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Energie

L’avenir roulera-t-il aux carburants verts ?

par Agnès Rougier

Article publié le 09/06/2008 Dernière mise à jour le 05/12/2008 à 15:21 TU

L'herbe à éléphants ou miscanthus est de la famille des graminées.(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

L'herbe à éléphants ou miscanthus est de la famille des graminées.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

La France et l’Union européenne se sont fixé l’objectif d’intégrer 10 % d’agrocarburants, pour l’ensemble des transports, d’ici 2020, dans le but de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES).

Toutefois, les crises alimentaires et pétrolières pourraient remettre en cause le bien fondé de ces choix, d’autant que les bilans énergétiques ne semblent pas excellents : sous couvert de réduction des émissions de gaz à effets de serre, doit-on favoriser les cultures énergétiques quand la moitié du monde manque de nourriture ?

Une première génération discutable

Le colza est une plante issue d’un croisement spontané entre un chou et une navette.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Le colza est une plante issue d’un croisement spontané entre un chou et une navette.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Les plantes fournissent des « énergies renouvelables », dans la mesure où, durant leur croissance, elles absorbent, par photosynthèse, exactement la quantité de CO² qu’elles rejetteront lors de la combustion. Mais pour maîtriser la valeur écologique d’un carburant, il faut en faire le bilan énergétique global.

Or, en 2005, l’INRA produit une étude, publiée dans Inra magazine en juin 2007, qui montre que les bénéfices énergétiques et économiques des biocarburants de première génération sont insuffisants pour prétendre au remplacement de grandes quantités de ressources pétrolières.

Filières industrielles : en France, des bilans contestés

Le bilan énergétique d’une filière doit se calculer « de la graine à la roue », en tenant compte de l’intégralité de l’énergie dépensée pour produire le carburant, y compris l’apport d’intrants, le transport, la fabrication, et l’incorporation dans l’essence. Or la politique énergétique de la France s’est appuyée sur des bilans favorables présentés en 2002 par  l’ADEME. Ces bilans sont contestés aujourd’hui, car ils n’intègrent pas ni l’incorporation de l’ETBE (*) ni les changements d’affectation des sols, notamment dans le cas du colza, qui produit peu à l’hectare, et nécessite donc de grandes surfaces.

Les fleurs de colza produisent un nectar à partir duquel les abeilles font un miel clair, très riche en glucose, appelé souvent « miel de printemps ».(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Les fleurs de colza produisent un nectar à partir duquel les abeilles font un miel clair, très riche en glucose, appelé souvent « miel de printemps ».
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Une nouvelle étude, conduite par le cabinet indépendant Bio Intelligence Service (BioIS), est donc attendue avec impatience. Même si, pour Patrick Sadones, de l’Association Eden affiliée à la Confédération Paysanne - qui a participé à la détermination des paramètres -, le poids du lobby des éthanoliers est trop fort pour permettre une réelle transparence sur les critères.

Aujourd’hui, la première partie de l’étude montre que BioIS est néanmoins resté ferme sur le choix des critères. On attend donc, non sans moins d’impatience, la seconde partie, qui donnera le résultat des bilans énergétiques. Mais, selon toute probabilité, ces résultats arriveront trop tard pour être discutés lors du vote de la directive « énergies renouvelable » à Bruxelles, et des textes législatifs en France.

Le blé énergétique : un choix déficitaire pour les agriculteurs

Il y a 2 ans, quand les prix des céréales étaient faibles, les agriculteurs français ont été sollicités pour signer des contrats qui les engageaient, pour 5 ans, à livrer une partie de leur production de blé ou de betteraves aux usines de fabrication d’éthanol. Mais, depuis, les prix ont monté et, aujourd’hui, le prix de vente « énergétique » est bien en dessous du prix de vente « alimentaire », alors que les contrats n’ont pas été révisés.

Pour 50 tonnes de blé énergétique, l’agriculteur vendait 90 euros la tonne en janvier 2007 ; or, avec la hausse du baril d’éthanol, ces 50 T sont vendues aujourd’hui 120 euros la tonne contre 280 euros la tonne si elles étaient vendues sur le marché alimentaire. Un manque à gagner d’importance !

Manger ou conduire, il faut choisir

Champ de blé.(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Champ de blé.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

D’autre part, ces agriculteurs ont converti des hectares de cultures « alimentaires » en cultures « énergétiques », ce qui n’est pas sans leur poser question à l’heure où la crise alimentaire sévit dans le monde entier, et ce d’autant plus que, dans le cas du colza par exemple, il faudrait doubler la surface agricole française pour pouvoir remplir intégralement les réservoirs !

En effet, la France est aujourd’hui importatrice d’huile alimentaire, ce qui incite les agriculteurs des pays du sud à cultiver pour exporter, alors qu’eux-mêmes sont en crise. Mais si, forts de ce constat, les agriculteurs français décident de réduire leur production énergétique, les usines de biocarburants seront contraintes d’importer de la matière première, ce qui favorisera la déforestation des pays du Sud -ce qui se produit déjà en Indonésie, où une partie de la forêt est défrichée pour planter des palmiers à huile.

Agrocarburants : une solution locale ?

En ces temps de hausse pétrolière, les prix des carburants sont devenus un véritable problème pour les agriculteurs, bien qu’ils bénéficient en France d’une détaxe sur le gazole. En revanche, certains d’entre eux, regroupés en coopérative, ont fait l’acquisition d’une presse à huile, destinée à fournir de l’huile de colza ou de tournesol pour les moteurs de tracteurs. En effet, les moteurs diesel de fabrication un peu ancienne acceptent l’huile pure.

La presse à huile.(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

La presse à huile.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

En sortie de la presse à huile, l’agriculteur récolte 30% d’huile et 70% de tourteaux pour le bétail, tout est donc ainsi valorisé.

Cette filière ultra courte peut garantir l’indépendance des agriculteurs de façon locale, en leur permettant de cultiver suffisamment pour leur propre consommation.

En terme de rejets polluants et de bilan énergétique, cette stratégie semble valide dans la mesure où il n’y a aucune dépense de transformation, et où les rejets de gaz à effet de serre sont donc exactement équivalents à l’absorption de la plante en CO². Un bémol néanmoins, des analyses ont montré la présence de rejet d’oxyde d’azote (NO) en quantité supérieure au gazole.

Mais malgré les qualités de cette filière locale, rien ne garantit sa pérennité, car les moteurs des tracteurs les plus récents, beaucoup plus sophistiqués, ne supportent plus l’huile pure, et le marché est trop restreint pour que les constructeurs s’y intéressent.

Les futures générations

Les chercheurs travaillent d’ores et déjà sur les agrocarburants de deuxième voire de troisième génération.

Débardeuse ou arracheuse à betteraves.(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Débardeuse ou arracheuse à betteraves.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

La 2ème génération de biocarburants est basée sur le traitement de la cellulose issue des résidus agricoles, forestiers ou de plantes entières, comme « l’herbe à éléphants » (ou miscanthus).

L’estimation actuelle d’émission de gaz à effet de serre montre une réduction de 90%, soit une production proche de la réduction due à l’éthanol de canne à sucre, utilisé depuis plusieurs années au Brésil (près de 100%, car le chauffage de la canne est assuré par les résidus de la canne elle-même, la bagasse). Mais d’après Benoît Gabrielle, agronome à l’Institut National d’Agronomie (INA-PG), les processus de fabrication ne seraient réellement au point que dans une dizaine d’années.

La 3ème génération concernera les algues et le phytoplancton, convoqués pour produire du carburant… en recyclant du CO² ! Toutefois, en attendant d’y parvenir, la meilleure solution est probablement de réduire nos déplacements.

Pour en savoir plus :

Site de l'Institut national de recherche agronomique (INRA)

Etude réalisée par Patrick Sadones, chercheur de l'Institut des sciences et industries du vivant (Agro INA.PG83)

Site de l'Agence de l'Environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)

(*) ETBE est issu de l’éthanol dans le carburant final -une étape très coûteuse en énergie

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