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Autriche

L'Autriche fait l'autruche <br>

Lorsque après plus d'un demi siècle, un pays n'est toujours pas capable d'affronter seul les démons de son passé, il revient à la communauté internationale de l'y pousser.

C'est ce qui se passe avec une Autriche qui persiste à faire l'autruche. Souvenons nous de l'exemple de l'Afrique du Sud et de ce qu'écrivait Desmond Tutu qui dirigea les longs et douloureux travaux de la commission Vérité et Réconciliation : «Nous avons regardé la Bête dans les yeux. Nous avons demandé et reçu le pardon. Nous nous sommes amendés. Maintenant il nous faut refermer la porte du passé - non pas pour oublier mais pour ne pas nous laisser emprisonner.» Au regard de cet exemple, le moins qu'on puisse dire de l'Autriche, c'est qu'elle n'a pas affronté «la Bête». Sinon comment comprendre que pour arriver au pouvoir, la coalition à tonalité brune ait dû signer sous pression l'aveu le plus complet sur la responsabilité de Vienne dans les crimes du nazisme ? Le simple fait que soixante ans après, un gouvernement doive s'engager par écrit à un «auto-examen du passé» prouve à lui seul qu'il y a quelque chose de pourri et d'enfoui au royaume de Sissi. D'autant que la promesse n'engage que ceux qui y croient.Voilà un petit pays si tranquille et prospère qu'on a pu le qualifier d'«île des bienheureux». C'est pourtant ce paradis où l'on aime à se présenter en victime du nazisme qui élit en 86 le président Kurt Waldheim, malgré son passé nazi. C'est cette «innocente» Autriche qui vient de récidiver en propulsant un ancien groupuscule de nostalgiques du IIIe Reich au gouvernement. Alors, il y a ceux qui protestent contre les sanctions internationales affirmant qu'il faut une certaine dose d'oubli en politique pour qu'un pays puisse vivre en paix avec lui-même. Ils prétendent que la démocratie autrichienne est suffisamment forte pour pouvoir récupérer tous les petits Haider en les embourgeoisant. A cela, il faut répondre que les défenses immunitaires du pays ne sont pas aussi fortes qu'on le prétend puisque le terrain a déjà subi plusieurs infections opportunistes.

Dans une Autriche qui a toujours refusé le seul vaccin efficace, celui de la mémoire, c'est un pari douteux de penser que les enzymes gloutons de l'extrême droite se laisseront engluer dans le conformisme des valeurs ambiantes, étouffer par l'édredon du consensus mou. Face à une revendication collective d'amnésie, au refus viscéral d'un examen de conscience, à une entreprise de déculpabilisation sans douleur, les sanctions internationales sont un choc salutaire qui doit servir à crever l'abcès.



par Jacques  Rozenblum

Article publié le 07/02/2000