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Energie

Le biogaz se fait une place au Caire

par Nina  Hubinet

Article publié le 28/05/2009 Dernière mise à jour le 01/06/2009 à 09:54 TU

Hussein Souleiman contrôle l'installation sur son toit, dans le quartier de Darb Al Ahmar.(Photo : Nina Hubinet)

Hussein Souleiman contrôle l'installation sur son toit, dans le quartier de Darb Al Ahmar.
(Photo : Nina Hubinet)

En Egypte, quelques habitants des quartiers pauvres de la capitale ont adopté un système qui permet de produire du gaz de cuisine à partir d’ordures ménagères, et donc de faire des économies tout en préservant l’environnement.

« Vous prenez du thé ? » Depuis deux semaines, Hanna et sa femme Sabakh, qui habitent Manshiet Nasser, un quartier de chiffonniers au Caire, servent un thé préparé avec du gaz « maison » à leurs invités. Le mince tuyau en plastique qui alimente la cuisinière court de leur appartement jusqu’au toit de l’immeuble, où il vient se ficher dans un cylindre noir haut de deux mètres. « Là je mets les ordures organiques de la maison », explique Hanna en désignant un large tube qui entre dans la machine. « Et par cet autre tube, on évacue une partie des déchets, qui servent d’engrais », dit-il en faisant admirer ses plantes grasses. Le système produit un gaz totalement naturel et gratuit, sans ajouter de CO2 à l’air du Caire, la ville la plus polluée d’Afrique, d’après les rapports des Nations Unies.

C’est un ingénieur américain, Thomas Henry Culhane, diplômé d’Harvard en anthropologie biologique, qui a eu l’idée d’introduire cette invention indienne en Egypte. A la tête de l’association Solar Cities, il a d’abord installé une trentaine de panneaux solaires sur les toits du Caire pour chauffer l’eau. Puis ce "Géo Trouvetou" de l’écologie, qui a vécu cinq ans dans la capitale égyptienne, a découvert un système individuel de production de biogaz sur YouTube.

2 kilos de déchets = 2 deux heures de gaz par jour

« Je suis parti en Inde pour rencontrer le concepteur, le Dr. Anand Karve. Il m’a dit : « il faut penser comme le ventre d’une vache » ! », raconte-t-il. Le système est en effet calqué sur l’appareil digestif d’un ruminant : nourries par les déchets organiques, les bactéries se développent et produisent du méthane (70%) et du CO2 (30%). « Le méthane est un gaz vingt fois plus polluant que le CO2 pour l’atmosphère. Mais quand on le brûle, comme ici pour faire la cuisine, il n’y a plus de pollution », précise Omar Nagi, un jeune ingénieur égyptien qui participe au projet.

Dans un premier temps, on remplit le réservoir de fumier. « Après deux à quatre semaines, selon la température extérieure, une colonie de bactéries apparaît et l’on a plus qu’à ajouter chaque jour des ordures organiques », explique Thomas Culhane. Pour deux kilos de déchets, le foyer dispose de deux heures de gaz par jour. Pour l’instant, cinq familles ont accepté de tenter l’expérience au Caire, et l’objectif est d’étendre le système à une centaine de foyers avant de lancer le projet à la campagne. « Plusieurs milliers de familles rurales, qui n’ont pas accès à d’autres sources d’énergie, ont adopté le système en Inde », rappelle Omar Nagi.

« Avec le biogaz, on achète deux fois moins d’emboubas »

Au Caire, le système vient remplacer les « emboubas », c'est-à-dire les bouteilles de gaz que les Egyptiens achètent à des vendeurs ambulants à vélo et en charrette. Une petite bouteille de gaz dure environ trois semaines et coûte 8 livres (1,40 euro), grâce aux subventions massives du gouvernement. Pays producteur de gaz, l’Egypte n’a aucun problème d’approvisionnement, ce qui rend la concurrence difficile pour tout système alternatif.

« Avec le biogaz, on achète deux fois moins d’emboubas », se réjouit néanmoins Hussein Souleiman, un retraité, père de quatre enfants, qui expérimente le système dans le quartier historique de Darb Al Ahmar. Il rappelle aussi que l’utilisation des bonbonnes n’est pas sans danger. « Il y a un mois, l’immeuble d’en face a brûlé pendant 24 heures après l’explosion d’une bouteille de gaz », raconte-t-il en montrant les charpentes carbonisées du vieux bâtiment.

« Nous pouvons construire le système nous-mêmes »

Malgré ces risques, les voisins d’Hussein ne sont pas encore convaincus par le nouveau système. Premier problème, tous ne disposent pas d’un toit pour entreposer la machine. « Certains pensent aussi que c’est sale de garder les ordures comme cela. Moi je leur dis que ce système peut nous aider à rendre le quartier plus propre, alors que nos poubelles attirent les chats et les rats », plaide Hussein. Mais leur réticence est surtout financière.

L’appareil coûte plus de 1000 livres (177 euros), ce qui représente environ trois fois le revenu mensuel des habitants du quartier. Les premières familles équipées n’ont presque rien payé, leur utilisation du biogaz ayant une valeur expérimentale. Mais les suivants devront mettre la main à la poche. « Nous recherchons des subventions et nous réfléchissons à un système de prêts », rassure Omar Nagi. Même si les futurs propriétaires ne paient qu’un tiers du prix total, soit 300 livres (53 euros), le biogaz ne deviendra moins cher que les bonbonnes qu’au bout de deux ans et demi. « Nous pouvons construire le système nous-mêmes », assure de son côté Hussein, qui bricole déjà des panneaux solaires pour ses amis.

Vue générale du quartier de Manshiet Nasser, où les chiffonniers du Caire trient et recyclent les ordures de la ville.
(Photo : Nina Hubinet)

Vue générale du quartier de Manshiet Nasser, où les chiffonniers du Caire trient et recyclent les ordures de la ville.
(Photo : Nina Hubinet)

Pour en savoir plus :

Consulter les sites suivants :

·        un article de National Public Radio sur l’installation des panneaux solaires au Caire par l’association Solar Cities 

·        la description du système de biogaz sur le site de l’ONG qui l’a installé en Inde