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Monnaie unique européenne

L'euro s'effrite

Depuis sa création voilà un an et demi, l'euro ne cesse de chuter. Pourquoi? Les explications ont évolué au fil des mois. D'un simple rééquilibrage monétaire (l'euro a été lancé surévalué), on est passé à des justifications économiques (la force de l'économie américaine), pour admettre finalement, début mai, que les raisons de la chute sont politiques (l'Europe va mal).
La courbe est spectaculaire. Depuis un an et demi, lentement mais sûrement, la monnaie unique européenne s'effrite, perdant au total le quart de sa valeur par rapport au dollar.
Lors de son lancement, le 1er janvier 1999, l'euro cote 1,18 dollar. S'ensuit une érosion progressive qui, les premiers mois, ne suscite guère d'inquiétude. Lorsque, le 2 décembre 1999, l'euro tombe à parité avec le billet vert, l'opinion générale est qu'on atteint un seuil d'équilibre, une équation psychologique marquant la rivalité, à armes égales, entre l'euro et le dollar.

C'est ensuite que les choses se gâtent. En janvier 2000, la monnaie européenne entame un nouveau plongeon. Les grands argentiers européens feignent de ne pas s'émouvoir, mais tentent malgré tout de rassurer les marchés. Ils répètent à l'envi que «l'euro a un fort potentiel d'appréciation», formule taillée dans la plus pure des langues de bois, et qui au fil des semaines finit par provoquer une franche hilarité sur les places financières. En avril, la monnaie européenne cumule les records à la baisse, perdant point après point. Le sentiment d'inquiétude se fait de plus en plus fort, ouvertement dans les milieux financiers, à mots couverts chez les gouvernants, mais les médias ne réagissent guère.

«Semaine noire»

Ce qui va déclencher le débat politique auquel on assiste aujourd'hui, c'est une «semaine noire», au début du mois de mai 2000. L'euro touche un plancher historique à 0,88 dollar. Cette fois, la presse, les radios, et les chaînes de télévision multiplient les gros titres et les questions. Jusqu'où peut tomber l'euroß? Pourquoi tant de baisse ? Est-ce grave pour l'Europe ? Contraints à la prudence, les dirigeants français se veulent d'abord rassurants et se disent persuadés que l'euro, en lequel ils ont «confiance», devrait retrouver, selon le ministre de l'économie Laurent Fabius, «un niveau plus en accord avec la réalité économique de l'Europe».
Le 9 mai, pourtant, lors d'un débat à l'Assemblée nationale sur la prochaine présidence française de l'Union européenne (au second semestre 2000), les déboires de l'euro sont au centre des discours. L'ancien président Valéry Giscard d'Estaing se dit «soucieux» que l'euro soit politiquement «orphelin». Le Premier ministre Lionel Jospin admet qu'il «ne peut pas être satisfait du niveau actuel de l'euro», et fait de son redressement une des priorités françaises.
Le diagnostic est quasi unanime en France: si l'euro est malade, c'est que l'Europe a un coup de fatigue. Le problème, c'est que la France a des partenaires. Or, le premier d'entre eux, l'Allemagne, se réjouit: le chancelier Schröder n'est «pas du tout préoccupé», et vante les vertus d'un euro faible qui dope les exportations. A l'anémie de l'euro, le remède commun sera, semble-t-il, difficile à trouver.





par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 11/05/2000