par Dominique Raizon
Article publié le 30/05/2008 Dernière mise à jour le 12/06/2009 à 11:22 TU
A l’heure où on déplore des déforestations massives et des trafics de bois exotiques qui nuisent aux équilibres des écosystèmes -non sans impact, en outre, sur les émissions de gaz à effet de serre-, le laboratoire de recherche en chimie agro-industrielle de Toulouse (France) peut se féliciter d’avoir mis au point une technologie susceptible de rendre plus résistantes aux prédateurs les espèces de bois locales. Le projet, soutenu par la Commission européenne, a pour objectif de faire bénéficier de la recherche, de petites et moyennes entreprises européennes.
Chercheur, coordinateur du projet Surfasam
« Un bois, tropical ou local, durable ou non, doit être protégé contre les prédateurs. »
Les reticulitermes flavipes sont des termites qui rongent les couches tendres du bois.
(Domaine public).
La nouvelle technologie mise au point au LCA vise à lutter « contre des prédateurs biologiques, c’est-à-dire des organismes vivants, qu’il s’agisse de champignons ou d’insectes : termites et capricornes de maison », précise le chercheur. Ces insectes effectuent des ravages en déposant de petites larves sur le bois, lesquelles pénètrent celui-ci pour se nourrir de la cellulose, creusant ainsi des galeries et des cavités pouvant atteindre trois centimètres de diamètre. Ce travail est interne et bien souvent difficile à repérer en surface.
Jusqu’à présent, la lutte contre les prédateurs biologiques consiste essentiellement à tenter de tuer les insectes ou à empêcher le champignon de détériorer la lignine qui cimente le bois, en utilisant des biocides –c’est-à-dire une molécule insecticide ou fongicide -les deux étant souvent associées en « un cocktail ».
« Il est intéressant de déguiser la nourriture des insectes pour qu'ils ne puissent plus digérer. »
La technologie mise au point au LCA n’intervient pas « sur les phéromones ni sur une reconnaissance visuelle ou aromatique, précise Carlos Vaca-Garcia, mais en trompant l’estomac du prédateur. »
« La molécule, d'origine végétale, ne présente pas de toxicité pour l'homme ou la nature. »
La lutte contre les champignons semble plus difficile du fait même qu’il « existe une très grande biodiversité de champignons pour chacune des pourritures vulgairement désignées comme ‘blanches’ ou ‘brunes’ », explique le chercheur. Des champignons qui n’attaquent pas tous les mêmes espèces de bois -certains préférant les feuillus, d’autres les résineux- et qui s’avèrent, par ailleurs, plus ou moins résistants aux fongicides. « Aucun traitement ciblé ne sera efficace sans passer, quelquefois, par un traitement biocide toxique », regrette Carlos Vaca-Garcia.
Les bois imprégnés de métaux lourds sont reconnaissables à leur teinte verte ou rouge.
© LCA-Ensiacet
Les biocides peuvent représenter, en effet, un danger à la fois pour la santé humaine et pour l’environnement : dans le cas de traitement à base de molécule de synthèse, l’incinération pourra, dans certaines conditions, détruire la molécule et la transformer en dioxyde de carbone. Ce ne sera pas le cas, hélas, « si la composition comprend des métaux lourds », explique le chimiste.
« L'homme peut s'intoxiquer s'il est en contact avec les molécules de synthèse ou les métaux lourds. »
Le procédé technologique mis au point est le résultat d’un long travail de recherche, démarré en 1997 sur la réaction des corps gras -les huiles végétales- sur la cellulose. « Le défi technologique était important car, souligne Carlos Vaca-Garcia, nous cherchions à mélanger de deux identités différentes, alors que les huiles, contrairement à la cellulose, n’aiment pas l’eau. Nous y sommes parvenus ». Ensuite, les scientifiques ont commencé à explorer les applications que cette réactivité chimique pouvait apporter.
« Un bois qui ne prend plus l'humidité est en principe protégé contre les champignons. »
Le procédé technologique « nécessite un autoclave pour faire pénétrer le produit et une température élevée pour le greffer sur le bois », explique Carlos Vaca-Garcia. Une contrainte qui ne permet pas d’utiliser, présentement, l’Asam à titre curatif. Néanmoins, des recherches sont en cours pour pouvoir, dans l’avenir, généraliser son utilisation : « Nous cherchons à obtenir sa réactivité à des températures plus basses voire à des températures ambiantes », confie Carlos Vaca-Garcia, sous l’égide duquel se poursuivent les recherches.
« Aujourd'hui nous sommes en mesure de protéger le bois qui est en contact avec le sol. »
Il est nécessaire de traiter le bois avec un corps hydrophobe, poly-insaturé. « Les recherches que nous avons effectuées ont porté sur les huiles végétales disponibles en métropole, essentiellement celles du colza et du tournesol. Il n’en demeure pas moins, remarque Carlos Vaca-Garcia, que des recherches analogues pourraient être faites sur le soja aux Etats-Unis, par exemple, pour utiliser d’autres ressources locales ».
Pour en savoir plus :
Site du Laboratoire de chimie agro-industrielle (LCA) à Toulouse, France, sud-ouest) et Surfasam
Le produit pourrait être commercialisé pour les professionnels à la fin 2008: a.lemor@novance.com
Le traitement est particulièrement préconisé pour les bois de classe 4 concernant, par exemple, ceux utilisés pour : - les aires aménagées pour jeux d’enfants - les bardages de maison - les cabanes de jardin - les caillebotis de piscine - les glissières d’autoroutes - les piquets de jardin - les poteaux électriques - les traversées de chemin de fer etc. |
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