par Dominique Raizon
Article publié le 15/06/2007 Dernière mise à jour le 15/06/2007 à 18:13 TU
Plus d'1,2 milliard d’hommes sont concernés de près par la désertification. Une cause négligée, alors que le phénomène touche presque un tiers des terres émergées et tous les continents. L'importance du phénomène et ses conséquences sociales sont revenues au coeur du débat, le 17 Juin 2007, à l'occasion de la journée mondiale de lutte contre la désertification, décrétée par l'Organisation des Nations-unies. Pourtant, selon Marc Bied-Charreton, ingénieur agronome et président du Comité scientifique français sur la désertification, le phénomène n'est nullement irréversible. Selon le scientifique, il faudrait une «mobilisation [des Etats] plus ambitieuse».
Au second plan un massif de palmiers dattiers qui permet de former un rempart pour lutter contre l'avancée du désert et qui peut aussi servir à remettre en valeur des terres arides.
(Photo : IRD/ www.ird.fr/indigo)
Depuis l'entrée en vigueur de la Convention des Nations-unies sur la désertification, en 1996, le 17 juin est l'occasion d'attirer l'attention sur un phénomène qui affecte plus de 1,2 milliard d'humains, en Chine, en Inde et au Pakistan, en Asie centrale, au Moyen-Orient et dans une majeure partie de l'Afrique ainsi qu'en Amérique du Sud (Argentine, Chili, Brésil), selon l'Onu. En 2000, 70 % des terres arides étaient touchées, soit 3,6 milliards d'hectares, répartis dans une centaine de pays accueillant les deux tiers des populations les plus pauvres du monde.
Climatologue, chercheur au CNRS
«Si une ressource naturelle ne peut plus évoluer dans un climat modifié, l'activité économique qui lui est lié cesse.»
«Le phénomène n’est pas une fatalité, mais nécessite une mobilisation plus ambitieuse», selon Marc Bied-Charreton, ingénieur agronome et président du Comité français de lutte contre la désertification (CSFD). Selon le scientifique, à peu près 40% des surfaces de notre planète sont atteintes par la désertification que les scientifiques définissent comme «une dégradation des terres et des ressources», précise-t-il. Le phénomène accentué, par le changement climatique, a tout lieu de progresser de façon accélérée, notamment en Europe : en Espagne, en Italie du sud et en Grèce, par exemple, et même dans le sud de la France. «La cause n'avance pas», déplore Marc Bied-Charreton. Pourtant, le phénomène est réversible, et le combattre coûterait moins cher que d'en subir les conséquences», insiste-t-il, lors d'une interview accordé à Patrick Chompré.
Ingénieur agronome et président du Comité français de lutte contre la désertification (CSFD).
«Quand vous rétablissez la couverture végétale (...) vous permettez à l'agriculture de redémarrer.»
Les dernières perspectives des experts du Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat (Giec), sont alarmantes : recrudescence des sécheresses et des crues qui érodent les sols, diminution du débit des grands fleuves et des précipitations annuelles moyennes. Autant de facteurs propres à accroître la désertification, notamment en Afrique, où la sécurité alimentaire devrait être «sérieusement compromise», avec 80 à 200 millions de personnes supplémentaires confrontées aux famines d'ici 2080. A l'horizon 2025, si la désertification s’accélère, ce sont «65 millions de réfugiés africains [qui] viendront frapper aux portes de l'Occident, poussés par la désertification», estimait récemment le ministre algérien de l'Aménagement du territoire Chérif Rahmani. Marc Bied-Charreton partage ce point de vue : selon lui, il s'agit d'une question d'environnement global qui mérite d'être prise en compte.
«La conséquence sociale c'est une déstructuration des sociétés rurales puis une immigration.»
Le Fonds mondial pour l'environnement (FEM) dédie environ 200 millions de dollars pour une période de quatre ans. Or, souligne Marc Bied-Charreton, «le chiffrage actuel de la désertification s'élève à environ 60 milliards par an, en coûts directs uniquement, liés à la perte de productivité. Pour les pays agricoles, cela correspond à 1 à 3 % du PIB par an». «Mais cette estimation ne prend pas en considération les coûts sociaux, les migrations, les coûts d'envasement des barrages, etc», explique le scientifique selon lequel «Il faut réveiller l'argent public à la traîne et généraliser la lutte en renforçant les investissements».
«C'est une question de mobilisation des gouvernements locaux mais aussi des populations qui sont, elles, prêtent à s'investir.»
Depuis le sommet de la Terre de Rio en 1992, la communauté internationale s'est dotée de trois outils largement ratifiés par les Etats : la Convention de l'Onu sur les changements climatiques, celle sur la désertification et une autre sur la protection de la biodiversité. Les Nations unies en appellent à davantage de synergie dans les trois combats menés encore séparément. «Qu'on parle d'adaptation au titre de la Convention sur le climat ou de celle contre la désertification, c'est la même chose: il s'agit d'améliorer les conditions de vie d'un milliard d'individus qui vivent dans les terres arides. Ce qu'il faut, c'est renforcer les investissements», résume Marc Bied-Charreton.