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Mondial de rugby 2007

Les jambes et le muscle, plus que la tête ?

par Marc Verney

Article publié le 18/09/2007 Dernière mise à jour le 18/09/2007 à 16:44 TU

Le capitaine de l'équipe des Tonga, Nili Latu, à l'entraînement, le 18 septembre à Montpellier. (Photo: Reuters)

Le capitaine de l'équipe des Tonga, Nili Latu, à l'entraînement, le 18 septembre à Montpellier.
(Photo: Reuters)

Plus vite, plus fort, plus lourd, plus haut… l’arrivée en 1995 du professionnalisme dans le rugby a changé la donne au niveau de l’élite. Les rugbymen sont des modernes gladiateurs, obligés d’enchaîner plaquages, percussions, accélérations, poussées, plus d’une centaine de fois par match… Le corps des joueurs souffre, exposé à des phases réduites de pick and go dans de petits périmètres où l’on reste sous les yeux des caméras…

C’est André Boniface, le grand attaquant des années cinquante et soixante qui le dit le mieux dans le supplément rugby du Nouvel Observateur (6 septembre) : « A mon époque, c’était le défenseur qui agressait l’attaquant. Aujourd’hui, c’est l’inverse. L’attaquant cherche à agresser le défenseur en oubliant les intervalles et les coéquipiers à ses côtés »… Mort du rugby, sport d’équipe ? Place au muscle, quelles qu’en soient les conséquences ? Car ce rugby de gladiateurs a un prix : celui des corps, usés par le combat et parfois –aussi- reconstitués par la grâces d’adjuvants médicaux pas toujours licites…

Frédéric Gassmann

Responsable du service des sports de RFI

«Quatre joueurs, deux par équipe, seront soumis à un contrôle urinaire après chaque rencontre.»

L’International Rugby Board mène, sur cette Coupe du monde, un programme de surveillance en coordination étroite avec l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). Les contrôles, qui ont déjà débuté début 2007, portent sur les vingt équipes engagées dans la compétition. Il faut y ajouter ceux décidés par les agences nationales, en France, Australie, Nouvelle-Zélande et Afrique du Sud. Pendant le Mondial, deux joueurs de chaque équipe sont tirés au sort après chacune des 48 rencontres.

Ces fameux compléments alimentaires…

Il n’y a pas eu de test sanguin d’aptitude des joueurs avant le Mondial. Ces contrôles, effectués dans le cyclisme ou en athlétisme permettent de pointer en amont les anomalies repérées sur certains paramètres sanguins chez un sportif et de le mettre hors jeu. Il n’y a donc que des tests urinaires classiques, avec recherche d’EPO pour certains. L’Agence française de lutte contre le dopage met à disposition de l’IRB son laboratoire de Châtenay-Malabry pour les analyses. Les résultats sont livrés à l’IRB et à l’Agence mondiale antidopage dans un délai de trois à quatre jours.

Les compléments alimentaires absorbés par les rugbymen seraient le principal vecteur du dopage, affirment les autorités médicales du rugby. Qui insistent sur le fait que l’initiative vient toujours de sportifs isolés et livrés à eux-mêmes… « Des dopages aux stéroïdes ont été recensés en Afrique du Sud », annonce pourtant Gérard Dine, hématologue, dans le Nouvel Observateur… et, de fait, la seule affaire retentissante de dopage révélée au public a été en 2000 la mise en cause de la fédération sud-africaine de rugby, accusée de fournir des suppléments nutritionnels contenant de la nandrolone, substance permettant de gagner rapidement du muscle.

Un moteur de Ferrari dans un châssis de 2CV ?

Nos Dieux du Stade peuvent, en tous cas, absorber officiellement de la créatine puisque la vente de ce produit est désormais légale en France (depuis 2006). L’absorption de ce produit par les joueurs des équipes de l’hémisphère sud avait été, par le passé, souvent souligné pour expliquer les performances des All Blacks, des Wallabies ou des Springboks… Censée améliorer la masse musculaire, la créatine augmente également la résistance du muscle en effort anaérobie. Mais c’est surtout un excellent camouflage pour d’autres produits, comme les stéroïdes anabolisants qui brûlent la masse graisseuse et gonflent encore le muscle…

La course actuelle au poids et à la puissance se heurte cependant bien vite au principe de réalité : pour Jean-Paul Doutreloux, physiologiste de l’effort musculaire, « ce n’est pas en un an que l’on fait prendre 10 kg a un corps tout en conservant sa vitesse. Il faut quatre ans au minimum pour s’adapter à son nouveau corps »… Ce préparateur physique de l’équipe de France de rugby à VII estime en outre qu’un joueur ne peut pas évoluer « durant la période de 3 à 6 mois où il va prendre 6 à 8 kg ». Et, du coup, l’ossature de certains joueurs, qui forcent leur nature avec des heures de musculation, craque. Car, contrairement à la masse musculaire, les os et les ligaments ne se développent pas.

Dans un sport de contact comme le rugby (130 impacts par rencontre en moyenne pour un troisième ligne), la tentation peut être grande pour un professionnel soucieux de prolonger sa carrière d’utiliser des forces d’appoint. Chimiques ou pas d’ailleurs : plus d’un tiers des contrôles positifs dans le rugby sont le fait du cannabis. Proscrit uniquement en compétition, le cannabis a, pour Michel Rieu, conseiller scientifique à l’AFLD, « un effet déstressant et peut détendre avant une compétition importante. Dans les sports à risque, il donne une assurance qui n’est pas justifiée par la réalité ».