Cyclisme
Ni coupables,ni responsables
par Gérard Dreyfus
Article publié le
03/11/2000
Dernière mise à jour le
02/11/2000 à 23:00 TU
La deuxième semaine du « procès du dopage » à Lille a été celle de l'audition des dirigeants du cyclisme français et international. Au terme des auditions de Hein Verbruggen et de Daniel Baal, il ressort que le dopage est un mal qui ronge profondément le monde du cyclisme.
La deuxième semaine du « procès du dopage » à Lille a été celle de l'audition des dirigeants du cyclisme français et international. Le Président de l'union cycliste internationale (UCI), le Néerlandais Hein Verbruggen a passé cinq heures à la barre. Le président de la Fédération française, Daniel Baal, a répondu aux questions du tribunal pendant cinq bonnes heures également. Au terme de ces deux auditions, rondement menées par le président Daniel Delegove, il ressort que le dopage est un mal qui ronge profondément le monde du cyclisme, mais les deux grands témoins ont refusé d'endosser une quelconque responsabilité dans la généralisation du phénomène.
On attendait beaucoup de la déposition d'Hein Verbruggen et de Daniel Baal devant la 7e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Lille. Trop sans doute. Car les deux hommes n'étaient entendus qu'à titre de témoins et non d'accusés, contrairement à ce que l'environnement du procès donnait à penser. Le président du tribunal, Daniel Delegove, parfaitement au courant de tous les aspects du dossier, a obtenu ce qu'il espérait, à savoir la reconnaissance par les autorités supérieures du cyclisme du dopage et de sa généralisation dans le peloton. Certes les deux hommes se sont défendus des accusations de complicité, non sans être souvent convaincants. « On nous attaque, on veut nous culpabiliser, mais il n'a rien à reprocher à l'UCI », s'est exclamé Hein Verbruggen. Nous avons organisé 14 000 contrôles, alors qu'on ne vienne pas nous dire que nous n'étions pas conscients du problème. Moi, je trouve que le coureur est le premier responsable du dopage car il a le choix. Ensuite, il est mis sous pression par les soigneurs, les docteurs, les directeurs d'équipe. C'est presque un scandale de dire qu'on n'a pas fait assez en matière de lutte anti-dopage. C'est facile de blâmer après. Le sport ne peut pas échapper à la médicalisation de notre monde. Eradiquer le dopage à 100%, c'est impossible », devait plaider le président de l' UCI. En clair, comme il l'a dit lui-même, ni responsable, ni coupable. Pour Daniel Baal, « ce n'est pas le cyclisme qui génère le dopage, mais le cyclisme qui est victime du dopage. Je continue d'affirmer, devait-il ajouter, que tout le monde n'est pas dopé. Je refuse l'allégation de tous pourris ».
Un procès pas totalement inutile
L'évidence du dopage, mais c'était un secret de polichinelle, est apparue très clairement depuis le début du procès. Plus personne ne nie les faits. A l'heure où vont commencer les plaidoiries, c'est déjà un acquis. Quoi qu'il advienne, quelles que soient les sanctions qui attendent les neuf prévenus, ce procès n'aura pas été totalement inutile, mais s'il ne peut avoir la prétention de régler le problème, car la situation est trop grave pour ne dépendre que d'une décision de justice. Qui, de toute façon, ne concerne que quelques prévenus qui ont fait comme les autres. Reste à savoir quelles seront, dans les mois qui viennent, les réactions du public. Finalement, c'est lui qui sera le dernier juge. Soit il s'accommode des pratiques du cyclisme et oublie le dopage soit il se détourne d'un sport qu'il pense incurable. C'est sans doute là l'enjeu essentiel du procès Festina qui pour être celui du cyclisme, n'en est pas moins celui de tout le monde sportif gangrené par le même mal.