par Dominique Raizon (avec AFP)
Article publié le 29/12/2008 Dernière mise à jour le 29/12/2008 à 14:41 TU
Le Liban, l’un des plus importants corridors d'oiseaux migrateurs au monde, est devenu au fil des ans un cimetière pour la population aviaire en raison d'une chasse sauvage qui menace de plus en plus d'espèces rares. Chaque année, entre octobre et décembre, les écologistes crient au massacre lorsque des hordes de braconniers envahissent la plaine de la Békaa (est) et les montagnes, tuant des oiseaux par centaines malgré une loi prohibant la chasse depuis 1995.
« Plus le braconnage augmente, plus les oiseaux migrateurs seront en manque de lieux sûrs, et ils ne reviendront plus », prévient Nizar Hani, de la réserve de biosphère du Chouf, à l'est de Beyrouth.
Quelque 390 espèces d'oiseaux, dont environ 260 migrateurs, ont été recensées au Liban dans une étude mise à jour en 2008 par Ghassan Jaradi, professeur d'écologie et de taxonomie à l'Université libanaise.
« Des millions d'oiseaux en provenance d'Europe et d'Asie font escale au Liban chaque année » -certains pour se reproduire-, affirme Bassima al Khatib, de la Société de protection de la nature au Liban (SPNL).
Le pays a la particularité d'offrir des habitats divers: la plaine de la Békaa, les montagnes, des régions semi-désertiques, la mer et des rivières. Une vingtaine de réserves naturelles et de biosphères, comme les cèdres du Chouf, l'île des palmiers (nord) ou la plage de sable de Tyr (sud) ont déjà été créées.
« Des îlots cernés par les chasseurs »
Malheureusement, « ces réserves sont devenues des îlots cernés par les chasseurs », affirme Nizar Hani. « Certains préfèrent tuer les oiseaux migrateurs en pensant, à tort, que cela n'affecte pas l'environnement local », explique Bassima al Khatib Khatib.
Selon une étude réalisée par la SPNL de 2004 à 2007, 18% des chasseurs ont su différencier oiseaux migrateurs et résidents. La majorité ne sait pas distinguer un oiseau rare. « Ces oiseaux appartiennent au monde entier et leur disparition porte atteinte à l'écosystème », insiste l'experte.
Le danger pour les oiseaux résidents n'est pas moindre. « En l'espace de cinq ans, le nombre d'oiseaux communs a diminué de 18%, selon une étude que nous avons menée de 2002 à 2007, alors que précédemment ce chiffre était de 9% », souligne Ghassan Jaradi.
Les méthodes de chasse sont jugées scandaleuses. « Pendant la nuit, ils placent l'enregistrement d'un gazouillis près d'un arbre, installent un arbuste artificiel ou un projecteur. Attirés, les oiseaux se rassemblent et le matin, les chasseurs arrivent par dizaines et les massacrent tous », dénonce l'ornithologue. « Les chasseurs non professionnels, dont le nombre s'est multiplié, utilisent des armes automatiques. Ce n'est plus du sport, c'est cruel », selon Bassima al Khatib Khatib.
Définir des quotas et réglementer l'activité
Abdo el Kareh, 48 ans, chasse depuis l'âge de neuf ans. Pour lui, tuer en nombre est justifiable « parce qu'il y en a des milliers ». « Les chasseurs ne comprennent pas que tuer autant d'oiseaux communs les transformera en oiseaux peu communs, puis rares, puis en voie d'extinction », rétorque Ghassan Jaradi.
« Il y a près de 16 espèces d'oiseaux menacées d'extinction au Liban et au Proche-Orient, également à cause du réchauffement climatique et de la disparition des forêts », estime Bassima al Khatib. « Certains chassent au printemps, au moment de la reproduction. C'est catastrophique », note-t-elle.
La caille, l'alouette calandre ou la bécasse des bois sont parmi les quelques espèces qui peuvent être chassées selon les experts, qui réclament une réglementation de l'activité.
« La chasse va toujours exister et la prohiber est contreproductif », juge Ghassan Jaradi. « Il faut préciser les espèces et définir des quotas, accorder des licences et former des garde-forestiers », ajoute Bassima al Khatib.
Abdo, pour sa part, réclame la prohibition de la vente de fusils aux mineurs, qui accompagnent souvent leurs pères dans les bois : « L'homme est également menacé. De nombreuses personnes sont tuées chaque année, par une balle perdue », affirme-t-il.
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