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Sécurité alimentaire

La fin d'un dogme<br> <br>

L'encéphalopathie spongiforme transmissible, qui provoque troubles moteurs, démence et parfois la paralysie, est connue de longue date chez l'homme comme chez l'animal. Mais il a fallu trois siècles pour établir le lien unissant l'affection du mouton, du bovin et de l'humain. Un agent infectieux atypique, le prion, mais surtout la fin du "dogme" scientifique de la barrière séparant les espèces révolutionnent le monde scientifique.
Dès le XVIIIe siècle, la tremblante du mouton était connue des savants. En 1732, elle est décrite sous le nom de scrapie, mais il faudra attendre 1938 et deux vétérinaires français, Cuille et Chelle, pour reconnaître son caractère transmissible d'un animal à l'autre.

Chez l'homme, une maladie présentant les mêmes caractéristiques est décrite en 1920 et 1921 par Creutzfeldt puis par Jakob. Elle se divise en trois catégories: la forme sporadique qui touche des personnes de 50 à 75 ans et les conduit rapidement à une démence profonde. La forme familiale, plus précoce, de 34 à 54 ans, est d'origine génétique, et la forme iatrogène est liée à une contamination par du matériel chirurgical ou lors de greffes. Ainsi, en France dans les années quatre-vingt, 40 enfants ont été atteints de la maladie de Creutzfeldt-Jakob à la suite d'injections d'hormones de croissance fabriquées à partir d'hypophyses humaines. Ce risque a été éliminé en 1986 avec la production d'une hormone de synthèse. Déjà, au début des années cinquante, le Kuru, une maladie frappant une peuplade de Nouvelle-Guinée, avait semé le trouble: la transmission s'effectuait au cours de rites funéraires impliquant la consommation de cadavres.

Enfin, en 1996, avec l'apparition d'une nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob chez des patients jeunes, on fait le rapprochement avec la maladie de la «vache folle» ou encéphalopathie spongiforme bovine (ESB).

Cette épidémie sévit en Grande-Bretagne depuis 1986. Elle est liée à la consommation par les bovins de farines d'origine animale dont les procédés de fabrication ont été modifiés en 1980. Par souci de rentabilité, la température de stérilisation avait été abaissée, ne permettant plus l'inactivation des prions.

Le phénomène prion est déjà une énigme pas totalement résolue à ce jour. Mais les encéphalopathies spongiformes mettent également à mal un dogme scientifique fondamental: la barrière des espèces. La tremblante du mouton était réputée intransmissible à l'homme et n'aurait pas suscité de telles recherches sans l'épidémie bovine. Une enquête a rapidement évoqué la transmission de la tremblante du mouton aux bovins. Mais le franchissement de la barrière d'espèces avait à ce point la vie dure que dix ans ont passé avant qu'en 1996, le chercheur écossais Robert Will établisse une relation entre lµESB et la nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Ce lien, démontré par Stanley Prusiner (Prix Nobel 1997) et Michael Scott et désormais généralement admis, était-il encore récemment contesté par Alan Ebringer, un spécialiste en immunologie britannique. Les projections statistiques les plus récentes tablent cependant sur une relative difficulté de passage de l'agent infectieux bovin à l'homme: seuls deux cas de la variante de Creutzfeldt-Jakob proviendraient de la consommation d'une bête contaminée.



par Francine  Quentin

Article publié le 17/08/2000