par Dominique Raizon
Article publié le 28/10/2008 Dernière mise à jour le 29/10/2008 à 09:08 TU
© Ecopod
Reposer pour l'éternité à l'ombre d'un chêne, d'un châtaigner ou d'une prairie de fleurs sauvages : surfant sur l'idée d'une fin verte, une PME angevine, Arbres de mémoire, transfère les cendres des disparus dans une urne biodégradable en polymère de maïs, disposée dans les racines d'un arbre choisi parmi douze essences : « On assure ainsi un transfert affectif vers l'arbre », souligne son fondateur, Reginald Fréchet, qui se veut « dans l'esprit du Grenelle ». Mais ce type d’entreprise reste encore marginal, alors que les fibres végétales sont depuis longtemps disponibles ailleurs dans le monde.
En Grande-Bretagne existent environ deux cents cimetières écologiques où rien ni dans le traitement du corps ni dans le mode d'inhumation choisi, ne risque d'attenter à la nature. « Le premier a ouvert en 1994 et, dix ans plus tard, il y en avait 150 », explique Andy Clayden, maître de conférences à l'université de Sheffield et membre d'une étude lancée en juin 2007 sur l'essor de ces sites. La France, quant à elle, en reste au cercueil en bois. Et quelques pionniers, lancés dans la fabrication de cercueils « verts », ne parviennent pas à les commercialiser. « Nous prenons en charge une zone forestière qui en général n'est pas entretenue et, en la gérant, nous lui faisons suivre une cure de jouvence et la faune sauvage revient en abondance », a relevé Nicholas Taylor, directeur général de Woodland burial parks (WBP), société en passe d'ouvrir son troisième cimetière forestier.
Entre le sarcophage égyptien et le sac à dos de montagne high-tech
Outre les cercueils et les urnes en carton biodégradable, largement répandus en Allemagne, Suisse ou Grande-Bretagne, la Britannique Hazel Selina a conçu l'Ecopod, en papier recyclé. A mi-chemin entre le sarcophage égyptien et le sac à dos de montagne high-tech, il ne pèse que 14 kilos, est disponible en deux tailles et en six couleurs.
© Ecopod
En Italie, un couple de designers, Raoul Bretzel et Anna Citelli, a imaginé la Capsula Mundi : un oeuf géant en bioplastique, un matériau que l’on peut créer à partir de l'amidon de plantes par exemple, dans lequel le défunt est placé en position foetale. Placée sous les racines d'un jeune arbre, la capsule va, en se dégradant, aider l'arbre à s'épanouir.
Crémation à + 1200°C ou cryogénisation à – 200°C
En Suède, Susan Wiigh-Mäsak, docteure en biologie, recherche toujours l'agrément pour son concept de Promessa Organic : le corps, cryogénisé à -200°C, est ensuite soumis à d'intenses vibrations qui le réduisent en une poudre, finalement dispersée au profit de la végétation. « Comme promis dans la Bible, le corps retourne à l'état de poussière. Il devient du terreau: c'est formidable de pouvoir dire à vos enfants que grand-père va devenir un merveilleux arbre », argumente Susan Wiigh-Mäsak, qui a déjà vendu sa licence à la Corée du Sud, l'Afrique du Sud, l'Ecosse, la France et l'Allemagne et dans l'ouest américain.
Le crématorium de Londres s'intéresse pour sa part au procédé de « résomation », mis au point en Ecosse : le corps, placé dans un cercueil de soie, est dissous dans un mélange de potasse et de sodium à 150°C. Le processus reproduit le phénomène de décomposition naturelle en l'accélérant, il est aussi plus économe en énergie qu'une crémation à 1200°.
A l’instar de la Grande-Bretagne, les Etats-Unis comptent aujourd’hui une dizaine de cimetières écologiques. Dans le sud du pays, en Georgie, Eternal Reefs propose de mêler les cendres du défunt à du béton coulé au fond de la mer, créant ainsi un récif artificiel au service de la vie marine et un lieu de recueillement pour les proches.
Le lobby du bois freinerait la vente de ces cercueils écolos
Rien dans la loi ne s’y oppose et pourtant ces cercueils verts ne connaissent aucun succès en France: si cette dernière en reste au bois et rechigne encore à placer ses défunts dans du carton, « c’est plutôt dû à la réticence des pompes funèbres [françaises] », assure Georges Braissant, dont la chaîne de fabrication : implantée en Alsace (Est), son usine produit quelque 500 000 cercueils en carton plein par an, lesquels sont écoulés en Europe et en Argentine.
Georges Braissant pointe du doigt le « lobby du bois », comme un frein à la prospérité de son marché. Bien que son produit soit breveté et agrémenté depuis dix ans, ce fabricant attend toujours d'obtenir des sociétés funéraires hexagonales qu'elles acceptent d'écouler ses ecological coffins (« cercueils écologiques ») : « à 350 euros, on est de mauvais augures pour le marché! », souligne-t-il. Pourtant, même s’il s’agit d’un « effet de mode, mais ça pourrait aussi aider les communes et les indigents », insiste Chris Vermeulen, responsable de l’association de réinsertion sociale à Calais. Cercueil en carton
© Eurosarco
A titre d’exemple, l'association Ça cartonne, un prototype à 180 euros, fabriqué en cylindres de carton recyclé, peinture à l'eau et poignées amovibles, est actuellement soumis aux tests d'agrément. Il est moins onéreux qu’un cercueil en bois, il se consume plus vite (45 minutes environ à 1200°C contre deux heures en moyenne), ce qui signifie donc, en terme d’énergie, « une économie de gaz et d'émissions nocives », précise Georges Braissant.
« Les crématoriums, pour la plupart gérés par les entreprises de pompes funèbres, prétendent que la cellulose bouche les filtres des cheminées. Mais, sur quelque 130 installations, à peine 2% sont équipées de tels filtres pour bloquer la diffusion de dioxynes ou des métaux lourds issus de la crémation » s'insurge Michel Kawnik, président de l'Association française d'information funéraire (AFIF), un organisme indépendant d'information du public. « Le conservatisme du lobby funéraire bloque l'arrivée de nouveautés qu'il ne pourrait vendre aussi cher [que ce qu’il propose] », estime Michel Kawnik. Néanmoins, assure –t-il, « les familles exigent ce genre de produits : on parle de prix moindre et de respect de la nature qu'il va bien falloir prendre en compte ».
Les cercueils verts des Pompes funèbres sont plus onéreux
« A mesure que les terrains vont se raréfier autour des grandes villes, les forêts vont être les seuls espaces disponibles », fait remarquer l’universitaire britannique Andy Clayden, précisant que le WBP comptait ouvrir une dizaine de sites accessibles aux promeneurs, dans les dix prochaines années. La principale motivation des utilisateurs est avant tout de créer une nouvelle forêt, en plantant un "arbre de mémoire" à l'emplacement de la sépulture. Autre point positif: le bail est en général de 100 ans, contre 25 ans dans les infrastructures publiques.
Aux Pompes funèbres générales françaises (PGF), Isabelle Dubois défend le groupe en arguant qu’il s'en tient au bois jugé « plus respectueux » que le carton. Elle promeut une gamme de « cercueils verts », en bois majoritairement français et toujours écocertifiés, sans solvant ni colle de synthèse, doublés d'un capiton à base d'amidon de maïs ou de cellulose du pin, qui représentent 15% des ventes (premier prix : 816 euros).
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