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Recherche/ Innovation

«Agromat», une halle pilote consacrée au biofutur

par Dominique Raizon

Article publié le 10/06/2008 Dernière mise à jour le 29/10/2008 à 08:36 TU

Pourrons-nous, un jour, dans l’industrie et dans la vie domestique, remplacer les dérivés du pétrole par les richesses que possèdent les plantes ? A Tarbes (France, sud-ouest), le Laboratoire de chimie agro-industrielle a rassemblé les différents outils industriels nécessaires à la transformation de matière végétale en agromatériaux. Visite guidée de ce pôle d’excellence dans le domaine de la transformation chimique des agroressources, en compagnie de Philippe Evon, ingénieur de recherche au LCA/INP-Ensiacet.

Vue d'ensemble de la grande halle d'Agromat à Tarbes (France, sud-ouest).© LCA-Ensiacet

Vue d'ensemble de la grande halle d'Agromat à Tarbes (France, sud-ouest).
© LCA-Ensiacet

« Agromat emploie tout ce qui est déchets végétaux solides, de la rafle de maïs au tourteau industriel de tournesol, de la paille de blé à la pulpe de betterave, qu’il faut rendre compatibles avec les machines qu’utilisent les industriels pour les transformer », explique Philippe Evon en guise d’introduction.

Objets moulés(Photo : Dominique Raizon/ RFI)

Objets moulés
(Photo : Dominique Raizon/ RFI)

Certaines molécules du monde végétal possèdent des propriétés adhésives et d'autres, des propriétés plastiques. D’autres bio-molécules sont des principes actifs qui pourront être utilisés, après leur isolement du reste de la plante, comme des arômes naturels, des colorants ou des huiles essentielles. En s'intéressant aux protéines de tournesol, de soja, de pois, à la pectine de betterave ou à l'amidon de maïs, Agromat cible trois grands types d'application : les agromatériaux composites riches en fibres végétales, les agromatériaux à base de molécules thermoplastiques (pour l’essentiel) et les films.

La phase de recherche sur les agromatériaux, qui a débuté en 1992 dans le laboratoire de chimie agroindustrielle dirigé par Marie-Elisabeth Borredon, est désormais passée à un stade pré-industriel dans cet espace où les nouveaux matériaux, d'origine 100% naturelle, y sont mis en forme suivant des technologies propres à la plasturgie.

Injection-moulage et thermo-pressage

Pots de repiquage en fibre de tournesol.(Photo : Dominique Raizon/ RFI)

Pots de repiquage en fibre de tournesol.
(Photo : Dominique Raizon/ RFI)

A titre d’exemple, les résidus et les déchets sont transformés en objets moulés en 3D tels que tee de golf, pot de jardinage destiné au repiquage, en bombe pour feu d’artifice, en lien pour parachute, ou bien encore en agrafe à vigne !

La technologie du thermo-pressage permet d’obtenir, quant à elle, des panneaux de différentes épaisseurs et de densités variables qui vont ensuite être utilisés comme intercalaires de palettes, panneaux d’isolation thermique pour revêtement mural, ou bien encore comme plaques pour la stabilisation des sols telles qu’on en utilise sur les remblais d’autoroutes, par exemple.

Philippe Evon

Ingénieur de reherche au LCA-INP-Ensiacet.

« On utilise la richesse du tourteau en protéines, dont certaines disposent de propriétés thermo-plastiques. »

16/06/2008 par Dominique Raizon

 

Machine d'injection moulage utilisée pour la mise en forme ultime.(Photo : Dominique Raizon/ RFI)

Machine d'injection moulage utilisée pour la mise en forme ultime.
(Photo : Dominique Raizon/ RFI)

Edifiée sur le site de l'Ecole nationale d'ingénieurs de Tarbes, la structure rassemble les différents outils technologiques nécessaires à cette transformation. Dans cinq salles se répartissent les cuiseurs-extrudeurs pour désassembler les molécules entre-elles dans la matière première végétale, les machines de thermo-pressage pour obtenir des panneaux plus ou moins denses et d’injection moulage pour la mise en forme d’objets, ainsi que plusieurs unités de préparation des matières premières, à savoir : broyage, séchage, granulation.

Philippe Evon

«  Le choix des techniques du thermo-pressage ou de l'injection-moulage est fait selon la composition chimique de la matière à traiter. »

16/06/2008 par Dominique Raizon

« Les seules limites de ces agromatériaux éco-compatibles restent leur durabilité puisque ces produits sont par définition biodégradables ainsi que leur résistance mécanique en traction et en flexion », explique Philippe Evon.

Philippe Evon

« Pour renforcer la durabilité du matériau, on augmente son caractère hydrophobe et on améliore son imperméabilité de surface. »

16/06/2008 par Dominique Raizon

Machine de thermo-pressage, sorte de presse hydraulique.(Photo : Dominique Raizon/ RFI)

Machine de thermo-pressage, sorte de presse hydraulique.
(Photo : Dominique Raizon/ RFI)

« La fabrication se fait sur les mêmes machines que les industriels », fait remarquer Philippe Evon et « le champ d'application de nos recherches est immense : il intéresse tous les domaines où on pourra remplacer les produits issus du pétrole ». « L'enjeu est majeur, souligne-t-il encore : Il s’agit de donner de la valeur ajoutée aux sous-produits agricoles, tout en créant des emplois avec une notion importante de développement durable ».

 

 

Philippe Evon

« Isoler l'huile essentielle contenue dans les tournesols pourrait être valorisé en parfumerie. »

16/06/2008 par Dominique Raizon

Ces objets en agromatériaux ne sont pas soumis ni à la taxe carbone ni aux écotaxes. Ils s’intègrent parfaitement dans une politique de développement durable. Etant donné la raréfaction des ressources en pétrole sur le globe, il est fort à parier qu’ils deviendront, dans les années à venir, un enjeu économique important pour toute la filière agricole et agro-industrielle.

« Cela ne signifie pas pour autant une intensification des cultures, souligne Philippe Evon, car ces objets représentent une valorisation des co-produits de la culture. A titre d’exemple, l’huile de tournesol représente 80% de la valeur économique de la graine. La filière des agromatériaux s’intéresse, quant à elle, aux richesses jusque-là négligées contenues dans la tige et le capitule ».

En 2000, Antoine Gaset, ex-directeur du LCA et aujourd’hui conseiller scientifique du Laboratoire, a eu l’initiative de créer Agromat, sur le site de l’Ecole nationale d’ingénieurs implantée à Tarbes.

Le projet, soutenu par le ministre de l’Agriculture de l’époque, Jean Glavany, visait à permettre aux industries de tester des bio-polymères issus de matières premières végétales pour remplacer les polymères synthétiques issus de la pétrochimie.

Inaugurée en octobre 2007, en présence de Jean Glavany et de l’actuel ministre de l’Agriculture, Michel Barnier, Agromat aura coûté 4,7 millions d'euros -financés par l'Union européenne (43%), l'Etat et les différentes collectivités territoriales (région, département et communauté d’agglomération du Grand Tarbes).

Pour en savoir plus :

Site du Laboratoire de chimie agro-industrielle (LCA)

Site de l'Institut national de recherche agronomique (INRA)