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Energie

Des requins pour produire du biogaz

par Dominique Raizon (avec AFP)

Article publié le 14/07/2009 Dernière mise à jour le 14/07/2009 à 15:03 TU

Avec sa chair toxique impropre à la consommation humaine, le requin du Groenland, deuxième plus gros requin carnivore de la planète et casse-tête des pêcheurs, pourrait servir à la production de biogaz et contribuer à fournir aux Inuits une énergie durable.

Un requin du Groenland passant près d'anémones plumeuses dans l'estuaire du Saint-Laurent.© Jeffrey Gallant/ Geerg

Un requin du Groenland passant près d'anémones plumeuses dans l'estuaire du Saint-Laurent.
© Jeffrey Gallant/ Geerg

Pris par milliers dans les filets des chalutiers groenlandais, ces squales des eaux polaires qui peuvent atteindre plus de 7 mètres de long et peser jusqu'à une tonne, sont jusque là simplement rejetés. Mais, au Centre de technologie arctique Artek, à Sisimiut (ouest), l'utilisation du Skalugsuak (son nom inuit) à la chair très huileuse fait partie d'un projet pilote destiné à produire du biogaz à partir des déchets de la pêche.

Chargée par la commune d'Uummannaq (nord-ouest) d'un projet sur la transformation du requin en « ressource énergétique », Marianne Willemoes Joergensen -de la branche Artek à l'Université technique du Danemark (DTU)- pense que la chair mélangée à des macro-algues et aux eaux résiduelles des ménages pourrait « servir de biomasse à la production de biogaz ». « Je pense qu'il existe une alternative pour exploiter les milliers de tonnes de résidus des produits de la mer, dont ceux, nombreux, des requins », estime la chercheuse.

Une source d'énergie verte

Le biogaz à base de requins et autres déchets de la mer constituerait une source d'énergie verte pouvant représenter 13% de la consommation énergétique totale d'Uummannaq, peuplée de quelque 2 450 habitants : « Le biogaz est la meilleure solution, dit-elle, pour ce type de déchets organiques qui peuvent être utilisés pour produire de l'électricité et le chauffage par une méthode de production neutre en CO2 ».

La chercheuse compte lancer des essais l'année prochaine dans une installation de traitement de déchets organiques financée par l'Union européenne car, à Uummannaq, le requin arctique représente plus de la moitié des déchets. « Des chaluts entiers sont parfois remplis de requins et on en attrape partout, notamment à l'est et à l'ouest du Groenland, au grand désespoir des pêcheurs », confirme Bo Lings, ancien chef-machiniste sur un grand chalutier. « C'est un grand prédateur dévorant poissons, calmars, phoques et autres. Il détruit en outre les lignes et les filets des pêcheurs de flétan », ajoute le président de l'Association des pêcheurs et chasseurs (Knapk). 

Rouler avec de l'huile issue de déchets organiques      

La pêche du requin du Groenland est maintenant interdite.
© Musée du Fjord/ Geerg

La pêche du requin du Groenland est maintenant interdite.
© Musée du Fjord/ Geerg

Ce requin, que les Inuits chassaient par le passé pour ses dents aiguisées -qui servent à la fabrication de couteaux- et pour l'huile extraite du foie -qui permet d'éclairer les maisons-, est devenu « un problème pour l'environnement » car « on en pêche trop et qu'on le jette ensuite », explique l'ingénieur Joern Hansen, de la société de consultants Ramboell et membre du groupe de suivi d'Artek.

Pour se débarrasser des déchets de l'industrie du poisson et des eaux résiduelles, les Groenlandais ont en effet pour habitude de les jeter non traités à la mer alors qu'il est « possible », selon lui, de les exploiter dans le domaine énergétique. « Il suffit de mettre en place des installations dans les établissements de traitement du poisson comme à Ilulissat où le chauffage de l'usine de crevettes et flétan est alimenté à moitié par l'huile tirée des déchets de la pêche », souligne Joern Hansen dont, « même le directeur, relève-t-il, roule dans une voiture fonctionnant avec de l'huile issue de déchets organiques ».

Pour Aksel Blytmann, consultant à la Knapk, ce requin des glaces pourrait s'avérer être « une source énergétique inespérée ». D'autant que cette espèce qui « pullule dans les eaux arctiques, n'est pas menacée d'extinction », contrairement à ce qu'avance l'International Union for Conservation of Nature (IUCN), affirme-t-il.

Pour en savoir plus :

Consulter le site du Centre de recherche pour le développement durable (Crdp) de l'Académie de Reims