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Réchauffement climatique

L’Indonésie s’attaque aux gaz à effet de serre

Article publié le 27/11/2008 Dernière mise à jour le 27/11/2008 à 13:55 TU

En Indonésie, 80% des émissions de carbone sont liées à la déforestation massive.
(Photo : Solenn Honorine)

En Indonésie, 80% des émissions de carbone sont liées à la déforestation massive.
(Photo : Solenn Honorine)

Si l'Indonésie est l'un des pays qui devrait souffrir le plus du changement climatique, il fait aussi figure de précurseur au sein des pays émergents. L'hôte du sommet de Bali, l'année dernière, a en effet annoncé des politiques visant à baisser ses émissions alors qu'il n'en est pas contraint. Pour cela, l'Agence française de développement lui a accordé mardi un prêt de 200 millions de dollars.

De notre correspondante à Jakarta, Solenn Honorine

Tremblements de terre, éruptions volcaniques, voire tsunami : l’Indonésie vit depuis toujours au rythme des caprices de la nature. Toutefois, leur nombre risque d'augmenter rapidement. Les dix catastrophes les plus destructrices sur les 100 dernières années ont toutes eu lieu depuis 1990 … et, la plupart du temps, il s'agit de désastres liés aux caprices de la météo. Ce sont par exemple des inondations qui causent des glissements de terrain meurtriers ou de grosses sécheresses provoquant d'immenses feux de forêts.

Et, le réchauffement climatique devrait encore empirer les choses. Le pays ne devrait pas connaître de hausses de températures conséquentes mais le niveau et le rythme de ses précipitations, eux, ont déjà commencé à être perturbés. « Nos paysans qui se fient à la sagesse de leurs ancêtres pour faire fructifier leurs champs sont désemparés », soupire Agus Purnomo, responsable de la coordination interministérielle dans la lutte contre le changement climatique. Et, dans un archipel de 17 500 îles qui compte quelque 81 000 kilomètres de côtes, la hausse programmée du niveau de la mer est également un souci majeur. Entre 2005 et 2007, vingt-quatre de ses îles ont été englouties et les autorités craignent d'en voir disparaître jusqu'à 2000 d'ici à 2050.

Réduire les émissions de carbone

Pour l'Indonésie, s'adapter aux conséquences du réchauffement climatique est donc un impératif qui touche tous les secteurs de la société, de la formation des paysans à des techniques agricoles mieux adaptées aux nouvelles conditions climatiques, à l'anticipation d'une explosion de cas de malaria ou de dengue dans les zones qui peu à peu deviennent plus humides. Mais en plus de cela, Jakarta a décidé d'être proactive dans l'atténuation du changement climatique, en s'engageant à faire des efforts trans-sectoriels afin de réduire ses émissions de carbone.

« C'est très courageux de la part de l'Indonésie de mettre ainsi la tête sur le billot et s'exposer aux critiques du reste du monde, alors qu'elle n'en a pas l'obligation », estime Jean-Michel Sévérino, directeur de l'Agence Française de Développement qui vient d'accorder un prêt de 200 millions de dollars au titre de cet effort (prêt qui vient en appui à 300 millions de dollars donnés par le Japon). En effet, seuls les pays développés signataires de l'accord de Kyoto sont dans l'obligation de baisser leurs émissions –c'est d'ailleurs l'une des objections majeures de l'administration Bush, qui estime que de gros émetteurs comme Beijing devraient eux aussi faire un effort.

Se montrer à la pointe du marché au carbone

Jakarta d'ailleurs est l'une des capitales visées par cette critique : l'Indonésie est le quatrième émetteur mondial derrière Etats-Unis, Chine et Union Européenne. Mais sa spécificité est bien différente, car ici c'est la déforestation massive qui contribue à 80% des émissions de carbone, à travers l'abattage des arbres, les feux de forêts ou l'oxydation des tourbières. D'où l'intérêt pour l'Indonésie de se montrer à la pointe de la lutte contre le réchauffement climatique : non seulement cela pourrait calmer les virulentes critiques à l'encontre du pays, mais cela le place aussi à la pointe du marché au carbone qui est en train de se mettre en place rapidement (notamment au menu des discussions qui ont lieu la semaine prochaine en Pologne).

Lors du sommet de Bali, en décembre dernier, un nouveau mécanisme, appelé REDD, avait été approuvé, qui permet aux pays riches de financer la protection des forêts de pays en voie de développement afin de gagner des droits à émettre du carbone. L'Indonésie, l'un des pays qui avait défendu cette proposition, a déjà approuvé 15 projets REDD et se tient prête à entrer dans ce nouveau marché potentiellement très lucratif : il pourrait rapporter au pays plus de deux milliards de dollars par an, selon la Banque Mondiale.

Le pays s'est déjà doté de lois pour lutter contre la déforestation, mais leur application reste difficile à cause notamment de l'étendue de la déforestation illégale.(Photo : Solenn Honorine)

Le pays s'est déjà doté de lois pour lutter contre la déforestation, mais leur application reste difficile à cause notamment de l'étendue de la déforestation illégale.
(Photo : Solenn Honorine)

 
« La lutte contre la déforestation est un problème délicat »

La déforestation est une contrepartie de l'expansion d'immenses industries qui rapportent beaucoup d'argent au pays : mines en pleines forêts, expansion de plantations de palmiers à huile, secteur de pâte à papier, qui est en état de surproduction chronique et qui se sert donc sur les forêts primaires pour alimenter ses usines au lieu de fonctionner sur des plantations.

L'Indonésie a déjà pris des mesures pour lutter contre la déforestation, mais c'est leur application qui pose problème face à un business de la déforestation illégale difficile à contrôler. « La lutte contre la déforestation est un problème délicat car il va à l'encontre d'intérêts économiques très importants. Mais la perspective de financements extérieurs pour protéger la forêt permet de contrebalancer ces pressions » reconnaît Josef Leitmann, coordinateur Environnement de la Banque Centrale à Jakarta.