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Russie : la démission de Boris Eltsine

La Douma ou la prison<br>

Au grand cirque politique de Moscou, les élections tiennent la vedette bien qu'elles ne soient qu'un numéro d'illusion éventé, exécuté par des magiciens qui ne trompent plus personne. Bien sûr, on se félicitera qu'au moins les Russes respectent le calendrier électoral. C'est qu'ici on ne badine pas avec les figures imposées de la démocratie. D'ailleurs la pantomime est impeccable et l'organisation du scrutin, formellement irréprochable. Formellement seulement. Parce que dans une classe politique ou le terme " démocrate " est devenu une insulte, le dicton le plus populaire est : " Mieux vaut la Douma que la prison ". Dicton à la fois cynique et péjoratif. Péjoratif parce qu'il indique le peu de respect porté à un parlement largement déconsidéré. Il y a 6 mois encore, les 2/3 des députés condamnaient la première guerre de Tchétchénie comme un acte criminel, avant de voter pour la seconde comme un seul homme.


Mieux vaut donc être à la Douma qu'en prison parce que si les députés n'ont pas de pouvoir, en revanche ils disposent de quelques privilèges dont un vaut de l'or par les temps qui courent : l'immunité totale. Pas étonnant donc qu'un candidat sur cinq ait un casier judiciaire. La Douma ne suscite pas seulement des vocations politiques douteuses, elle apparaît comme une planche de salut même pourrie, pour les cardinals gris du Kremlin, les femmes ou fils de politiciens et autres candidats suspects.

Le choix par le parti du Kremlin comme numéro 2 de sa liste d'un champion de lutte gréco-romaine à la tête de tueur est à l'image même de la campagne. Une campagne où tous les coups sont permis, surtout les coups bas, crocs-en-jambe, calomnies, diffamations, provocations, chantage, et j'en passe. Mais alors si tout l'arsenal de la guerre électoral total a été déployé, cela ne montre-t-il pas au moins un certain degré de pluralisme ? Certes, mais c'est un pluralisme de clans rivaux qui n'ont que faire des programmes et des idéologies et qui ne s'affrontent que pour le pouvoir. La virulence de la campagne est d'autant plus grande que ces élections au son du canon font figure de primaire avant la présidentielle de juin.


L'électeur, lui, regarde tout cela avec fatalisme. Pragmatique, il votera pour les candidats véreux parce qu'à tout prendre mieux vaut un corrompu efficace, qu'un corrompu incompétent. Et puis finalement pourquoi donc le simple citoyen devrait-il faire preuve de moralité alors que ses représentants lui donnent l'exemple de l'incivisme.

Mais au moins, le suffrage universel n'est-il pas désormais un acquis irréversible ? Eh bien non ! Il y a 6 ans à peine, le président faisait bombarder le parlement. Aujourd'hui, il fait bombarder la Tchétchénie pour tenter de se perpétuer. Le corps électoral pourrait un jour se fatiguer d'être ainsi malmenéà



par Jacques  Rozenblum

Article publié le 16/12/1999