Guinée
Albert Bourgi:<br> «<i>L'attitude du gouvernement <br> français est anachronique</i>»<br>
Juriste et politologue, bon connaisseur de la Guinée, Albert Bourgi est aussi le principal animateur du comité pour la libération d'Alpha Condé, composé d'avocats, d'intellectuels et de responsables politiques. Pour lui la France, principal bailleur de fonds de Conakry, est la seule a pouvoir faire efficacement pression sur le régime de Lansana Conté.
RFI: Pensez-vous que le régime guinéen puissent faire fi de la réprobation générale que suscite le procès d'Alpha Condéß?
Albert Bourgi: Le général Lansana Conté enregistre ces réactions très négatives. Tout le monde en Afrique, non seulement les décideurs politiques mais l'opinion en général, s'élève contre ce qui se passe en Guinée. Ce qu'a révélé le procès d'Alpha Condé, c'est qu'au fond il y a encore aujourd'hui un pays qui s'appelle la Guinée qui vit totalement en marge de ce qui se passe un petit partout en Afrique où le pluralisme est de plus en plus la règle. Et s'il ne tient pas compte de toutes ces réactions, c'est parce qu'elles ne sont pas suivies d'effets. Il n'y a pas ce que craint par dessus tout Lansana Conté: une espèce de marginalisation du pouvoir guinéen. Il faut désormais passer à une phase de sanctions politiques.
RFI: Cela passe-t-il par une suspension de l'aide internationale à la Guinée, comme cela a été le cas au Togoß?
A.B.: J'irai même plus loin. Ces sanctions doivent d'abord être prises par les états africains eux-mêmes. Au fond, il y a des organisations internationales et l'on peut très bien imaginer que dans le cadre de la CEDEAO (Communauté économique des états d'Afrique de l'Ouest) ou des autres organisations existantes la Guinée soit tout simplement dénoncée et mise à l'écart jusqu'à que ce que son gouvernement change d'attitude. Bien évidemment, il y a également l'attitude des pays industrialisés, disons le tout de suite du gouvernement français qui paraît totalement anachronique. Je crois que les déclarations qui ont été faites par le gouvernement français, il y a quelques mois, qui tendaient à réclamer un procès équitable pour Alpha Condé, sont totalement dépassées, quand on sait comment s'est déroulé la procédure. Au-delà des discours incantatoires, il fallait passer à quelque chose de plus concret.
RFI: L'attitude de la France vis-à-vis de la Guinée a semblé moins ferme qu'à l'égard d'un pays comme la Côte d'Ivoire, à propos duquel le ministre français délégué à la Coopération, Charles Josselin, a eu des mots assez dur. Comment analysez-vous cette différence d'approcheß?
A.B.: Cette différence de réaction tient au fait que le gouvernement est tiraillé entre différents intérêts et qui agissent dans le cas de la Guinée peut-être de manière plus directe et plus décisive que dans le cas de la Côte d'Ivoire. La France a des intérêts en Côte d'Ivoire, donc elle est beaucoup plus vigilante sur ce qui s'y passe. En Guinée, elle en a peut-être moins, mais elle a des moyens d'agir beaucoup plus importants. Et elle ne le fait pas. Il y a là un a aveuglement politique qui peut coûter cher à la politique africaine de la France qui est, dans le cas du procès Condé, tout simplement clouée au pilori par l'opinion publique africaine. On ne peut pas clamer que la politique française en Afrique est désormais fondée sur la démocratie et les droits de l'homme et, en même temps, ne pas réagir à la manière dont les règles élémentaires du droit sont foulées par le gouvernement guinéen. De procès équitable, il n'y en point eu et le gouvernement français se doit désormais d'imposer des sanctions économiques et politiques à la Guinée et de demander à ses partenaires européens d'en faire autant. C'est la France qui est le principal bailleur de fonds de la Guinée. Avec l'Union européenne elle a imposé des sanctions dans le cas du Togo. Alors pourquoi deux poids deux mesures? Le pouvoir togolais on sait ce qu'il est. Mais le pouvoir guinéen est bien pire.
Albert Bourgi: Le général Lansana Conté enregistre ces réactions très négatives. Tout le monde en Afrique, non seulement les décideurs politiques mais l'opinion en général, s'élève contre ce qui se passe en Guinée. Ce qu'a révélé le procès d'Alpha Condé, c'est qu'au fond il y a encore aujourd'hui un pays qui s'appelle la Guinée qui vit totalement en marge de ce qui se passe un petit partout en Afrique où le pluralisme est de plus en plus la règle. Et s'il ne tient pas compte de toutes ces réactions, c'est parce qu'elles ne sont pas suivies d'effets. Il n'y a pas ce que craint par dessus tout Lansana Conté: une espèce de marginalisation du pouvoir guinéen. Il faut désormais passer à une phase de sanctions politiques.
RFI: Cela passe-t-il par une suspension de l'aide internationale à la Guinée, comme cela a été le cas au Togoß?
A.B.: J'irai même plus loin. Ces sanctions doivent d'abord être prises par les états africains eux-mêmes. Au fond, il y a des organisations internationales et l'on peut très bien imaginer que dans le cadre de la CEDEAO (Communauté économique des états d'Afrique de l'Ouest) ou des autres organisations existantes la Guinée soit tout simplement dénoncée et mise à l'écart jusqu'à que ce que son gouvernement change d'attitude. Bien évidemment, il y a également l'attitude des pays industrialisés, disons le tout de suite du gouvernement français qui paraît totalement anachronique. Je crois que les déclarations qui ont été faites par le gouvernement français, il y a quelques mois, qui tendaient à réclamer un procès équitable pour Alpha Condé, sont totalement dépassées, quand on sait comment s'est déroulé la procédure. Au-delà des discours incantatoires, il fallait passer à quelque chose de plus concret.
RFI: L'attitude de la France vis-à-vis de la Guinée a semblé moins ferme qu'à l'égard d'un pays comme la Côte d'Ivoire, à propos duquel le ministre français délégué à la Coopération, Charles Josselin, a eu des mots assez dur. Comment analysez-vous cette différence d'approcheß?
A.B.: Cette différence de réaction tient au fait que le gouvernement est tiraillé entre différents intérêts et qui agissent dans le cas de la Guinée peut-être de manière plus directe et plus décisive que dans le cas de la Côte d'Ivoire. La France a des intérêts en Côte d'Ivoire, donc elle est beaucoup plus vigilante sur ce qui s'y passe. En Guinée, elle en a peut-être moins, mais elle a des moyens d'agir beaucoup plus importants. Et elle ne le fait pas. Il y a là un a aveuglement politique qui peut coûter cher à la politique africaine de la France qui est, dans le cas du procès Condé, tout simplement clouée au pilori par l'opinion publique africaine. On ne peut pas clamer que la politique française en Afrique est désormais fondée sur la démocratie et les droits de l'homme et, en même temps, ne pas réagir à la manière dont les règles élémentaires du droit sont foulées par le gouvernement guinéen. De procès équitable, il n'y en point eu et le gouvernement français se doit désormais d'imposer des sanctions économiques et politiques à la Guinée et de demander à ses partenaires européens d'en faire autant. C'est la France qui est le principal bailleur de fonds de la Guinée. Avec l'Union européenne elle a imposé des sanctions dans le cas du Togo. Alors pourquoi deux poids deux mesures? Le pouvoir togolais on sait ce qu'il est. Mais le pouvoir guinéen est bien pire.
par Propos recueillis par Christophe CHAMPIN
Article publié le 23/08/2000