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Kosovo

MSF quitte le nord de la province<br> <br>

Pour protester contre l'échec de l'ONU dans la protection des minorités serbes et tziganes, l'organisation non gouvernementale Médecins sans Frontières a décidé de quitter la ville de Mitrovica et les enclaves serbes de ses environs.
«Plus d'un an après la prise de pouvoir de la MINUK et de la KFOR pour l'administration civile et militaire, un grand nombre de personnes vivent encore dans une insécurité extrême. Les groupes ethniques (minoritaires, essentiellement serbes et tziganes) sont continuellement terrorisés. Il y a des actes de violence organisés contre eux. Cela s'apparente à du nettoyage ethnique, tout au moins à de l'homogénéisation ethnique». L'organisation non-gouvernementale - prix Nobel de la paix - a décidé de quitter le nord du Kosovo pour protester contre ce qu'elle considère comme un échec des Nations Unies dans la protection des minorités. «Nous refusons d'être des complices de ce qui se passe, a précisé le chef de la mission de MSF dans le nord de la province, Philippe Rosen. Nous refusons de rester silencieux devant le manque d'action efficace de la communauté internationale. Nous avons pris cette décision devant la dégradation continuelle de la situation, au mieux de la stabilisation dans certaines enclaves».

Cinq équipes médicales de MSF quittent la zone nord du Kosovo occupée par la minorité serbe, et notamment la ville stratégique - et coupée en deux - de Mitrovica, qui a été souvent le théâtre d'affrontements violents entre Albanais et Serbes du Kosovo depuis la fin de la guerre de l'OTAN contre la Serbie de Milosevic. Les deux bureaux de MSF dans les parties nord et sud de Mitrovica seront ainsi fermés, de même que ceux des enclaves serbes de Srbica et Vucitrn. Leur travail, assuré par la section belge de MSF, consistait essentiellement à soigner les gens à domicile et dans des cliniques mobiles. Les sections française et espagnole de MSF vont quant à elles poursuivre leur travail dans le reste du Kosovo.

Cette décision n'a pas pour but de «déstabiliser» l'administrateur de l'ONU au Kosovo, Bernard Kouchner, qui est par ailleurs l'un des fondateurs de MSF au lendemain de la guerre du Biafra (Nigéria) au début des années soixante-dix, a tenu à préciser le responsable de MSF pour les Balkans. «Le docteur Kouchner essaie de faire ce qu'il peut. C'est la communauté internationale qui n'assume pas ses responsabilités en donnant suffisamment des moyens à la MINUK pour s'acquitter de sa tâche». C'est d'ailleurs pour cela que, fin juin, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) avait suspendu ses opérations dans la partie serbe de Mitrovica pendant cinq jours, pour protester contre des attaques répétées contre des personnels et des véhicules des organisations internationales. Plusieurs ONG avaient alors fait de même, mais MSF avait préféré continuer ses activités. «Aujourd'hui nous avons atteint des limites. Les actes de violences contre les minorités sont permanents: meurtres, coups de téléphone, menaces pour forcer les gens à partir, inconnus qui passent en voiture et tirent sur les gens», a précisé Philippe Rosen.

Au moment même où MSF annonçait son retrait du nord du Kosovo, l'ONU a décidé de créer une cellule pour surveiller la violence ethnique, dans le but d'établir des statistiques et de déterminer si les meurtres sont politiques ou non, alors que les élections municipales - les premières depuis la fin de la guerre en juin 1999 - sont toujours prévues en octobre 2000. Les violences politiques ne cessent de s'accroître et elles ne visent pas uniquement les minorités serbes et tziganes. Elles concernent aussi les modérés albanais comme serbes. Des membres de la Ligue démocratique du Kosovo (LDK) dirigée par Ibrahim Rugova sont régulièrement la cible d'attaques que la police attribue à des inconnus, mais qui sont vraisemblablement perpétrées par des proches de l'ancienne Armée de libération du Kosovo dirigée par Hashim Thaçi.

Côté serbe, des leaders modérés du Kosovo du Conseil national serbe (SVN) - des adversaires du régime de Belgrade qui participent aux institutions administratives du Kosovo - craignent d'être «éliminés» par la police de Slobodan Milosevic, selon un document très confidentiel qui leur a été transmis par une personne proche du régime yougoslave. Concernant la prochaine élection présidentielle prévue le 24 septembre en Yougoslavie, le SVN a indiqué qu'il n'appelait pas les Serbes du Kosovo à y participer, mais ne leur interdisait pas non plus de voter.



par Elio  Comarin

Article publié le 08/08/2000