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Tourisme à risque

Yémen: les otages<br><br> sont une monnaie d'échange

Le Yémen est doté d'un gouvernement et d'un parlement. Mais qu'on ne s'y trompe pas : en dehors des centres urbains, ce sont les tribus qui font la loi. Et pour obtenir du gouvernement ce qu'elles demandent, quel meilleur moyen de pression que l'enlèvement de touristes étrangers?
Au Yémen, quand les villageois veulent une route, l'adduction d'eau ou l'électricité, ils ne vont pas en délégation voir leur député ou leur gouverneur, pétition à la main. Le plus souvent, ce serait inutile dans ce pays où l'Etat est virtuellement inexistant. Depuis plusieurs années, les tribus qui dominent la société yéménite ont remis au goût du jour une pratique ancestrale : l'enlèvement d'otages. Ces derniers ont d'autant plus de valeur qu'ils sont étrangers, de préférence occidentaux.

L'objectif des preneurs d'otages consiste à faire pression sur le gouvernement central de Sanaa, dont le budget est très dépendant de l'aide occidentale et du Fonds monétaire international. Pour ce faire, le rapt de Français, d'Allemands, d'Américains ou de Japonais est particulièrement indiqué : l'influence des pays dont ils sont ressortissants est considérable à Sanaa. En revanche, il y a quelques années, des Polonais avaient été kidnappés par des membres d'une tribu. Lorsque les ravisseurs ont pris connaissance de leur nationalité, ils ont été immédiatement relâchés.

Les touristes étrangers (mais aussi les ingénieurs ou diplomates résidant au Yémen) représentent une valeur sûre aux yeux de leurs ravisseurs. C'est pourquoi les otages sont généralement très bien traités et, une fois que les revendications ont abouti, ils sont relâchés sains et saufs. La plupart ont déclaré avoir été très bien traités et même considérés comme des invités d'honneur par leurs hôtes imprévus.

Le tourisme principale source de devises

Cependant, le gouvernement yéménite craint que ces enlèvements à répétition ne finissent par compromettre le tourisme, une source majeure de rentrées en devises pour ce pays parmi les plus pauvres de la planète. Les autorités apprécient peu ce supplément imprévu aux excursions touristiques. Si les touristes sortent indemnes de ces enlèvements, les combats entre les tribus, puissamment armées et les forces de l'ordre, ont en revanche fait de nombreux morts et blessés.

Une fois seulement, des touristes ont perdu la vie à l'occasion d'un enlèvement : en décembre 1998, seize touristes occidentaux, pour la plupart des Britanniques, ont été capturés près d'Aden. Quatre d'entre eux sont morts lors de l'assaut donné par les forces de l'ordre, sans que l'on parvienne à déterminer de façon certaine s'ils ont été abattus par les preneurs d'otages ou s'ils ont reçu des balles perdues tirées par les policiers lors de l'assaut. Quoi qu'il en soit, cet enlèvement diffère de tous les autres dans la mesure où il n'était pas le fait de membres d'une tribu cherchant à obtenir gain de cause sur leurs revendications mais de militants islamistes qui demandaient la libération d'un de leurs camarades, condamné à mort peu auparavant.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 01/08/2000