sur l'histoire des déserts, que publie la revue américaine.

« Aujourd'hui, je pense que la même chose est en cours, un réchauffement planétaire », déclare Kropelin, je note une tendance manifeste à un nouveau verdoiement du Sahara, tendance très lente », ajoute-t-il, en s'appuyant sur des visites effectuées dans certaines des zones les plus reculées, les moins peuplées du désert, lors de ces 20 dernières années : « Dans des zones non peuplées, où vous savez qu'il n'y avait que du sable et rien d'autre, pas un seul serpent, pas un scorpion, aujourd'hui, sur des dizaines de kilomètres, vous voyez de l'herbe », assure-t-il.

Pour en savoir plus :

Consulter le site de l'Institut national de recherche scientifique de l'Université du Québec (l'INRS).